Journal du marquis de Dangeau, publié par MM. Soulié et Dussieux. Paris, F. Didot, 1854-60, 19 vol. in-8°. — Journal de la Régence, par Jean Buvat, publié par M. Em. Campardon. Paris, H. Plon, 1865, 2 vol. in-8°. - Journal et Mémoires de Matthieu Marais, publiés par M. de Lescure. Paris, Didot, 1863-64, 3 vol. in-8°. — Chronique de la Régence et du règne de Louis XV, ou Journal de Barbier, Paris, Carpentier, 1857, 8 vol. gr. in-18. — Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XV, publiés par MM. Dussieux et Soulié, Paris, F. Didot, 1860-65, 17 vol. in-8°. — Journal et Mémoires du marquis d'Argenson, publiés (pour la Société de l'Histoire de France) par M. E.-J.-B. Rathery. Paris, 1859-1867, 9 vol. in-8°. — Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Cam. Rousset. Paris, P. Dupont, 1865, 2 vol. in-8°. — Correspondance secrète inédite de Louis XV sur la politique étrangère, publiée par M. E. Boutaric, Paris, H. Plon, 1866, 2 vol. in-8°. — Histoire du règne de Louis XV, par M. A. Jobez, Paris, Didier, 1863-6, t. I à III. — Histoire de France au XVIIIe siècle : la Régence, Louis XV, par M. Michelet, Paris, Chaumerot, 1863-66. 2 vol. in-8°.

 

Louis XV est un personnage indéfinissable, a écrit le marquis d'Argenson, et le duc de Luynes l'a qualifié d'impénétrable. Si les contemporains de ce roi en parlaient de la sorte, qu'ont pu en dire les historiens qui, plus tard, essayèrent de fixer les traits d'une figure mobile, insaisissable, où les contradictions abondent ? Sur quelles données ont-ils travaillé ? Quels ont été leurs guides en retraçant l'histoire d'un règne aussi stérile en mémoires originaux que fécond en libelles scandaleux, comme le remarquait Lacretelle jeune en 1820 01 ? Plus heureux que nos devanciers, nous sommes riches en documents du temps : Dangeau, Buvat, Marais, Barbier, le duc de Luynes, le marquis d'Argenson, le président Hénault, voici de nombreux témoins dont nous pouvons recueillir les dépositions. Qu'on y joigne les correspondances du temps, les lettres de Louis XV au maréchal de Noailles, sa correspondance secrète, publiée en partie par M. Boutaric, et nous aurons là des sources d'informations qui permettront d'éclaircir plus d'un point douteux, et de jeter la lumière sur des faits ignorés ou peu connus.
Cette étude du caractère de Louis XV, à laquelle nous convient tant de documents entrés pour la première fois dans le domaine public, nous ne l'entreprenons pas sans une certaine tristesse. Le temps, le règne, le roi, son entourage, tout exhale une odeur de décadence et de ruine. Tout s'abaisse, tout s'avilit ; les caractères s'effacent, les moeurs se corrompent. En présence de tant de faiblesses, de désordres et de turpitudes, on voudrait pouvoir détourner ses regards. Louis XV écrivait au maréchal de Noailles : Ce siècle n'est pas fécond en grands hommes. Encore si la stérilité n'avait porté que sur la grandeur ! Mais l'honnêteté, mais la droiture, mais la noblesse des sentiments, l'énergie des caractères ! La monarchie abdique et se dégrade ; le sol tremble sous ses pas, et l'on sent déjà monter le flot des passions révolutionnaires 02. — Renfermons-nous dans notre sujet. Sans séparer Louis XV de son temps et du milieu où il a vécu, cherchons ce qu'il a été, suivons-le dans les transformations qu'il a subies, à travers les phases presque toujours tristes, parfois honteuses, qui nous conduiront au terme de sa carrière. Nous laisserons autant que possible la parole aux contemporains ; nous demanderons à ceux qui sont le plus dignes de confiance, par la sincérité et la sûreté des informations, de nous faire connaître Louis XV ; nous interrogerons, quand nous le pourrons, le roi lui-même ; en un mot, nous ne négligerons aucune source de renseignements pour que le portrait soit aussi complet que fidèle.


I


Louis XV était né à Versailles, le 15 février 1710. En énumérant quelque part les bonheurs du roi, le marquis d'Argenson mentionne celui de sa naissance : la mort, en effet, en multipliant ses ravages autour de Louis XIV, ne lui laissa pour successeur que ce débile enfant, pour les jours duquel la France trembla longtemps 03. C'était le seul espoir de la monarchie ; que n'aurait-on pas dû faire pour le rendre digne de l'attente du pays !
On a peint le jeune enfant sous de sombres couleurs. Les récits de Lemontey, complaisamment reproduits, nous ont montré, dès les premiers jours, un Louis XV triste, morne, farouche, sauvage même ; les personnes qui ont présidé à son éducation ont été systématiquement dénigrées. S'il eut profité de cette éducation, a-t-on dit, il serait devenu un monstre. On a insisté sur la stérilité de son caractère, sur sa mollesse, son insensibilité, son égoïsme ; on l'a montré entouré de la débauche la plus déhontée 04. — Il y a dans tout cela beaucoup d'exagération et de parti pris. Nous ne ferons que réunir en passant quelques traits : ils suffiront pour rétablir les choses sous leur aspect véritable.
Mme de Ventadour, dans ses lettres à Mme de Maintenon, entre dans des détails circonstanciés sur le jeune prince. Il croit fort, écrit-elle le 28 septembre 1714 ; très joli tout seul ; devant le monde, sérieux. Je veux l'accoutumer à parler, mais on y a bien de la peine ; il est question qu'il vive 05. Et en novembre 1714 : Ce prince-là promet de corps et d'esprit tout ce qu'on peut désirer 06.
La duchesse d'Orléans, à la même époque, trace le portrait suivant :

Le petit Dauphin a mauvaise mine lorsque les dents lui font mal, mais lorsqu'il se trouve bien, c'est un bel enfant. Il a de grands yeux très noirs, le visage rond, une jolie petite bouche qu'il tient cependant un peu trop souvent ouverte, un nez si bien fait qu'il serait difficile d'imaginer mieux, de jolies jambes ainsi que les pieds... Notre Dauphin comprend déjà les cartes de géographie aussi bien que le ferait un homme 07.

De la grâce, de l'esprit, de la mémoire, une raison précoce, une grande vivacité, voilà ce que les témoins les plus sûrs nous montrent, dès le premier âge, chez le royal enfant 08. Mais les ménagements excessifs qu'imposait sa santé, firent trop négliger les devoirs de l'éducation. Notre capital est de vivre et de prendre peu à peu de bons sentiments, écrivait Mme de Ventadour 09. Chacun répétait, et Mme de Maintenon la première : Il ne faut songer qu'à sa santé et à le divertir, et encore en enfant, car les grands plaisirs rattachent 10. Aussi non seulement les leçons furent un peu négligées 11, mais les défauts grandirent sans qu'on s'appliquât assez à les combattre. La duchesse d'Orléans en conclut que Louis XV était un enfant mal élevé. Ce qui est certain, c'est que, malgré les soins et les efforts de la duchesse de Ventadour 12, l'enfant était malicieux, volontaire, emporté et d'une opiniâtreté épouvantable, comme l'écrivait Mme de Caylus à sa tante 13. On ne parle que du mauvais visage du roi, et de sa mauvaise humeur, lisons-nous dans une lettre de Mme de Maintenon à Mme de Ventadour. Une lettre de celle-ci montre bien les contrastes que présentait déjà cette nature d'enfant :

Je ne puis, madame, vous parler de moi ; il est miraculeux que je résiste à la douleur et à la peine. Onze mois sont encore bien longs ; mais quelque dégoût que j'aie, je suis utile à mon roi, et tous mes devoirs sont renfermés dans ces mots. Il écrit à merveille ; mais c'est un enfant qu'il faut ménager, car naturellement il n'est pas gai, et les grands plaisirs lui seront nuisibles parce qu'ils l'appliqueront trop. On voudrait exiger de lui qu'il représentât toujours avec la même égalité d'humeur. Vous savez, madame, combien cette contrainte est malsaine à tout âge. Vous vous moquerez de moi si je vous dis qu'il a des vapeurs ; rien n'est pourtant plus vrai, et il en a eu au berceau. De là ces airs tristes et ces besoins d'être réveillé. On en fait tout ce qu'on veut, pourvu qu'on lui parle sans humeur 14.

Mme de Ventadour remit, à sept ans, le jeune roi aux mains du maréchal de Villeroy. Des difficultés s'étaient élevées entre le gouverneur et la gouvernante. Villeroy voulait forcer le naturel du roi ; Mme de Ventadour avait pour principe de le ménager, et d'y aller doucement pour le bien du corps et de l'esprit. Le système du maréchal prévalut : il contribua à augmenter chez Louis XV la disposition à la taciturnité et l'éloignement pour l'appareil de la royauté 15. L'enfant s'arracha avec larmes des bras de Mme de Ventadour 16. S'il trouva dans Villeroy un gouverneur exigeant, jaloux et parfois peu éclairé, il eut dans son précepteur Fleury, dans l'abbé Fleury, son confesseur jusqu'en 1722, dans l'abbé Vittement, son sous précepteur 17, des guides sûrs, intelligents et affectueux. Tandis que Villeroy, qui voyait dans le roi le plus charmant et le plus aimable enfant du monde 18, ne songeait qu'à lui inspirer des sentiments de hauteur et de vanité, à lui donner l'amour du faste, de la représentation et des divertissements 19, l'évêque de Fréjus développait en lui d'heureux instincts, des principes de foi et de piété 20, l'habitude de l'économie, et travaillait sérieusement à son instruction. On a dit que Fleury s'occupait plutôt de divertir Louis XV que de former son esprit ; on a même prétendu qu'un volume de Quinte-Curce resta ouvert pendant six mois à la même page, et qu'au lieu de travailler, le bonhomme apportait des cartes au roi pour le divertir par des tours de carte 21. Ce sont là des assertions démenties par les faits 22, et en particulier par l'existence de volumes entiers remplis des devoirs du roi, corrigés souvent de la main de Fleury 23. Ces volumes peuvent même nous servir à connaître les principes qui présidèrent à l'éducation de Louis XV. On donnait à traduire au jeune roi, alors âgé de sept ans, des maximes appropriées aux circonstances : Ô Français, lit-on dans un des devoirs, dont le texte et la traduction sont de la main du roi, aiés bon courage, car quoique notre Roy soit un jeune enfant, il n'est pas pourtant cet enfant que Dieu dans sa colère a établi sur son peuple pour punir ses pechez, mais au contraire celui que Dieu, dans sa miséricorde, envoie pour rappeler le siècle d'or. — Ô sujets, priés Dieu que je ne me serve jamais de ma puissance, si ce n'est que pour le bien public ! Quoique le Roy ait souvent promis qu'il modereroit sa colère, elle le domine pourtant si fort qu'elle le porte quelquefois à frapper même ceux qu'il aime, comme lui estant le plus attachés et qui le servent le mieux 24.
A cette époque, le roi s'appliquait tous les jours à l'écriture, au latin et à l'histoire, et trois fois la semaine au dessin, aux mathématiques et à la danse, et faisait des progrès prodigieux dans tous ces exercices 25. Il raisonnait de manière que les savants en étaient surpris 26. Malgré les courses à la volerie de Vincennes, les ballets et les comédies qui commencent en 1718 ; malgré les revues 27, les chasses aux lapins, les voyages à la Muette qui se multiplient en 1719 et qui plaisaient tant au jeune roi 28, les heures d'étude étaient toujours respectées. Le roi alla dîner à la Muette, écrit Dangeau à la date du 1er mars 1720, et en revint à cinq heures pour être à son étude, car il n'y manque jamais, et étudie tous les jours le matin et l'après dîné, et même les fêtes et dimanches 29.
Le 18 février 1720, Louis XV parut pour la première fois au conseil de régence. Il voulut y rester jusqu'à la fin, et y assista assez souvent, mais selon Saint-Simon, sans remuer ni parler 30. Il s'amusait parfois avec un jeune chat, que le caustique auteur des Mémoires appelle quelque part son collègue 31. Quoique Villars nous dise à cette époque que le jeune roi montrait beaucoup d'esprit, de pénétration et de vivacité 32, il est constant qu'il était le plus souvent silencieux et taciturne. On pouvait à peine lui arracher une parole quand on le sortait de son entourage intime. Il avait de l'humeur, dit encore le maréchal de Villars qui, en louant Fleury, reproche à Villeroy de manquer de fermeté et de ne pas corriger assez sévèrement le roi de plusieurs défauts. C'est bien à son gouverneur que Louis XV doit ce caractère glorieux et timide dont parle Saint-Simon 33, et son aversion pour tout ce qui était représentation, spectacles ou fêtes.
Frivolité, hauteur, égoïsme, insouciance, taciturnité, tels furent les fruits de cette seconde éducation que dirigea, de sept à douze ans, le maréchal de Villeroy 34. Jaloux de son autorité, gonflé de son importance, Villeroy veillait avec une sollicitude inquiète sur le jeune roi il ne permettait pas qu'on rapprochât de trop près 35 ; il l'entretenait, s'il faut en croire Saint-Simon, dans de perpétuelles craintes d'empoisonnement. Il comprimait son intelligence et ses facultés, ne faisait que flatter sa vanité et lâcher la bride à ses caprices 36. Le régent, qui paraît avoir eu pour Louis XV une véritable affection et qui voulut s'occuper lui-même de son instruction 37, se fatigua enfin des minuties et des puérilités du gouverneur, et le chassa en août 1722.

 

II

 

Quand le tzar Pierre était venu en France en 1717, il avait été enchanté de la beauté et des manières du jeune roi. Les contemporains sont unanimes à vanter son charme irrésistible à cette époque 38. On admirait la grâce avec laquelle il dansait, montait à cheval et passait les revues 39. Le culte que la France avait voué au seul héritier de la monarchie de Louis XIV, cuite encore ravivé par les alarmes de la maladie soudaine de 1721, n'était pas près de s'éteindre 40. Les auteurs du temps ne tarissent pas sur la séduction exercée alors par Louis XV:

Le roi, dit le marquis d'Argenson, était d'une figure charmante alors. On se souviendra longtemps qu'il ressemblait à l'Amour à son sacre à Reims le matin, avec son habit long et sa toque d'argent, habit de néophyte ou de roi candidat 41. Je n'ai jamais rien vu de plus attendrissant que sa figure alors ; les yeux en devenaient humides de tendresse pour ce pauvre petit prince, échappé à tant de dangers en jeunesse 42.

L'avocat Barbier dit de son côté:

Je vis hier, 3 du mois (septembre 1722), notre Roi, qui se porte bien, a un bon et beau visage, et n'a point la physionomie de ce qu'on dit de lui : morne, indifférent et bête. Je le vis se promener à pied dans les jardins, son chapeau sous le bras, quoiqu'il fit vent et froid. Il a une très belle tête. Cela fera un beau prince et de bon air 43.

Morne, indifférent et bête, est-ce là le bruit public, ou seulement une rumeur répandue par la malveillance jalouse ou l'hostilité systématique ? 44 Si nous interrogeons à ce moment les contemporains, ils nous montrent ce roi de douze ans peu avancé pour son âge 45, adonné à des plaisirs bizarres ou puérils 46, digne en un mot de l'épithète de grand enfant. Mais pourtant, des occupations plus viriles ont commencé : l'équitation, le tir, la chasse 47 ; la chasse seul plaisir qu'il aimât 48, et qui devait tenir une si grande place dans cette existence désoeuvrée ! Le jeu va venir à son tour 49, puis la table 50. En 1722, on voit le roi encore adonné aux travaux de l'esprit ; il vient d'apprendre le blason, il s'intéresse à l'astronomie 51 ; mais bientôt, plus d'études, plus de vie intellectuelle 52 : la vie physique prédomine, et la précocité corporelle est attestée par les écrits du temps 53. — Indifférent, Louis XV ne l'est pas au fond ; mais il y a chez lui le germe de cette sotte manie, dont parlera plus tard d'Argenson, de faire des tours aux gens de son entourage, de s'amuser méchamment aux dépens d'autrui 54. Et pourtant son coeur est bon : il pleure au départ de Villeroy, et montra un violent désespoir de la retraite momentanée de Fleury 55. On commence à bien penser de son coeur et de sa sensibilité, écrit Marais 56. Les qualités de son esprit sont toujours vantées par les contemporains, qui célèbrent sa vivacité et enregistrent ses réparties 57 ; mais en même temps la disposition à la taciturnité subsiste : Il cherche à éviter le monde qu'il n'aime point, lit-on dans le Journal de Marais ; il craint, et veut être presque seul 58.
Il fut question de bonne heure du mariage du roi. Dès 1721, le régent avait résolu de trancher la question. Saint-Simon a raconté avec sa vivacité et son charme habituels cette scène curieuse où le jeune prince, que les surprises effarouchaient, apprit tout d'un coup qu'il était fiancé à l'infante d'Espagne. Le maréchal de Villeroy, secouant sa perruque tout à son ordinaire : "Allons, mon maître, disait-il, il faut faire la chose de bonne grâce". Mais Louis XV, les yeux pleins de larmes, ne se décida qu'avec peine à se rendre au Conseil pour y prononcer un oui sec, en assez basse note 59. L'Infante vint en France ; elle avait sept ans de moins que le roi, ce qui donna occasion au jeune prince de dire à quelqu'un qui venait lui faire part de son mariage : je suis plus avancé que vous : j'ai une femme et même un enfant 60.
On voit qu'il s'était consolé de cette perspective de managé. On voulut l'en distraire encore davantage : un réseau d'intrigues enveloppa le roi, dans le but de corrompre ses moeurs 61, Soulavie a dit, dans un ouvrage où quelques renseignements dignes de foi sont mêlés à beaucoup de mensonges et d'erreurs, que l'enfance de Louis XV s'était passée dans un grand recueillement 62. Le jeune roi avait en effet une piété sincère et profonde ; on l'avait vu faire arrêter son carrosse pour se mettre à genoux devant le saint Sacrement 63. La duchesse d'Orléans, — comme plus tard Mme de Mailly et Mme de Pompadour — se moquait des terreurs de l'enfant au sujet de l'enfer et de son horreur pour le jansénisme 64. On voulut arracher Louis XV à l'influence de Fleury, et s'attaquer à cette innocence qui n'avait encore reçu aucune atteinte. Nous n'avons point à entrer ici dans le détail de ces intrigues honteuses. Qu'il nous suffise de dire que les femmes de la cour échouèrent, comme les jeunes débauchés qui avaient voulu corrompre le roi 65. Louis XV resta pur au milieu des entraînements et des séductions jusqu'à son mariage, jusqu'au moment où il eut une femme et non plus un enfant, il resta le prince qui faisait chasser la maîtresse d'un de ses valets 66, gardait une sage réserve dans ses paroles 67, et fuyait le monde et les femmes 68.

Le Régent mourut le 2 décembre 1723. Le duc de Bourbon devint premier ministre, et occupa ce poste jusqu'au 11 juin 1726. Cette période de deux ans et demi fut fatale à Louis XV. Dès janvier 1721, Marais disait, en parlant d'une maladie du Régent : On est obligé de prier pour sa conservation, car ce qui le suit ne le vaut pas, et le public craint de tomber aux mains de M. le duc, qui ne connoît point de lois et qui n'a jamais rien su que la chasse 69. M. le duc, qui apprenait au roi, à l'âge de douze ans, à jarreter un lapin sans couteau 70, ne contribua pas peu à développer en lui les goûts frivoles, l'amour effréné de la chasse, la passion du jeu et de la table. Ce fut ce prince qui fit renvoyer l'infante, et, presque en même temps, conclut le mariage avec Marie Leszcinska 71, que Louis XV épousa le 5 septembre 1725.

Cette princesse avait près de sept ans de plus que son mari. Elle n'avait ni grandeur ni beauté, mais un air de bonté et de douceur. Le roi, en cette circonstance, sortit de sa timidité et de sa réserve habituelles 72 ; il parut content de la reine, mais jamais il ne subit son influence, jamais il ne ressentit pour elle de tendresse véritable et ne répondit à la passion qu'il lui inspira 73. Il continua à se livrer à la chasse avec fureur, jusqu'à s'en rendre malade : la chasse, les soupers et le jeu 74, voilà, pour plusieurs années, toute la vie du jeune roi. Régulier d'ailleurs dans sa conduite, suffisamment empressé à l'égard de la reine 75, par nature plus que par sympathie, il montrait, comme le remarque Barbier 76, qu'il s'en fallait bien que chez lui l'esprit fût aussi formé que le corps. Et cependant ce goût de la chasse, il ne faudrait pas le prendre pour une passion : Barbier est dans le vrai quand il nous dit que cette seule occupation de Louis XV n'était qu'un prétexte pour être en mouvement 77. D'Argenson nous parlera plus tard de cette volubilité de mouvement qui fut un besoin de toute sa vie. Le principal était pour le roi de sortir de lui-même, de s'arracher à ce mortel ennui qui déjà commençait à le dévorer.

Portrait de la reine par Maurice-Quentin de la Tour (pastel)

Un événement important de cette période de la vie de Louis XV fut le renvoi de M. le duc (11 juin 1726). Les contemporains vantent la prudence et le secret admirables dont le Roi fit preuve dans cette circonstance. Nous reconnaissons plutôt ici une dissimulation qui était un des traits de son caractère, et une dureté dont il donna des marques plus d'une fois, bien qu'au fond il eût le coeur bon et sensible 78 ; nous verrons souvent de semblables contrastes. Fleury fut l'auteur de cette disgrâce, d'ailleurs bien méritée ; ce fut lui qui remit à la reine, trop inclinée vers le prince auquel elle devait son élévation, ce billet sec et dur, que le vieux précepteur avait dicté à son docile élève :

Je vous prie, madame, et s'il le faut je vous l'ordonne, de faire tout ce que l'évêque de Fréjus vous dira de ma part, comme si c'était moi-même 79.

Voilà donc l'influence de Fleury désormais absolue et sans rivale. Fleury commande, Fleury domine : c'est le maire du palais, et Louis XV passe à l'état de roi fainéant. Le vieux précepteur condamne son élève à une longue enfance et à une inaction stérile : cette date est importante dans la vie de Louis XV. A seize ans, il pouvait encore devenir un homme ; quand plus tard, à trente ans, retrouvant son initiative, il dira : Me voici premier ministre, le pourra-t-il ? Le pli sera définitivement pris, les mauvaises habitudes seront contractées d'une façon irrémédiable toute sa vie, le roi portera la trace de ce joug prolongé et funeste.
Malgré le vice de sa première éducation, le jeune prince annonçait parfois d'heureuses dispositions. Quoique ce fussent de faibles lueurs, des étincelles jaillissant par intervalles, il n'aurait peut-être pas été impossible d'allumer le foyer et de l'entretenir. On voit par la correspondance du marquis de Silly avec le duc de Richelieu, alors ambassadeur à Berlin, que, dès le commencement de 1726, le caractère de Louis XV se développait 80. Le 25 mai, Richelieu répondait à Silly, qui lui disait que Louis croissait à vue d'oeil, et que sa figure et son maintien devenaient plus aimables chaque jour : Je suis charmé que le roi croisse ; je n'ai jamais douté de son esprit, mais seulement du temps de son développement 81. Le marquis de Silly, qui trouvait le roi sérieux et trop méditatif pour son âge 82, annonce, peu de temps après, qu'il a travaille avec ses ministres avec attention, avec curiosité et avec esprit, principalement sur les affaires étrangèresJe crois savoir, ajoute-t-il, qu'il veut être le maître. Ce n'est pas d'aujourd'hui, continue Silly, que je vous ai mandé mon opinion sur lui et sur son caractère ; la manière dont il commence à se développer fortifie l'idée que j'ai toujours eue 83.
Il aurait fallu encourager ces bonnes dispositions, faire ce que le vieux maréchal de Villars tenta plus d'une fois dans les rares occasions où il pouvait parler au Roi 84 : lui tenir des discours convenables sur les bons principes 85. Un accident à la chasse ayant, en 1727, retenu le Roi au lit, Villars passa souvent des jours entiers à son chevet : Il m'écoutoit, dit-il, avec plaisir, et s'informoit des désordres arrivés dans le gouvernement pendant sa minorité 86. — Au lieu de cela, la vie se passait dans des voyages incessants et dans de frivoles distractions : Le goût où est le Roi de vivre en liberté, écrit à ce propos Silly, et avec un nombre de gens qu'il est plus accoutumé à voir que d'autres, la chasse, et peut-être l'éloignement du travail, sont, je crois, les vrais motifs de ses voyages 87.
Du reste, toujours la même régularité dans sa conduite : Jamais on n'avait vu moins de galanterie, écrit le maréchal de Villars. Tandis que les dames agaçaient le roi sans pouvoir lui toucher le coeur 88, les honnêtes gens de la cour, comme parle Villars, admiraient la fidélité exemplaire du jeune époux 89. On ne voyait pas poindre encore cette belle courageuse 90 que les uns attendaient avec impatience, que d'autres redoutaient avec raison.

 

III

 

Elle vint pourtant : le réseau d'intrigues qui n'avait cessé d'entourer le roi finit par l'envelopper. Un jour arriva (24 janvier 1732), où, dans un souper à la Muette, Louis XV but à la santé de l'inconnue, et cassa son verre en invitant tout le monde à faire de même 91. Quelle était cette inconnue ? Existait-elle même ? Ce fut longtemps un mystère. En août 1733, on remarqua cependant que le roi, après deux mois passés seul à Compiègne, se rendit à Chantilly sans visiter la reine, et, le lendemain de son retour, alla coucher à la Muette 92. La faveur de Mme de Mailly paraît remonter à cette époque ; mais la liaison fut tenue dans le plus grand secret, et c'est seulement en 1737 que l'on acquit la certitude que le roi avait pris une maîtresse, et que cette maîtresse était Mme de Mailly 93.
Depuis longtemps le roi paraissait sombre. Rien ne remplissait sa vie : la reine, malgré son attachement et son dévouement, n'avait rien de ce qui pouvait le captiver et le distraire.
Le maréchal de Villars raconte qu'en 1731, voyant le roi triste et désoeuvré, il lui dit: Sire, voir un roi de France de vingt-deux ans triste et s'ennuyer, est inconcevable. Vous avez tant de moyens de vous divertir ! On ne vous désirera jamais d'autres plaisirs que ceux que permet la sagesse ; mais la comédie, la musique... Le roi interrompit le maréchal : Il ne faut pas disputer les goûts. — Non, reprit Villars, mais je vous en souhaite plusieurs. Joignez quelque divertissement à celui de la chasse. D'ailleurs vos affaires sont en si bon état que ce ne sera jamais un ennui pour Votre Majesté d'y travailler. Et si au divertissement il se joint quelque désir de gloire, quels moyens n'avez-vous pas de le satisfaire ? 94 Ce discours, remarque Villars, ne parut pas faire grande impression. Depuis longtemps, d'autres influences avaient gagné le coeur du roi. Tandis que Fleury faisait tout par lui-même et que Louis XV exprimait à peine une opinion au conseil 95, un homme de la domesticité du roi, Bachelier, son valet de chambre, prenait sur lui un ascendant qui grandit peu à peu 96, et s'imposa enfin par ces honteux et inavouables services que rendent si volontiers les gens de cette sorte. Le maréchal de Villars rapporte une anecdote qui nous révèle la faveur naissante du premier valet de chambre. En 1727, le 14 août, le roi était père pour la première fois : la reine était accouchée de deux filles. Villars vint lui faire son compliment, et plaisanta avec lui sur le mérite du mari quand la femme accouche de deux enfants. Louis XV lui dit : Avez-vous fait compliment au garde des sceaux ? Et comme le maréchal, embarrassé, hésitait : Le voilà ! poursuivit le roi, en montrant Bachelier 97. D'Argenson nous a tracé de ce personnage un portrait qui vaut la peine d'être reproduit.

Bachelier est un homme solide, un esprit ferme et porté à la vertu ; il s'y est conformé en se voyant appelé au rôle de la première confiance de notre maître. Il s'est trouve. assez riche, et il l'est effectivement en revenus ; il a une jolie maison entre Versailles et Marly, il a une maîtresse dont la société lui convient, il ne désire rien au monde pour lui, mais tout pour la gloire de son maître ; il écoute tout pour cela, il veut tout savoir : né avec peu d'étude, il s'est fait géographe et politique suffisamment pour pouvoir fournir des matériaux à sa conversation avec le Roi ; il parle peu et pense toujours, il note quelques idées à mesure... Quand Bachelier s'est vu dans la faveur ou il est auprès de Sa Majesté, il s'est renfermé chez lui, et est devenu inaccessible à tout le monde. Il n'admet à le voir qu'un ou deux amis qui sortent de sa retraite de la Selle pour aller apprendre dans le monde ce qui s'y passe, et pour en instruire le Roi, en devenant le contrepoison des bulletins que M. Hérault donne au cardinal 98.

Mais derrière Bachelier il y avait Chauvelin, l'homme de confiance de Fleury, qui l'avait fait garde des sceaux et secrétaire d'État des affaires étrangères. Chauvelin avait su gagner la confiance du Roi ; il espérait supplanter le cardinal : il jugea bon de tenir le Roi par les femmes. Avec la maîtresse et le valet de chambre, il se croyait sûr de diriger l'État.
Ce ne fut que par degrés que Louis XV se laissa entraîner vers cet abîme où il devait s'enfoncer de plus en plus. Fleury l'avait brouillé avec la reine. La dévotion un peu étroite que son précepteur lui avait inspirée le prémunissait mal contre les attaques redoublées dont il était l'objet. Avec une vie toute de mollesse et de plaisirs, l'éloignement des affaires, le vide d'une existence absorbée par la chasse et la table, comment Louis XV n'eût-il pas succombé ? La reine, plus vieille de près de sept ans, fatiguée de grossesses successives, n'avait pas su captiver ce mari jeune et trop empressé 99, ni prendre cet empire que lui souhaitait le maréchal de Villars aux premiers jours de son mariage 100. Louis XV avait de bonne heure cherché dans la société de la comtesse de Toulouse les distractions et le charme qu'il ne trouvait pas dans le salon de la reine. Mlle de Charolais, dont la conduite était si tristement affichée, avait su se rendre agréable au roi, et avait pris sur lui une sorte d'autorité d'habitude 101. Le poison entra peu à peu dans ce coeur inoccupé. On prétend même, mais rien ne le prouve, que Fleury donna une approbation tacite 102.
Nous n'entrerons pas dans l'alcôve du roi ; qu'il nous suffise d'ouvrir la porte de son cabinet. Essayons de le définir au moment où commence pour lui l'influence, nous ne dirons pas le règne des femmes.
Louis XV a vingt-trois ans : il est dans la fleur de la jeunesse et de la beauté. Il suffit que les femmes le voient pour qu'elles raffolent de lui 103. Au milieu de sa vie agitée et frivole, il prête quelquefois l'oreille aux affaires, il montre un certain goût pour la lecture 104. Il a lu Montglat ; il lit les Œconomies royales de Sully, sait parfaitement les mathématiques, a une excellente mémoire, et raconte mieux que personne 105. Quoique conservant sa timidité et son éloignement pour la représentation, il se montre parfois en public ; il a de la vivacité et de la répartie 106. Malgré les torts de sa conduite privée, Louis XV garde encore des dehors religieux : en 1734, il assiste assidûment aux sermons du carême, et écoute avec plaisir le Père Teinturier, malgré ses véhémentes apostrophes sur la 'vie molle', qui faisaient baisser les yeux à tous les courtisans 107. Dans les années suivantes, le Roi continue à s'approcher des sacrements 108. C'est seulement en 1739, quand l'adultère devient public, que le roi déclare qu'il ne fera pas ses pâques 109. La reine n'est pas encore délaissée. Mme Victoire naît en 1733 ; Mme Sophie en 1734 ; en avril 1735, la reine fait une fausse couche ; les années 1736 et 1737 sont signalées par deux nouvelles naissances. La dernière (17 juillet 1737), fut celle de Mme Louise, qui devint carmélite en 1770. On demanda au Roi si on la nommerait madame septième, il répondit : On l'appellera madame dernière 110. La séparation définitive des époux eut lieu en juillet 1738 111.
Bien différente des maîtresses qui suivirent, Mme de Mailly voua au roi une affection aussi sincère que désintéressée, et ne l'arracha pas à ses goûts d'économie : elle resta pauvre et dévouée, amusant le Roi par sa vivacité et sa gaieté, sans le ruiner par son luxe et ses prodigalités 112. En la comparant à la duchesse de Châteauroux et à Mme de Pompadour, on s'est pris à regretter cet empire qui ne s'étendait pas aux affaires du pays, et n'était point pour lui une cause de ruine. Si le pauvre Louis XV ne perdit pas près de Mme de Mailly son ennui et ses vapeurs noires, au moins il ne contracta pas ces habitudes de folles dépenses contre lesquelles s'élevèrent plus tard les contemporains. Comme on l'a dit, Mme de Mailly domine l'homme, mais non le roi. D'Argenson rapporte à ce propos une anecdote significative. Fleury venait de rappeler au roi une parole souvent répétée : Si jamais Votre Majesté écoutait les conseils des femmes sur ses affaires, elle et son État seraient perdus sans ressources. — Louis XV ne répondit rien ; mais en remontant dans ses cabinets, où il soupait avec Mme de Mailly et Mlle de Charolais, il leur dit : Tout à l'heure un homme me disait (ce discours), et je dis à cela que si quelque femme osait jamais me parler d'affaires, je lui ferais fermer ma porte au nez sur-le-champ 113.
Nous venons de nommer le marquis d'Argenson : c'est un témoin nouvellement introduit sur la scène ; son Journal devient suivi et très circonstancié à partir de 1738. C'est un témoin oculaire, et malgré sa sympathie pour Louis XV et son désir qu'il devienne un très grand roi 114, il voit juste et il voit bien. Laissons-le donc nous peindre le roi dans cette période de transition où le roi règne et ne gouverne pas.

Le roi aime l'économie, la conservation plutôt que l'acquisition. Le roi est bon, il est fin, il est discret souverainement ; il dit les choses avec finesse, à ce que je remarque ; il écoute tout jusqu'aux moindres détails. Il a l'esprit robuste du côté de la mémoire pour la localité, la personnalité et les faits ; ses opérations d'esprit sont plus rapides que l'éclair ; il est vrai qu'il approfondit peu jusqu'ici, ne se prêtant pas a une longue discussion. On l'a accusé de paresse et d'insensibilité ; il se montre travailleur naturellement par les divers goûts où il s'est prononcé, mais sans affectation. Il a montré sa sensibilité extrême par rapport à la maladie dernière du Dauphin et à celle de M. le Cardinal. Il a eu depuis longtemps son système de se divertir tant qu'il aurait M. le Cardinal pour gouverner le royaume, connaissant sa probité et ayant haute opinion de sa capacité, mais après cela de s'y adonner ; nous verrons s'il tient parole. Il est dissimulé et discret comme les plus grands rois l'ont été ; il se connaît en hommes parfaitement et naturellement, sans études ni efforts et aime les honnêtes gens... Il hait les sots, aime la franchise, a bon esprit et bon coeur, est gai et affable avec les courtisans et leur parle avec une familiarité adorable... Le roi est un homme de fort bon sens ; il se montre bon, spirituel et soucieux de ses affaires ; il aime déjà les papiers, l'étude, la lecture, et même il écrit beaucoup de sa main, soit lettres, soit mémoires, beaucoup d'extraits de ce qu'il lit. Il a fait faire des armoires dans un cabinet séparé, et là ses papiers sont rangés dans un ordre soigneux, le tout étiqueté de sa propre main... On lui attribue deux défauts : l'un est de paresse d'esprit, l'autre de timidité. Je ne nie pas qu'il n'ait donné de grands signes de ces deux défauts ; mais cependant il aime la peine du corps, il travaille seul, comme j'ai déjà dit, il a besoin de s'occuper, il a une grande mémoire, il a l'esprit vif... A l'égard de la timidité, je conviens qu'elle est née avec l'esprit du roi ; mais elle se surmonte et Sa Majesté parait l'avoir surmontée. Il est brave de coeur, et se montre à cheval, à la chasse et partout, on il ne craint rien ; à présent il parle hardiment à tout le monde : il attaque de conversation ; il répond... On commence à dire que Louis XV sera tout aussi haut qu'un autre, et il est d'un décidé 115, d'une mémoire et d'une attention rapide qui doit faire grand effet un jour 116.

Un moment, l'on crut que Louis XV allait sortir de lui-même, et s'arracher à ce théâtre de paix et d'indolence que présentait alors la cour 117 : en mars 1738, pendant une maladie du cardinal, le roi travailla assidûment avec ses ministres, et montra une véritable aptitude pour le gouvernement. Le roi s'en acquitte à merveille, écrit d'Argenson, et décide juste. Il fait plus, il montre grande humanité et justice. L'autre jour, M. Orry lui proposant le payement d'une partie due depuis quatre ans, Sa Majesté a demandé si on avait payé les intérêts à cet homme. M. Orry ayant répondu que non et que ce n'était pas l'usage, Sa Majesté a répondu que cela n'était pas juste, et qu'elle ne voulait plus de ce désordre et de pareilles injustices 118.
Malgré tout, Louis XV ne devenait pas un roi ; il ne devenait pas même un homme. On remarquait à la cour qu'il était enfant des pieds à la tête. — Être enfant, observe à ce propos d'Argenson, c'est avoir cette partie de l'imagination qui conduit à s'égayer de bagatelles et avec une inconstance soudaine, espèce de joli défaut qui va quelquefois durer jusqu'à cinquante ans 119. Mais Louis XV portait son enfance partout 120. Il se donnait une peine infinie pour des inutilités, faisait un travail de chien pour ses chiens, dont il combinait la force, la marche et la disposition. On prétend, dit d'Argenson, que Sa Majesté mènerait les finances et l'ordre de la guerre à bien moins de travail que tout ceci 121. Le roi se levait parfois à onze heures, et menait une vie de petit-maître et d'homme inutile 122. A peine travaillait-il une heure par jour. Il chassait avec la même frénésie, et soupait dans ses cabinets deux fois, puis bientôt trois et quatre fois par semaine 123. Il était bien têtu 124, colère par faiblesse, rancunier, et avait ce fâcheux travers, sans être pour cela méchant ni inhumain, de parler d'un air de joie de la mort ou de l'extrémité de ses serviteurs. — Ce n'est qu'un tic, mais fâcheux, dit d'Argenson, qui ajoute : Tout à l'heure ; j'ai été témoin que la reine lui a demandé des nouvelles d'un pauvre chirurgien de sa suite, qui s'est cassé la tête à la chasse ; le roi a dit en riant qu'il était mort ou peu s'en fallait. Au fond, il en souffre ; mais voilà un misérable tic 125.
C'est là un de ces contrastes qu'offre le caractère de Louis XV. On pouvait le croire insensible et dur ; il donna pourtant de nombreuses marques de sensibilité, et nous avons vu d'Argenson qualifier d'extrême cette sensibilité. Avec cette paresse d'esprit qui apparaît dans toute sa conduite, il montre de l'application et du goût pour le travail, et demande des mémoires à d'Argenson sur divers points d'administration 126. Il a parfois des retours vers les idées religieuses, et le cri de sa conscience éclate par intervalles 127. Enfin, tandis qu'il ne parle que de l'histoire des rois fainéants 128, qu'il se fait un jeu de faire enrager le vieux Cardinal et de l'abreuver de jolis petits dégoûts 129, il subit jusqu'au bout le joug de Fleury. Celui-ci ne se trompait pas en disant : Le roi a besoin d'être gouverné et il le sera toujours 130.
Si le cardinal de Fleury restait premier ministre, Mme de Mailly, malgré quelques brouilles de ménage 131 et de passagères infidélités, restait maîtresse en titre. D'Argenson écrit quelque part : La faveur de cette dame augmente, dit-on, comme une tache d'huile 132. Pourtant à cette date (octobre 1739), Mme de Mailly avait une rivale, et cette rivale était sa propre soeur ! Il faut lire dans les Mémoires du duc de Luynes 133 le récit de l'arrivée de Mlle de Nesle à la cour, du rôle de complaisante et de confidente qu'elle joua d'abord, avant d'en venir à celui de favorite. Le mariage de Mlle de Nesle avec M. de Vintimille est du mois de septembre 1739, et l'on croit qu'à ce moment elle était déjà la maîtresse du roi. Nous n'entrerons pas dans l'histoire de ces intrigues, restée obscure pour les contemporains eux-mêmes, car, pendant longtemps, malgré les témoignages publiés de la faveur et de l'affection du roi, d'Argenson crut qu'il n'aimait en Mme de Vintimille que la soeur de sa maîtresse 134. Mme de Mailly ne fut pas pour cela disgraciée. Il était réservé à une autre de ses soeurs de la faire congédier. Elle resta par la force de l'habitude. Louis XV vivait surtout dans la société intime de ce qu'on appelait à la cour les quatre soeurs, à savoir : Mademoiselle, Mlle de Clermont, Mmes de Mailly et de Vintimille 135. D'Argenson écrit à cette époque que le roi ne sera jamais adonné à l'empire des femmes, qu'il craint le diable, l'éternité et ses horreurs 136. On observait qu'aux approches des grandes fêtes, le roi tombait dans des vapeurs noires, et qu'il y avait chez lui lutte entre l'entraînement et le devoir 137. Malgré les efforts de l'impiété et de l'immoralité 138, on ne parvint pas à éteindre la foi dans ce coeur faible et trop accessible à la corruption.
La faveur de Mme de Vintimille fut de courte durée. Le roi n'eut pas longtemps à jouir du charme d'un esprit qui, peut-être, eût pris un grand ascendant sur lui 139. Mme de Vintimille mourut en couches le 9 septembre 1741. Louis XV tomba dans un chagrin profond ; on crut qu'il allait tourner à la dévotion. Mme de Vintimille l'avait dégoûté des excès de table ; de ces soupers dont il avait fait, dans ces dernières années, un si fréquent abus 140 ; sa mort parut rompre les liens qui attachaient le roi à Mme de Mailly ; on remarqua que la pensée de l'éternité revenait souvent chez lui, et qu'il tenait des discours de religion 141. En faisant donner l'aumône à un pauvre : Qu'il demande à Dieu ses miséricordes pour moi, dit le roi, j'en ai grand besoin 142 ; et à un courtisan qui lui parlait de l'exemple qu'il donnait en observant scrupuleusement le jeûne et l'abstinence, il répondit : Vous êtes touché de mon exemple, et je voudrais bien suivre le vôtre en beaucoup de choses 143. Un grand combat, c'est l'expression du duc de Luynes, se livrait dans l'âme du roi : il était dans une mélancolie noire ; personne ne pouvait l'arracher à sa tristesse.
Mme de Mailly l'emporta pourtant. Mais bientôt un astre nouveau parut à l'horizon et vint faire pâlir cette étoile dont l'éclat ne devait plus avoir une longue durée. Le duc de Richelieu, l'un des favoris du roi, et qu'on a appelé le mauvais génie de Louis XV, ne fut pas sans influence sur le choix d'une nouvelle maîtresse. L'affaire fut mystérieusement conduite ; ce fut toute une négociation. Enfin, en novembre 1742, la chose devint publique : Mme de Mailly fut brusquement congédiée, et sa soeur Mme de La Tournelle prit avec fracas le titre de maîtresse déclarée.

 

IV

 

Jetons un dernier regard sur l'amant blasé de Mme de Mailly, avant d'étudier ce qu'il devint sous l'influence de la nouvelle favorite. La lueur d'espérance qui avait brillé aux yeux des honnêtes gens, comme parle d'Argenson, s'était bien vite évanouie. A trente ans — c'est le même d'Argenson qui en fait la remarque — le roi paraissait plus faible, plus indolent qu'à vingt-huit. Il semblait que, plus le vieux cardinal s'acharnait, malgré sa santé altérée et ses forces déclinantes, à garder le pouvoir, plus le roi se décourageait des affaires, renonçait à toute occupation sérieuse, et s'abandonnait à sa vie errante et dissipée 144. Ce n'était plus assez des petits soupers ; il fallait les petites maisons, où le laisser-aller était plus grand et la liberté plus absolue : Choisy est acheté en septembre 1739 145. La reine est de plus en plus délaissée, et le roi la traite à peine avec les égards qui lui sont dus 146.
On remarquait avec peine ces fâcheuses dispositions. Louis XV avait été douze jours sans vouloir rien signer. On ne sait plus que comprendre au caractère du roi, écrit d'Argenson en juillet 1740 ; les plus habiles et les plus fermes y sont tout désorientés. — Louis XV étai-il donc au-dessous du rien, papillotant, s'amusant et chassant ? Était-il, comme on le disait crûment, un imbécile ? N'était-il qu'un automate, un Louis XIII ? Tout le monde ne désespérait pas pourtant : on comptait sur une révolution favorable. Le moment approche, dit d'Argenson, où le roi gouvernera par lui-même... Je conviens qu'il faut une foi d'Abraham pour croire cela. Tous les jours, ce dilemme devient plus fort et ses propositions plus opposées et plus extrêmes: ou le roi est beaucoup, ou le roi est rien 147. Et cependant, Louis XV n'ignorait pas l'état des choses : il connaissait la misère des provinces et la diminution des revenus ; on le voyait parfois étudier des mémoires avec application. Aussi chacun se disait : Mais qu'attend donc le roi pour sauver son honneur et son royaume ? 148
Il n'y avait que quelques mois que Mme de La Tournelle, avec le froid égoïsme et cette cynique ambition qui la caractérisent, avait signé son traité, lorsque mourut le cardinal de Fleury 149 (29 juillet 1743). Qu'allait faire le roi ? Se mettrait-il enfin à la tête des affaires ? Subirait-il le joug d'un favori qui, prenant la place du vieux précepteur, permit au souverain de ne pas s'arracher à ses habitudes d'inaction et de plaisirs ?
Quand arriva cet événement depuis si longtemps attendu ; quand s'ouvrit cet héritage convoité par tant d'ambitieux désirs, le roi s'écria : Me voilà donc premier ministre ! Il s'occupa aussitôt des affaires avec habileté et prudence, sut se faire applaudir par d'heureux choix, travailla résolument avec ses ministres. On se loue fort de la façon dont tout ceci commence, écrit Barbier 150. Et quelques jours après: On continue toujours dans l'admiration du roi.. il est accessible, il parle à Versailles, il rend justice, et il travaille avec connaissance de cause. Je ne suis point étonné de cela : il y a longtemps que j'ai entendu dire qu'il a de l'esprit, qu'il parle bien, qu'il s'occupait utilement dans les petits cabinets 151. Il n'était question que des bonnes qualités du roi. Ce mot avait couru aussitôt : Le cardinal de Fleury est mort ; vive le roi ! On croyait pourtant que Louis XV ne tarderait pas à se décharger des soins de la royauté, et que son goût de dissipation et de plaisir les lui ferait négliger 152.
Nous avons demandé tout à l'heure au marquis d'Argenson de nous peindre Louis XV pendant la période de transition où Fleury gouverne en maître absolu. Laissons maintenant le duc de Luynes nous tracer le portrait du roi au lendemain de son véritable avènement au pouvoir.

Le caractère de notre maître est peut-être plus difficile à dépeindre qu'on ne se l'imagine ; c'est un caractère caché, non seulement impénétrable dans son secret, mais encore très souvent dans les mouvements qui se passent dans son âme 153. Le tempérament du roi n'est ni vif ni gai ; il y aurait même plutôt de l'atrabilaire ; un exercice violent et de la dissipation lui sont nécessaires. Il a souvent des moments de tristesse et d'une humeur qu'il faut connaître pour ne la pas choquer ; aussi ceux qui l'approchent étudient-ils ces moments avec soin, et quand ils les aperçoivent, remettent à un autre temps, s'il est possible, à prendre ses ordres. Ces moments sont-ils passés, la caractère du roi a beaucoup d'aisance et de douceur dans la société. On a vu plusieurs fois ses domestiques inférieurs, quelquefois même les principaux, manquer son service : il attend ou il s'en passe sans montrer aucune impatience. A Choisy, à Rambouillet, il parle familièrement à ceux qui ont l'honneur de lui faire la cour ; on est souvent tenté d'oublier qu'il est le maître, et j'ai vu quelquefois même qu'on l'oubliait et qu'il ne faisait pas semblant de l'avoir remarqué... Le roi aime les femmes, et cependant n'a nulle galanterie dans l'esprit 154. On ne peut s'empêcher de convenir qu'il a de la dureté dans son caractère. Le détail des maladies, des opérations, assez souvent de ce qui regarde l'anatomie, les questions sur les lieux ou l'on compte se faire enterrer, sont malheureusement ses conversations trop ordinaires ; les dames même ne sont pas exemptes de ces questions... Accoutumé de tous les temps à se rapporter entièrement à quelqu'un du gouvernement, il n'a jamais marqué d'impatience de gouverner lui-même... Mais ce qui paraîtra sans doute singulier, un fonds de timidité naturelle, un embarras a toujours fait une partie du caractère de ce prince 155. Il est vrai, comme je l'ai dit, qu'il est difficile à connaître, qu'il remarque souvent ce à quoi il a paru n'avoir point fait attention. Il y a des occasions ou l'on ne peut assez louer les marques d'attention et de bonté qu'il veut bien donner... On voit quelquefois qu'il a envie de parler la timidité le retient, et les expressions semblent se refuser... Les réponses aux ambassadeurs et aux harangues de toute espèce ne peuvent presque jamais sortir de sa bouche... En général le roi parle très bien quand il veut parler ; il s'exprime en très bons termes, et conte même agréablement. Les rites et les cérémonies de l'Église, les détails du calendrier font un peu trop souvent le sujet de ses conversations. On ne peut concevoir jusqu'à quel point il est instruit sur ces matières ; il l'est en même temps sur beaucoup d'autres ; il sait assez bien ce qui regarde l'histoire de France ; il a lu assez et lit encore. D'ailleurs tous ceux qui l'approchent lui content une infinité de faits, et comme il a beaucoup de mémoire, tous ces faits lui sont présents. Malheureusement il conte trop historiquement des faits qui sembleraient devoir l'affecter 156 ; mais la tranquillité d'esprit du feu cardinal a peut-être servi à former un caractère a peu près semblable ; nous l'avons cependant vu quelquefois ébranlé, touché, affecté ; peut-être l'est-il sans le paraître ; mais il serait a désirer qu'il le parût davantage 157.

On a dit que Mme de la Tournelle s'empara, dès le début, de l'esprit du roi, et lui inspira la résolution de se mettre à la tête des affaires. La future duchesse de Châteauroux avait, en effet, par l'éclat de sa beauté, captivé le coeur du facile monarque. Louis XV était sorti de lui-même, et avait montré une animation et une gaieté inusitées. Mais le roi ne subissait pas son ascendant en ce qui concernait la politique. En décembre 1742, il continuait de correspondre avec Fleury tous les jours : Mme de la Tournelle ayant voulu voir, malgré le roi, une lettre dont un passage lui avait été communiqué, le roi jeta la lettre au feu 158. Après la mort de Fleury, les choses ne se modifièrent pas. En juin 1743, le duc de Luynes dit formellement qu'il n'était question entre le roi et la favorite d'aucune affaire importante, et il ajoute que Mme de Mailly n'aurait pas montré tant d'indifférence au milieu de circonstances aussi graves 159. Des influences sinon hostiles, au moins étrangères à celles de l'entourage de Mme de la Tournelle, prédominaient dans les conseils. Lors des nominations au ministère, ou remarqua avec surprise que Chauvelin et Belle-Isle étaient écartés, et qu'Amelot et le maréchal de Noailles leur étaient préférés. Le cardinal de Tencin n'avait, quoique ministre, aucune part à la faveur royale. Enfin, on vit Noailles passer du commandement général en Allemagne au rang de ministre. Un jour que, comme simple courtisan, il conduisait le roi, qui se rendait au conseil : Entrez, Monsieur le maréchal, lui dit Louis XV ; nous allons tenir conseil 160. — D'Argenson, qui avait contre Noailles une antipathie personnelle 161, dit que le maréchal était un inspecteur importun donné aux ministres et se mêlant de tout sans être le maître de rien 162.
C'est ici que Louis XV va se révéler sous un jour nouveau. Dès avant la mort de Fleury, le roi avait commencé à entretenir avec le maréchal de Noailles un commerce épistolaire. Je suis très aise de recevoir vos idées, lui écrivait-il à la date du 10 octobre 1742, et encore plus de les exécuter 163. Le maréchal répondit qu'il ne pouvait parler que sur l'objet confié à ses soins, à moins que le roi ne lui donnât l'ordre formel de rompre le silence. Alors Louis XV, le 26 novembre 1742, adressa au maréchal un appel direct en ces termes :

Le feu roi, mon bisaïeul, que je veux imiter autant qu'il me sera possible, m'a recommandé en mourant de prendre conseil en toute chose et de chercher à connaître le meilleur pour le suivre toujours ; je serai donc ravi que vous m'en donniez : ainsi je vous ouvre la bouche, comme le pape aux cardinaux, et vous permets de me dire ce que votre attachement pour moi et mon royaume vous inspireront 164.

Les communications s'établirent ainsi ; elles durèrent plusieurs années. Le secret fut exigé par le roi, car Louis XV n'accordait sa faveur et sa confiance qu'à cette condition 165.
A la mort de Fleury, le maréchal, dans un mémoire auquel il joignit l'instruction de Louis XIV à Philippe V 166, s'adressa au roi en ces termes :

Toute l'Europe, Sire, est attentive à l'événement présent, et il est de votre gloire de lui faire connaître que, si quelque autre a paru jusqu'ici gouverner sous votre nom, Votre Majesté n'en est cependant ni moins attentive au bien de son royaume, ni moins capable de le connaître et de le procurer ; que vous êtes seul le Roi de cette grande et noble monarchie ; que vos lumières et votre autorité l'animent, et que rien ne s'y fait, sous votre nom, que ce qui s'y fait par des ordres émanés de votre pleine et parfaite connaissance. Que l'attente, Sire, de toute l'Europe ne soit pas trompée ! Comblez vos peuples de joie ; ils ne sauraient en avoir de plus touchante que de n'avoir qu'à obéir à Votre Majesté 167.

Frédéric II a prétendu que Louis XV travailla avec ses ministres pendant huit jours, et qu'au bout de ce terme, son ardeur s'éteignit 168. Frédéric s'est trompé et l'histoire s'est trompée avec lui. Louis XV, nous l'avons dit, se mit résolument à l'ouvrage. Il travailla comme il ne l'avait point encore fait, renonça pour un moment à la chasse, à ses voyages de Choisy 169, déclara qu'il n'expédierait plus de lettres de cachet sans en connaître les motifs et sans les signer de sa main 170, et voulut être instruit non plus seulement de ce qui se disait 171, mais de ce qui se faisait. La meilleure preuve, indépendamment de toutes celles que nous offrent les auteurs du temps 172, en est fournie par sa correspondance assidue avec le maréchal de Noailles. Le roi écrivait aussi fort souvent au cardinal de Tencin 173, mais c'étaient des lettres sans importance ; Noailles seul avait toute sa confiance. Aussi ne cessait-on de le desservir 174. On ne savait pourtant pas bien à quoi s'en tenir sur son crédit. Le curieux Journal de police, qui, par ordre exprès, enregistre tout ce qui se dit sur le compte même du roi, contient ce passage, à la date du 12 août 1743 :

On se persuade que le Roi se conduit par d'autres lumières que celles de son Conseil, et que Sa Majesté est instruite par d'autres voies que les ordinaires. On s'aperçoit qu'elle est presque toujours prévenue sur toutes les affaires qui lui sont rapportées, et qu'elle décide rarement selon l'esprit des ministres ; on s'étudie en vain pour pénétrer ce mystère. Le Roi parle si peu et donne si peu prise aux conjectures que jusqu'ici l'on n'a encore rien pu deviner sur ce point.... On dit que M. de Noailles est plus en faveur que jamais, et que, pour ce qui a rapport au militaire, le Roi se conduit par les avis de ce maréchal 175.

A ce moment, en effet, le maréchal de Noailles avait toute la confiance du roi, qui ne se laissait pas influencer par les intrigues hostiles. Certains avis avaient été donnés au roi, et, chose piquante, ce fut le cardinal de Tencin que Louis XV chargea d'en prévenir le maréchal. Celui-ci remercia Louis XV par une lettre du 14 mai 1743. Le 20 mai, le roi répond :

L'avis me venait par le cardinal de Tencin lui-même ; mais lui, je sais d'où il lui venait. Comme j'étais bien persuadé de la fausseté de l'avis, je ne me suis pas tourmenté de ce qu'on y disait sur vous... Les envieux mourront, mais non jamais l'envie, et tant que vous n'y donnerez pas plus de prise, souciez-vous peu de ce qu'ils feront et diront. Qui est-ce qui est à l'abri des discours ? 176

Il faut bien montrer le roi peint par lui-même, puisque l'occasion s'en offre à nous. Ouvrons donc ces deux volumes de correspondance, et donnons un moment la parole à Louis XV.

31 mai 1743. J'étais au conseil quand votre lettre m'est arrivée ; ainsi j'y ai fait lire sur-le-champ la lettre que vous m'écriviez et dont vous m'envoyez la copie. Je l'ai trouvée très bonne, et j'ai vu avec plaisir que vous ne faisiez pas de peine de détacher de votre armée le secours que je vous avais ordonné d'envoyer au maréchal de Broglie. J'approuve aussi le choix que vous avez fait des officiers qui commandent le corps. Pour ce qui est de la défense du Neckre ou du Mein, je ne vous avais prescrit votre retour sur le Neckre qu'au cas que vous ne fussiez pas assez en force présentement pour soutenir le Mein ; puisque vous vous croyez en état de cela, j'en suis ravi, et le serais encore bien davantage, Si je voyais arriver le duc d'Ayen avec la nouvelle que vous avez frotté d'importance le superbe Stairs et sa nation insulaire. N'oubliez pas pourtant que nous avons une armée en Bavière assez en presse, et que l'on en est plus près sur le haut Mein que sur le bas. Du reste, puisque vous vous souvenez de vos instructions et que vous n'avez pas changé les projets que vous aviez en partant d'ici, je m'en rapporte entièrement à vous, et vous pouvez être assuré avec cela que votre absence ne vous a fait nul tort dans mon esprit ; mais j'avais craint seulement que le voeu de toute l'armée pour ne pas vous approcher de la Bavière, ne vous eut séduit... Je sais que vous avez été incommodé, mais que votre coeur a fait marcher votre corps ; ménagez l'un et l'autre, je vous prie, et soyez sûr que j'ai été très en peine de vous, parce que je vois que vous me servez bien. Faites toujours de votre mieux pour la cause commune ; prenez garde à la persuasion d'autrui, et soyez toujours sûr de mon amitié 177.

4 juin 1743. ... Ma lettre n'est pas trop bien conçue, mais je suis pressé, il est plus d'une heure, je vais demain à la chasse à Rambouillet, et votre ambassadeur (du Mesnil) sera vraisemblablement parti quand je reviendrai. De plus, je ne suis pas plus spirituel que cela ; mais ce qui est de sûr, c'est que je fais de mon mieux. La Bavière me tourne la tête, Si cela est possible, et ce qui m'a fait une peine extrême, c'est ce que j'ai appris du régiment des Vaisseaux (où il y avait eu du désordre), quand il a su qu'il allait en Bavière 178.

19 juin 1743. ... Vous ne trouverez pas mon écriture bonne ; mais c'est que je me dépêche, parce que le courrier va partir et moi que je vais souper. Il est neuf heures, et il faut que je me lève demain de bonne heure pour la procession. Heureusement il a fait plusieurs orages aujourd'hui, car sans cela je crois que nous y serions tous morts de chaud. Je me doute qu'il ne fait guère plus froid où vous êtes et si messieurs les Anglais ne vous ont pas échauffé par leur feu 179.

Le roi désirait vivement voir le maréchal obtenir un succès. Il lui écrit le 22 juin :

Nos ennemis ne sont pas si scrupuleux que nous. J'espère que vous les préviendrez aux défilés, ou au moins que vous ne les y laisserez pas passer impunément, désirant autant que le comte de Noailles que vous puissiez frotter d'importance ces messieurs Anglo-Autrichiens. Vous voyez que je me conforme aux mots nouveaux, quand ils me paraissent bons 180.

Le 21, un combat était livré à Dettingen, et l'issue n'en était pas heureuse. Au rapport et à la lettre particulière du maréchal, le roi répond :

Je suis bien persuadé que ce n'est pas votre faute ai le combat que vous avez donné à Dettingen n'a pas été plus heureux ; tout le monde vous rend cette justice, et moi plus qu'aucun, connaissant votre zèle pour mon service et votre expérience. M. d'Argenson vous répondra de ma part à la longue lettre que vous m'avez écrite ; ainsi je ne répondrai ici qu'à celle particulière. Je suis très aise que les princes aient marqué autant de courage et d'activité que vous me le marquez ; témoignez leur en ma joie et le gré que je leur en sais, et surtout à MM. de Chartres et de Penthièvre... J'ai toujours été bien persuadé aussi de la valeur de nos jeunes seigneurs ; mais ce qu'il convient que vous étudiiez en eux, c'est les talents qu'ils développeront, pour que vous les cultiviez, afin qu'ils puissent devenir bons généraux, ce dont tout le monde convient que nous manquons absolument, et pourtant ce dont cet État-ci aura toujours un besoin extrême... Je serais très fâché qu'il arrivât malheur au duc d'Harcourt ; mais si le cas arrivait, je n'oublierais pas, dans la personne du fils, les services du père et du grand-père... Je ne suis pas moins fâché que vous me dites de ma Maison, et surtout de celle à cheval ; trop de complaisance doit en être la seule cause ; tenons-nous-le pour dit pour l'avenir. Je garderai le secret que vous m'en demandez ; mais le tout est déjà public, et peut-être même plus enflé qu'il n'est, car vous savez qu'en ce pays, l'on y va fort vite, soit d'une façon, soit d'une autre. Certainement il faut apporter tous ses soins et tout son argent à l'état militaire ; car je vois bien que c'est le soutien de l'État, surtout étant aussi jalousé qu'il l'est par nos voisins. Dans l'hiver, nous verrons ce qu'il y aura à faire pour l'année prochaine, et à la paix pour l'avenir, laquelle il ne faut pas faire honteuse qu'on n'y soit contraint par la très grande force, et j'y suis bien déterminé, au péril même de ma vie 181.

Le maréchal ne ménageait pas au roi les expressions : Louis XV lui avait ordonné de parler avec franchise et vérité 182 ; il se regardait donc comme devant la vérité tout entière. Le roi lui répond :

J'excuse votre liberté et je vous en remercie, sachant d'où cela part. Tenez-vous tranquille, et continuez toujours à me donner des marques de votre amitié et de l'intérêt que vous prenez à ma gloire 183.

A propos de la pénurie des finances et des charges qui pèsent sur l'État, le roi écrit :

Je vous dis tout cela, non pas pour ne pas faire ce qu'il faut, mais pour le faire comme il faut, et n'en pas user avec prodigalité et volerie comme nous avons fait jusqu'à présent 184.

Louis XV voit donc le mal. Il se plaint de la pénurie des hommes 185 ; il sent que ses ambassadeurs dans les cours étrangères sont peu de chose, qu'il manque de sujets pour tous les objets 186, et il écrit dans une de ses lettres :

Ce siècle-ci n'est pas fécond en grands hommes, et il serait bien malheureux pour nous si cette stérilité n'était que pour la France 187.

Voici comment le roi juge cet empereur Charles VII, dont la France défendait alors les droits en Allemagne :

Le portrait que vous me faites de l'empereur me paraît conforme à celui que je me suis fait de lui ; mais comptez qu'il ne démordra jamais de ses projets, et que tous ceux qui lui en feront envisager quelque réussite seront bienvenus de lui, et les autres, au contraire, mal. Il est entouré de gens qui ne nous peuvent souffrir et qui voudraient nous voir cent pieds sous terre ; pour lui, sûrement, il ne pense pas comme cela, et je vous autorise à le maintenir toujours dans ces sentiments, et à faire en conséquence tout ce que vous croirez faire ou devoir faire pour cela. Nous étions liés avec lui bien auparavant la mort du feu empereur. Ce qui est passé est passé ; ainsi ne songeons plus qu'au présent et à l'avenir ; le présent est de soutenir cette guerre de toutes nos forces, et l'avenir est de faire la paix le plus tôt possible, et la moins onéreuse qu'il soit possible 188

Mais le roi va enfin paraître : le sang du Bourbon s'échauffe, et il s'ouvre en ces termes au maréchal de Noailles :

24 juin 1743. Ceci ne vous surprendra pas, vous m'en aviez déjà ouvert quel¬que chose; voici, je crois, le moment venu de vous en parler, puisque toutes nos troupes sont réunies. Selon toute apparence, nous allons avoir la guerre personnellement. La déclarerons-nous, ou attendrons-nous qu'on nous la déclare, soit de fait, soit autrement. Dans tous les cas, il faudra faire quelque chose, soit à la fin de cette campagne, soit au commencement de l'autre ; vous savez ce que vous m'avez promis, et ce n'est pas d'aujourd'hui que j'en grille d'envie... Je me hasarde peut-être un peu trop dans les circonstances critiques où nous sommes ; mais si vous ne croyez pas la chose possible, mandez-le moi avec votre franchise ordinaire. Je suis accoutumé à me contenir sur les choses que je désire, et qui n'ont pas été possibles jusqu'à présent, ou du moins qu'on n'a pas cru telles, et je saurai encore me contenir sur celle-ci, quoique je puisse vous assurer que j'ai un désir extrême de pouvoir connaître par moi-même un métier que mes pères ont si bien pratiqué, et qui jusqu'à présent ne m'a pas réussi par la voie d'autrui, ainsi qu'il y avait lieu de s'en flatter. Je ne m'étendrai pas davantage pour cette fois-ci, mais j'attendrai votre réponse avec honnêtement d'inquiétude 189.

Je ne puis exprimer à Votre Majesté, répond le maréchal, la satisfaction infinie que m'a causée la lettre dont elle m'a honoré ; j'y reconnais le sang et les sentiments de Louis XIV et de Henri IV ; j'en félicite Votre Majesté, son État, et tous ceux qui, comme moi, s'intéressent à sa gloire 190. Et Noailles exhorte le roi à prendre les mesures nécessaires, et surtout à garder sur sa résolution un inviolable secret. Le secret est d'autant plus nécessaire, écrit-il, que Votre Majesté doit s'attendre à ce que quelques-uns de ses ministres feront l'impossible pour s'opposer à ses désirs ; on en a peu vu dans tous les temps assez zélés et assez attachés à leur maître pour souhaiter qu'il vit et approfondît lès choses par lui-même 191.
La correspondance continue sur ce sujet. Le 16 août, Louis XV écrit:

Si ma présence était nécessaire à mon armée avant la fin de la campagne, je vous prie de m'en avertir, et je vous promets que je ne serais pas longtemps à vous joindre, quelque part que ce fût. Je sais parfaitement le misérable état où nous sommes, mais je vous avoue que je ne verrais pas de sang froid prendre une de nos places, ni mettre nos frontières à contribution, ou à courir le risque d'être pillées, saccagées ou brûlées 192.

Dans une autre lettre du même jour, le roi annonce qu'il fait ses préparatifs, et qu'il tâchera d'apporter avec lui le moins de bouches inutiles qu'il pourra : Je vous réponds que quand il faudra partir, je partirai à la légère. Le 3 septembre, il s'adresse encore en ces termes au maréchal :

Je ne répondrai pas pour aujourd'hui à l'article principal de votre lettre, de main propre, qui regarde la mienne du 16 du mois passé. Je vous dirai seulement que si je suivais une vaine gloire, je ne prendrais certainement pas le parti que vous me proposez ; si je consultais quelqu'un, toutes les apparences sont qu'il penserait de même ; reste donc à moi seul à imaginer et balancer le commodo et incommodo. Ma tête a déjà fait du chemin et en fera d'ici à quelques jours. Si la saison était moins avancée, l'on pourrait prendre du temps ; mais il me paraît qu'il n'y a pas à en perdre. La seule visite de mes frontières ne me convient en nulle façon en ce moment. Je vais faire mes dispositions secrètes, et attendrai une nouvelle lettre de vous pour me déterminer ; envoyez-la moi prompte ; vous aurez sans doute mûrement réfléchi depuis le 30 août 193.

Le maréchal répond qu'il serait imprudent et téméraire de donner un conseil au roi, dans des circonstances aussi incertaines et aussi critiques, et qu'une pareille résolution ne doit paraître venir et ne venir réellement que de sa pure et seule volonté ; pourtant il incline vers un ajournement. Le roi, dont l'ardeur paraît s'être un peu calmée, discute avec le maréchal sur les considérations qui militent en faveur du retard, et examine les cas qui le détermineraient à partir immédiatement : Quelque désir que j'aie d'être à mon armée, est-ce le moment d'y aller pour moi, moi qui ai le malheur de ne m'y être jamais trouvé ? 194 Le lendemain, il écrit encore : Jusqu'à la fin du mois, je serai bien perplexe et comme l'oiseau sur la branche ; dans le courant du mois prochain, je serai un peu plus tranquille, mais je désirerai de vieillir à un point inexprimable 195. Dans cette même lettre, on lit ces lignes :

Mme de la Tournelle m'avait communiqué, comme vous croyez bien, la lettre qu'elle vous a écrite. Je doute qu'on pût la retenir si j'étais une fois parti ; mais elle est trop sensée pour ne pas rester ou je lui manderais. Les exemples que vous lui citez ne l'arrêteraient pas, je crois, et elle a de bonnes raisons pour cela, que je ne puis vous dire, mais qu'il vous est permis de penser.

Si je consultais quelqu'un, écrivait le roi le 3 septembre, toutes les apparences sont qu'il penserait de même. Ce quelqu'un avait-il été consulté ? On a dit et répété que Mme de la Tournelle avait été l'Agnès Sorel de ce nouveau Charles VII, et l'avait arraché à sa vie d'insouciance et de plaisirs, pour lui faire prendre goût aux affaires de l'État et l'entraîner à se mettre à la tête de ses armées : Vous me tuez, aurait dit Louis XV — Tant mieux ! il faut qu'un roi ressuscite, aurait répondu ardente maîtresse 196. Il faut ici laisser parler Mme de la Tournelle. Elle-même va nous apprendre à quoi nous en tenir à ce sujet. Le 3 septembre, le jour même où le roi écrivait au maréchal, — on voit que le faible Louis XV n'était pas resté longtemps à imaginer à lui seul et à balancer le commodo et imcommodo, — Mme de la Tournelle s'adressait en ces termes au maréchal de Noailles :

Je sais bien, monsieur le Maréchal, que vous avez autre chose à faire qu'à lire mes lettres, mais pourtant je me flatte que vous voudrez bien me sacrifier un petit moment tant pour la lire que pour y répondre ; ce sera une marque d'amitié à laquelle je serai très sensible. Le roi a eu la bonté de me confier la proposition que vous lui faites d'aller à l'armée dès ce moment ; mais n'ayez pas peur, quoique femme, je sais garder un secret. Je suis fort de votre avis, et crois que cela sera très glorieux pour lui, et qu'il n'y a que lui capable de remettre les troupes comme il serait à désirer qu'elles fussent, ainsi que les têtes, qui me paraissent en fort mauvais état, par l'effroi qui gagne presque tout le monde. Il est vrai que nous sommes dans un moment bien critique. Le roi le sent mieux qu'un autre ; et pour l'envie d'aller, je vous réponds qu'elle ne lui manque pas ; mais moi ce que je désirerais, c'est que cela fut généralement approuvé, et qu'au moins il recueillit le fruit qu'une telle démarche mériterait. Pour un début, ne vaudrait-il pas faire quelque chose, et d'aller là pour rester sur la défensive, cela ne serait-il pas honteux ? Et si d'un autre côté le hasard faisait qu'il y eût quelque chose avec le prince Charles, on ne manquerait peut-être pas de dire qu'il a choisi le côté où il y avait le moins d'apparence d'une affaire. Je vous fais peut-être là des raisonnements qui n'ont pas le sens commun, mais au moins j'espère que vous me direz tout franchement que je ne sais ce que je dis. N'imaginez pas que c'est que je n'ai pas envie qu'il aille, car au contraire, premièrement, ce serait ne lui pas plaire, et en second lieu, tout ce qui pourra contribuer à sa gloire et l'élever au-dessus des autres rois, sera toujours fort de mon goût. Je crois, monsieur le Maréchal, que pendant que j'y suis, je ne saurais mieux faire que de prendre conseil de vous généralement sur tout. J'admets que le roi part pour l'armée : il n'y a pas un moment à perdre et il faudrait que cela fût très prompt. Qu'est-ce que je deviendrai ? Est-ce qu'il serait impossible que ma soeur et moi le suivions, et au moins, si nous ne pouvons pas aller à l'armée avec lui, nous mettre à portée de savoir de ses nouvelles tous les jours. Ayez la bonté de me dire vos idées et de me conseiller, car je n'ai point d'envie de rien faire de singulier et rien qui puisse retomber sur lui et lui faire donner des ridicules. Vous voyez que je vous parle comme à mon ami et comme à quelqu'un sur qui je compte ; n'est-ce pas avoir un peu trop de présomption ? Mais c'est fondé, monsieur le maréchal, sur les sentiments d'amitié et d'estime singulière que vous a voués pour sa vie votre Ritournelle 197.

J'ai voulu citer cette lettre tout entière, parce qu'elle est singulièrement instructive, et qu'aucun document n'est plus propre à nous éclairer sur la situation et la disposition du roi à cette époque importante de sa carrière. C'est ici, bien mieux que dans les lettres de Mme de Tencin, qui ont trop influé sur l'opinion 198, qu'on peut juger Louis XV et apprécier le rôle de sa maîtresse. Ainsi le mouvement d'ardeur et de bravoure est spontané chez le roi ; c'est sa maîtresse qui, loin de l'exciter ou de rentretenir, intervient avec ses mesquines vanités et son étroit égoïsme 199. Louis XV hésite alors de plus en plus. Bref, il ne part pas.
Il partit pourtant un jour : le 3 mai 1744, il quittait Versailles pour se mettre à la tête de son armée. D'Argenson écrit à ce moment :

Le roi fait merveille à l'armée : il s'applique, il se donne grands mouvements pour savoir et pour connaître, il parle à tout le monde. La joie est grande parmi les troupes et les peuples en Flandre. Aurions-nous un roi ? 200

Barbier, de son côté, se fait l'écho de la satisfaction publique :

On ne parle ici que des actions du roi, qui est d'une gaieté extraordinaire, qui a visité les places voisines de Valenciennes, les hôpitaux, les magasins ; il a goûté le bouillon des malades, le pain des soldats. Il veut connaître tous les officiers et leur parle avec politesse. Suivant les apparences, le roi restera à l'armée jusqu'au mois d'octobre, et il n'est pas question de femmes 201.

Mme de la Tournelle, — ou plutôt la duchesse de Châteauroux, car elle avait ce titre depuis le 21 octobre 1743, — ne suivait donc pas le roi 202. Grande joie parmi le peuple, qui n'aimait point la favorite ! Mais tout à coup, le 8 juin, on apprend le départ de la duchesse et de sa soeur pour Lille 203 : Mme de Châteauroux, bravant les ordres du roi et ne se contentant plus des billets doux qu'elle recevait fidèlement, cédait aux instigations de Richelieu, et venait reprendre une place qu'elle craignait qu'on ne lui fit perdre 204. Quelques jours plus tard elle écrivait à Richelieu :

Je suis au comble de la joie. Prendre Ypres en neuf jours, savez-vous bien qu'il n'y a rien de si glorieux ni de si flatteur pour le roi, et que son bisaïeul, tout grand qu'il était, n'en a jamais fait autant ? Mais il faudrait que la suite se soutînt sur le même ton, et que cela allât toujours de cet air-là. Il faut l'espérer et je m'en flatte, parce que vous savez qu'assez volontiers je vois tout en couleur de rose et que je crois que mon étoile, dont je fais cas et qui n'est pas mauvaise, influe sur tout ; elle nous tiendra lieu de bons généraux, ministres, etc. Il n'a jamais si bien fait que de se mettre sous sa direction 205.

Pendant ce temps Louis XV, après avoir fait dignement son métier de roi, s'exposait au feu avec une résolution qui le faisait adorer de ses troupes 206.
On disait qu'il avait fait ses dévotions le jour de la Pentecôte 207. N'était-il pas temps que Mme de Châteauroux vînt l'arracher à cette vie nouvelle, à ce retour vers le devoir, à ces qualités de bravoure, de soin et de bonté pour ses troupes, d'intelligence pour tous les détails, de politesse pour les officiers et de travail pour les affaires dont s'émerveillait le public ? 208 Le roi n'avait-il pas le mauvais goût, depuis le renvoi d'Amelot (22 avril 1744), de vouloir être lui-même son ministre des affaires étrangères ? Ne se montrait-il pas, depuis qu'il était sorti de tutelle , attentif, brave, prudent, exact, laborieux et surtout discret ? 209 Ne fallait-il pas, en un mot, que la coterie dont la duchesse de Châteauroux était l'instrument s'emparât de l'esprit du roi, qui s'émancipait un peu trop ? 210 Mme de Châteauroux reconquit le roi à Dunkerque, et, quand la marche sur le Rhin fut décidée, elle obtint de suivre le roi. A Laon, elle réunit incognito dans un souper son royal amant et son mentor le duc de Richelieu. A Reims, elle tomba malade, et déjà le roi ne s'entretenait que de sa mort. Mais Louis XV ne s'arrêta qu'un jour et continua sa route à marches forcées : Je sais me passer d'équipage, écrivait-il, et, s'il le faut, l'épaule de mouton des lieutenants d'infanterie me nourrira parfaitement 211. Enfin il arriva à Metz.
On sait le reste : la maladie du roi, le soin jaloux que prit Mme de Châteauroux d'écarter de son lit les vrais amis et le clergé, le retour du roi mourant à la religion et au devoir, l'éclatant renvoi de la maîtresse. Ce qu'on sait moins, c'est dans quels sentiments celle-ci s'éloigna. Sa correspondance avec Richelieu nous fournit à cet égard des révélations précieuses et que nous ne devons point négliger. La duchesse, au lieu de gagner Paris, s'arrêta d'abord à Sainte-Menehould. De Bar-le-Duc, elle fait connaître cette résolution à Richelieu : elle ne peut croire que le roi meure ; tant qu'il aura la tête faible, il restera dans la grande dévotion. Mais dès qu'il sera un peu remis, je parie, écrit-elle, que je lui trotterai furieusement dans la tête, et qu'à la fin il ne pourra pas résister et qu'il parlera de moi, et que tout doucement il demandera à Lebel ou a Bachelier ce que je suis devenue ; comme ils sont pour moi, mon affaire est bonne. Elle se tient donc à portée. En attendant, dit-elle, il faut souffrir avec patience tous les tourments que l'on voudra me faire ; si il en revient, je l'en toucherai davantage, et il sera plus obligé à une réparation publique ; s'il en meurt, je ne suis pas pour faire des bassesses, dût-il m'en revenir le royaume de France ; jusqu'à présent je me suis conduite tel qu'il me convenait, avec dignité ; je me soutiendrai toujours dans le même goût ; c'est le seul moyen de me faire respecter, de faire revenir le public pour moi, et de conserver la considération que je crois que je mérite... S'il en revient, que cela sera joli ! Vous verrez, je suis persuadée que ceci est une grâce du ciel pour lui ouvrir les yeux et que les méchants périront. Si nous nous tirons de ceci, vous conviendrez que notre étoile nous conduira bien loin, et que rien ne nous sera impossible.
On croirait peut-être que la maîtresse congédiée qui écrivait : Je vous assure que je regretterai le roi toute ma vie, car je l'aimais à la folie et beaucoup plus que je ne le faisais paraître, vivait dans des angoisses cruelles sur l'état de son royal amant. Qu'on lise cette seconde lettre, qui achève de peindre Mme de Châteauroux 212. Voici ce qui la préoccupait au moment où, renonçant à son premier projet, elle s'acheminait vers Paris : Si vous m'écrivez par la poste, mandez-moi simplement des nouvelles du roi, sans aucunes réflexions ; mais je voudrais savoir comment Faquinet (Maurepas) aura été reçu. Je compte sur des courriers de temps en temps. Qu'est-ce que Mme de Boufflers dit de notre triste aventure ?... J'espère que vous n'aurez pas de scènes à essuyer ; ce serait aussi trop fort... Tout ceci est bien terrible... Tout ce que je voudrais par la suite, c'est que l'on réparât l'affront que l'on m'a fait et n'être pas déshonorée 213.
Mais c'est assez nous occuper de Mme de Châteauroux. Voilà la maîtresse fidèle et dévouée, l'amante du roi ramené dans le chemin de l'honneur et de la gloire ! 214 Retournons près de ce lit de mort où Louis XV — on le lui a bien reproché ! — fut assez faible pour s'humilier devant son créateur, et pour faire un public aveu de ses fautes et de son repentir 215. La reine arriva, et le roi moribond implora son pardon. Enfin la France en larmes, la France qui, comme le remarque M. Michelet, gardait beaucoup de cet amour de mère qu'elle avait eu pour l'enfant Louis XV 216, apprit que le roi était sauvé. Quelques jours plus tard, il assistait au siège de Fribourg ; le 12 novembre 1744, il rentrait dans Paris. Louis XV s'était ému des témoignages d'affection de son peuple : Qu'ai-je fait, disait il, pour être tant aimé ? Pendant sa convalescence, il écrivait au maréchal de Noailles :

Je serai ravi de vous revoir, monsieur le Maréchal. Vous me trouverez avec bien de la peine à revenir ; il est bien vrai que c'est de la porte de la mort. Ce n'a pas été sans regret que j'ai appris l'affaire du Rhin 217 ; mais la volonté de Dieu n'était pas que j'y fusse, et je m'y suis soumis de bon coeur, car il est bien vrai qu'il est le maître de toutes choses, mais un bon maître. En voilà assez, je crois, pour une première fois 218.

Une crainte très répandue avait tempéré la joie populaire à l'entrée de Louis XV dans Paris: la duchesse de Châteauroux ne retrouverait-elle pas les faveurs royales ? Celle-ci n'en avait jamais douté : elle écrivait en ce moment même à Richelieu : J'ai une petite lettre toute prête, et que je n'attends que le moment pour lui lâcher... Mais il faut bien prendre son temps, car il ne faut pas manquer son coup.. je vous dis que nous nous en tirerons, et j'en suis persuadée. Ce sera un bien joli moment ; je voudrais déjà y être 219.
Mme de Châteauroux entrevoyait même un autre rôle, moins dangereux et plus décent :

Je ne connais pas le Roi dévot, mais je le connais honnête homme et très capable d'amitié... Il restera dévot, mais point cagot ; je l'aime cent fois mieux, je serai son amie, et pour lors je serai inattaquable. Tout ce que les Faquinet ont fait pendant sa maladie ne fera que rendre mon sort plus heureux et plus stable. Je n'aurai plus à craindre ni changements, ni maladie, ni le diable, et nous mènerons une vie délicieuse 220.

Richelieu avait travaillé le roi, qui, entraîné par la force de l'habitude, rebuté, dit-on, par la reine 221, revint à ses anciennes amours. Ce fut toute une négociation, encore plus épineuse que celle de 1742. La duchesse mettait de nombreuses conditions à son retour : on s'attendait à des mesures de rigueur et à de nombreuses mutations.
Ce sera un bien joli moment, avait écrit Mme de Châteauroux ; et quand Maurepas était venu, le mercredi 25 novembre, sceller le traité au nom du roi, la maîtresse triomphante avait répondu, du fond du lit où la retenait une indisposition : Je suis fâchée de n'être pas en état d'aller, dès demain, remercier le roi. Mais j'irai samedi prochain, car je serai guérie.
Le joli moment ne vint jamais, et Mme de Châteauroux ne devait pas reparaître à la cour : le samedi, elle était mourante ; quelques jours plus tard, elle était morte.
La mort, qui avait épargné Louis XV, frappait encore une fois autour de lui. Fut-il insensible à ses leçons et sourd à ses enseignements ? Que va devenir le faible monarque ? De nouveaux liens, hélas ! vont l'enlacer ; après un court interrègne, un nouveau règne va commencer, règne long et funeste, car cette fois la maîtresse ne dominera pas seulement l'homme : elle dominera le roi. Mme de Pompadour va être le premier ministre d'une royauté avilie et dégradée.

 

V

 

Madame, dit Louis XV à la duchesse de Lauraguais, la première fois qu'il la revit après la mort de Mme de Châteauroux, Dieu vous a frappée ; il m'a frappé aussi. Je croyais n'avoir qu'à désirer ; mais Dieu en a disposé autrement. Il faut adorer sa main et s'y soumettre 222.
Grande et terrible leçon, en effet ! Louis XV s'enferma à la Muette, puis à Trianon. Sa douleur fut telle, que le peuple s'en émut et que l'inquiétude pour la santé du roi fit taire l'exaspération contre la favorite 223. Louis s'entretint avec son confesseur, le P. Pérusseau 224 ; quand il reparut au milieu de la cour, on remarqua sa tristesse, sa pâleur et son amaigrissement. Mais le combat qui s'était livré en lui à la mort de Mme de Vintimille ne se renouvela pas ; rien ne montra un retour sincère à la religion. Loin de là : à Noël, le roi ne fit pas ses dévotions 225 ; il continua à avoir pour la reine le même éloignement et la même absence de considération 226, et ce fut dans la société de la comtesse de Toulouse qu'il alla chercher les distractions dont il avait besoin 227.

Esquisse du portrait de Mme de Pompadour par Maurice-Quentin de la Tour (pastel)

 

Il lui en fallut d'autres bientôt. La chasse, les bals masqués, les soupers entre hommes et le jeu 228 ne suffisaient pas ; une nouvelle intrigue ne pouvait tarder à se nouer. Il est triste de dire que pareille chose était tellement dans les moeurs du temps qu'elle paraissait toute naturelle : Le vulgaire est plus joyeux qu'autrement de cette mort, disait Barbier en parlant de la mort de Mme de Châteauroux, et voudroit que le Roi, sans sentiment, en prit demain une autre 229. La maîtresse attendue ne fut pas longtemps à paraître : Tous les bals masqués, écrit le duc de Luynes, ont donné occasion de parler de nouvelles amours du roi, et principalement d'une Mme d'Étioles, qui est jeune et jolie ; sa mère s'appelait Poisson... Si le fait était vrai, ce ne serait vraisemblablement qu'une galanterie et non pas une maîtresse 230. C'est le 10 mars 1745 que le duc de Luynes s'exprime ainsi ; six semaines plus tard, il écrit : On continue à parler et même plus que jamais sur Mme d'Étioles, et ce qui paraissait douteux il y a peu de temps est presque une vérité constante ; cependant on n'ose en parler publiquement 231. Mais le roi, dont on remarqua les propos de plus en plus libres 232, ne tarda pas à bannir toute pudeur, et, dans le premier carême qui suivit la maladie de Metz 233, on le vit faire asseoir à sa table la fille d'un maltôtier, et laisser tomber la couronne de saint Louis aux pieds d'Antoinette Poisson !

Ces nouvelles amours furent pourtant interrompues par l'exercice du métier de roi, que Louis XV avait rempli dignement l'année précédente, et auquel, on doit le reconnaître, il ne renonça pas pendant tout le cours de la guerre de succession d'Autriche 234. Dès le mois de mars, le voyage de Flandre était publiquement annoncé 235 ; le 6 mai, Louis XV, accompagné du jeune dauphin 236, partait pour l'armée ; le 8, il était devant Tournay ; le 11, il assistait à la bataille de Fontenoy. On connaît la noble attitude du Roi sur le champ de bataille. Les éloges les plus sincères et les plus dignes de foi lui ont été décernés à cet égard par les contemporains. On a cité souvent la lettre du marquis d'Argenson à Voltaire, où il écrit : Le vrai, le sûr, le non flatteur, c'est que c'est le Roi qui a gagné lui-même la bataille par sa volonté, par sa fermeté 237 ; on a vanté, avec la bravoure de Louis XV, son sang-froid, son humanité, sa générosité 238. Je reproduirai ici deux témoignages moins connus. Le premier est celui du dauphin écrivant à sa mère 239 :

Ma chère maman,
Je ne puis vous exprimer ma joie de la victoire de Fontenoy que le Roi vient de remporter. Il s'y est montré véritablement Roi dans tous les moments, mais surtout dans celui ou la victoire ne sembloit pas devoir pencher de son côté. Car alors, sans s'ébranler du trouble ou il voyoit tout le monde, il donnoit lui-même les ordres les plus sages avec une présence d'esprit et une fermeté que tout le monde n'a pu s'empêcher d'admirer
240.

Dans une lettre au ministre de la guerre, le maréchal de Saxe s'exprime en ces termes sur le Roi :

Je ne saurois vous faire d'assez grands éloges de la fermeté de son air et de sa tranquillité. Il a vu pendant plus de quatre heures la bataille douteuse ; cependant aucune inquiétude n'a éclaté de sa part ; il n'a troublé mon opération par aucun ordre opposé aux miens, qui est ce qu'il y a de plus à redouter de la présence d'un monarque environné d'une cour qui voit souvent les choses autrement qu'elles ne sont. Enfin le Roi a été présent pendant toute l'affaire et n'a jamais voulu se retirer, quoique bien des avis fussent pour ce parti là pendant toute l'action 241.

Louis XV passa quatre mois à l'armée, menant une vie active, ne soupant plus, et ne faisant trêve au travail assidu avec ses ministres et aux courses à cheval, que pour donner quelques instants au jeu dans les heures de loisir 242. Quand il revint, au milieu des acclamations populaires 243, c'est que, comme il le disait, il n'y avait plus rien à faire 244.
Mme d'Étioles n'avait point suivi le roi 245 ; elle était restée à Étioles, où sans cesse elle recevait des courriers de l'armée 246. Au retour de Louis XV, elle était déjà la marquise de Pompadour ; le 15 septembre 247, elle était présentée officiellement à la cour par la princesse de Conti.
Chose étrange ! cette bourgeoise, cette parvenue, que les courtisans n'avaient pas cru possible comme maîtresse, sut désarmer le dédain et l'hostilité, et se faire accueillir presque avec faveur : Il me paraît, écrit un mois plus tard le duc de Luynes, que tous les avis se réunissent à dire que Mme de Pompadour est remplie de tout le respect possible pour la reine, que son caractère est la gaieté et la douceur, qu'elle est polie et a un fort bon maintien 248. Quelques jours après, il dit encore, parlant de la vie du roi :

Dés que le Roi est levé et habillé, il descend chez Mme de Pompadour ; il y reste jusqu'à ce qu'il aille à la messe ; il y redescend et y mange un potage et une côtelette, car Sa Majesté ne dîne point ; il y reste jusqu'à cinq ou six heures : c'est l'heure du travail. Les jours de conseil, il descend avant et après. Il paroit que tout le monde trouve Mme de Pompadour extrêmement polie; non seulement elle n'est point méchante et ne dit de mal de personne, mais elle ne souffre pas que l'on en dise chez elle. Elle est gaie et parle volontiers 249.

En se rappelant la hauteur et les exigences de l'ancienne favorite, on s'applaudissait de ces débuts. Ce qui disposait encore à l'indulgence les courtisans — même les plus honnêtes et les plus rigoristes, comme le duc de Luynes, — c'est que le peu de considération que, depuis plusieurs années, le roi avait montré pour la reine, fit place à une attitude convenable et parfois suffisamment empressée, et à des attentions inaccoutumées 250 ; on faisait honneur de ce changement à Mme de Pompadour 251. Le 1er janvier 1746, on remarqua que, chose exceptionnelle, la reine reçut des étrennes 252. Quand, le 2 mai suivant, Louis XV repartit pour l'armée, il y eut entre les époux des marques inusitées de tendresse 253.
La fascination exercée par Mme de Pompadour fut aussi courte qu'éclatante elle fut une maîtresse bien moins qu'un ministère, a-t-on dit d'elle 254. Avant de sortir du pouvoir 255, le marquis d'Argenson écrivait déjà :

Tous les ballets de la cour roulent aujourd'hui sur le même sujet de la pastorale d'Issé ; on y représente une bergère aimée d'Apollon et qui l'aime sans savoir sa divinité ; elle emporte le prix du chant et de la danse, elle joue la comédie, imite et contrefait tout ce qu'elle veut, la passion et même la vertu quand il faut. L'éducation a perfectionné la nature pour exceller dans le rôle qu'elle devait jouer ; c'est le gracieux instrument de tristes desseins. Elle s'est prodigieusement enrichie, elle est l'objet de la haine publique. Le roi croit la gouverner ; elle le conduit, elle lui fait voir du mérite dans ceux qui n'en ont ni la réputation ni les apparences. C'est une amitié adroite et impérieuse, plutôt qu'une véritable passion, qui produit tant d'effets dans notre gouvernement ; encore une passion violente aurait-elle l'espérance d'un changement, les reproches de la conscience et l'efficacité du cri public 256.

D'un autre côté le duc de Luynes, qui enregistre fidèlement les soupers du roi chez la marquise et jusqu'aux bruits de grossesse 257, écrit à la date du 13 mai 1746 :

On me contoit il y a quelques jours une conversation du Roi avec Mme de Pompadour. Le Roi monta chez elle rempli d'un sermon du P. Bourdaloue ; il lui fit part des réflexions que ce sermon lui avoit fait faire, et lui demanda si elle vouloit qu'il lui fît la lecture du reste de ce sermon, qu'il n'avait pas achevé. Mme de Pompadour ne parut pas goûter la proposition. Eh bien ! lui dit le Roi, je m'en vais donc chez moi continuer ma lecture, et il descendit aussitôt. Mme de Pompadour resta seule, fondant en larmes 258.

Ce qui était mieux encore que de ne pas subir aveuglément le joug d'une femme qu'on s'accorde à représenter comme charmante, pleine de séductions et d'esprit, c'était de rester Roi. Louis XV avait reparu en 1746 au milieu de son armée, et, rappelé par l'approche des couches de la dauphine, il témoigna à plusieurs reprises son impatience de retourner en Flandre 259. En 1747, il fut quatre mois absent ,et gagna eu personne la bataille de Lawfeld, par une protection marquée de la sainte Vierge, comme il l'écrivait à la reine 260 ; au retour de Berg-op-Zoom, il fut reçu par le peuple avec les démonstrations les plus vives 261. Les affaires de la diplomatie n'étaient pas conduites avec moins de zèle que celles de la guerre. Le roi poursuivait un grand dessein, le rétablissement de l'influence française en Italie, et il le fit avec beaucoup d'intelligence, comme en témoignent ses instructions diplomatiques, presque entièrement écrites de sa main 262.
Nous rencontrons ici pour la première fois la politique de Louis XV : à côté du système publiquement proclamé et soutenu par les ministres du roi, nous trouvons une autre politique, inavouée, secrète et personnelle à Louis XV. Dès 1740 ou 1741, le prince de Conti avait commencé à travailler avec lui, à l'insu du cardinal de Fleury, et en 1743 ou 1744, la correspondance politique secrète avait été établie 263. Cette politique avait son plan déterminé, ses agents spéciaux, ses moyens d'action particuliers. En décembre 1744, nous voyons Louis XV envoyer son 'ultimatum' sur la paix à son ministre des affaires étrangères 264 ; en 1745, il donne lui-même ses instructions à Champeaux, envoyé à Turin, et l'entretient au retour avec toute l'intelligence, la finesse et l'activité d'un premier ministre 265.
Mais ce n'était là qu'un côté de la politique royale. Louis XV ne tournait pas seulement ses yeux du côté de l'Italie ; ses vues s'étendaient sur l'Europe entière. Laissons le comte de Broglie nous initier au plan de la politique secrète à ses débuts :

Ce fut au commencement de 1745 qu'il arriva un certain nombre de seigneurs polonais à Paris, chargés de la procuration de quelques autres, pour offrir à ce prince (le prince de Conti), leur désir pour son élection éventuelle à la couronne de Pologne. Le Roi permit à M. le prince de Conti d'écouter ces propositions et de faire toutes ses dispositions en conséquence. Il falloit beaucoup de travail pour préparer les moyens de cette élection : c'est ce qui donna lieu à la formation du système général de politique dont M. le prince de Conti fut l'auteur. On ne peut pas disconvenir qu'il n'eût été fait conformément aux véritables principes et selon les intérêts de la France. Il consistoit à garder en Europe l'équilibre établi par les traités de Westphalie, à protéger les libertés du corps germanique, dont la France étoit garante par ses traités ; à lier, par un autre traité perpétuel, la Turquie, la Pologne, la Suède et la Prusse, sous la médiation et ensuite avec l'accession de la France ; et enfin à séparer par ce moyen la maison d'Autriche d'avec la Russie, en rejetant cette dernière dans ses vastes déserts, et la reléguant pour les affaires hors des limites de l'Europe 266.

Des influences rivales régnaient alors dans les conseils du roi. Le maréchal de Noailles conservait encore une partie de l'ascendant que nous lui avons vu prendre, et que sa mission en Espagne vint confirmer ; le prince de Conti, qui n'était point admis au conseil et qu'éloignaient ses commandements militaires, voyait souvent son action paralysée ; enfin le marquis d'Argenson, sans avoir été ce ministre patriote et ce grand politique qu'on s'est plu à célébrer 267, eut son temps de faveur et sa part d'influence dans les affaires, jusqu'au jour où sa légèreté et ses imprudences le rendirent la fable et le jouet de tout le royaume et de l'Europe entière 268.
C'est en 1746 que le prince de Conti, préparé de longue main par un travail sérieux et assidu à s'occuper des affaires de l'État 269, prit une part de plus en plus prépondérante à la politique extérieure. En février et en avril, il est des voyages de Choisy 270 ; en août, le roi le fait revenir de Flandre et l'emmène avec lui à Choisy et à Crécy 271. Le marquis d'Argenson se plaint à ce moment de l'influence de Conti, de ses intrigues pour se faire nommer roi de Pologne 272, et constate que le prince travaille souvent avec le roi, et porte un portefeuille, sans que l'on comprenne ce qu'il y a à dire, depuis qu'il n'y a plus d'armée à commander 273. De son côté, le duc de Luynes écrit en novembre 1746 : M. le prince de Conti partit d'ici il y a trois ou quatre jours... Son séjour ici a été assez long ; il a travaillé son vent avec le roi et plusieurs fois avec M. d'Argenson. On a de la peine à comprendre quel peut être l'objet de ce travail 274.
Le 10 janvier 1747, le marquis d'Argenson sortit du ministère, et Puisieux le remplaça. Tandis que la diplomatie officielle négociait le traité d'Aix-la-Chapelle, que Louis XV, ne voulant plus de la politique à boulets rouges 275 et prétendant traiter non en marchand mais en roi 276, abandonnait toutes ses conquêtes, consacrait l'affaiblissement de la France et l'accroissement de la Prusse, la politique secrète s'organisait et étendait ses ramifications 277. Il ne faudrait pas d'ailleurs voir à cette époque, entre les deux politiques, un antagonisme qui n existait point encore : il parut plus beau et plus utile à la cour de France de ne penser qu'au bonheur de ses alliés, que de se faire donner deux ou trois villes de Flandre, qui auraient été un éternel objet de jalousie 278.

 


 

Notes

01 - Biogr. universelle, art. Louis XV.

02 - Le despotisme augmentera-t-il ou diminuera-t-il en France ? écrit le marquis d'Argenson en 1752. Quant à moi, je tiens pour l'avènement du second article et même du républicanisme. J'ai vu de nos jours diminuer de respect et l'amour du peuple pour la royauté. Louis XV n'a su gouverner ni en tyran ni en bon chef de république ; or, ici, quand on ne prend ni l'un ni l'autre rôle, malheur à l'autorité royale ! (T. VII, p, 242).

03 - A deux ans, Louis XV manqua mourir. Il faut lire les lettres de Mme de Ventadour et du maréchal de Villeroy à Mme de Maintenon, pour voir les transes continuelles par lesquelles on passa. Soulavie, dans ses mém. du maréchal de Richelieu, dit que Louis XV étoit cacochyme et n'eut longtemps qu'une peau jaune et luisante collée sur les os. Toute l'Europe, ajoute-t-il, desespéroit de ses jours on attendoit une mort prochaine (t. III, p. 349).
04 - Lemontey. Hist. de la Régence, t. II, p. 55 et suiv. ; M. Henri Martin, Hist. de France, t. XV, p. 116-117 ; M. Michelet, la Régence, p. 368-70; M. Jobez, La France sous Louis XV, t. II, p. 302-304. Si l'on veut avoir un exemple de la véracité de Lemontey, qu'on compare le texte de Dangeau, cité par lui à la date du 18 avril 1716, au passage de son Histoire de la Régence. Dangeau écrit : Le roi vit dans la salle des Suisses un petit vol d'oiseaux qu'on avoit dressés à prendre des moineaux. Lemontey cite Dangeau de la sorte : Dans une vaste salle remplie d'un millier de moineaux, des oiseaux de la fauconnerie, nichés en sa présence, en faisaient un facile carnage, et lui donnaient en divertissement l'effroi, les cris, la destruction des victimes et la pluie de leur sang et de leurs débris (t. II, p. 58).
05 - Lettres de Mme de Maintenon, publ. par La Beaumelle, t, VII, p. 28.
06 - Ibid., p. 82. Dangeau écrit aussi à la date du 19 octobre 1715 : Le roi se porte à merveille, et devient tous les jours plus joli, et par l'esprit et par ses manières polies (T. XVI, p. 213) ; et Marais, en racontant l'entrée du jeune roi dans Paris : Il parut beau, bien fait, portant son chapeau de bon air, mais un peu pâle. (T. I, p. 192.)

07 - Correspondance complète de Madame, duchesse d'Orléans, publ. par M. C. Brunet. T. I, p. 152. Cf. p. 284 et 305.
08 - Voir les lettres ci-dessus citées : Dangeau, t. XVI, p. 358, 426; Buvat, t. I, p. 47 ; Marais, t. I, p. 194 et suiv. On remarquait l'attention surprenante avec laquelle, dès l'âge de six ans, le jeune roi écoutait les prédicateurs (Dangeau, t. XVI, p. 335, 343, 347, 511). Buvat rapporte (t. I, p. 243) l'anecdote suivante (janvier 1717) : Comme le roi est d'une vivacité extraordinaire, Sa Majesté demanda à M. Bentivogilo. nonce du Pape : Monsieur le nonce, combien y a-t-il eu de papes jusqu'à présent ? Le nonce ayant hésité et n'ayant pu on dire le nombre au juste, le roi répliqua : Vous ne savez pas le nomhre des papes, et moi je sais bien combien il y a eu de rois en France jusqu'à moi, qui suis encore un enfant. On fut étonné de l'entendre les nommer l'un après l'autre suivant leur chronologie. — On remarque surtout, dit Marais (septembre 1715, t. I, p. 195) un esprit vif, attentif et plaisant. Voir les anecdotes qu'il rapporte. Au lit de justice du 12 septembre 1715, on remarqua la bonne attitude du petit roi, l'air ferme et assuré avec lequel il débita son petit discours et l'attention qu'il prêta à tout. (Marais, t. I, p. 200-201.)
09 - Lettre du 19 octobre 1714 à Mme de Maintenon, l. c., p. 30. Depuis sa naissance, l'enfant était sujet à des fontes sur lesquelles sa gouvernante et Dangeau reviennent souvent, et qui plus d'une fois causèrent des alarmes.
10 - Lettre à Mme de Ventadour, de juin 1715.
11 - Je vous assure, Madame, que je donne souvent congé aux maîtres et que nous faisons nos leçons ensemble en riant : il aura de l'esprit à tout. Le gouverneur mettra an oeuvre pour moi. Je n'ai qu'une jolie matière à lui remettre entre les mains, et elle se prêtera sûrement à toute l'industrie de l'ouvrier. Lettre de Mme de Ventadour, du mois de juin 1715.)

12 - On me demande sa santé sur toutes choses, écrit-elle en 1715 ; je commence à en être certaine, et je ne me vanterai des peines qu'il m'a données que lorsque j'aurai le bonheur de l'avoir remis entre les mains du roi. — Et encore : Que je serais heureuse si ce que je fais pour lui, je le faisais pour Dieu !
13 - Lettre de Mme de Caylus, du 3 décembre 1716, l. c., t. VI, p. 236. Voir à ce sujet Dangeau, t. XVI, p. 460-61 ; Buvat,t. I, p. 52, 155 ; Marais, t. I, p. 195.
14 - Lettre de 1716, t. VII, p. 60. -
15 - Il n'en était pas toujours ainsi dans la première jeunesse, s'il faut en croire Dangeau qui, à propos des cris de vive le Roi ! poussés à la vue du jeune prince, dit qu'il prenait grand plaisir à entendre ces cris-là (t. XVII, p. 72).

16 - Voir la Correspondance de la duchesse d'Orléans, t. I, p. 318 ; Dangeau, t. XVII, p. 23 et suiv. Ah ! maman, disait l'enfant, en répondant à sa gouvernante qui faisait appel à la raison, je ne reconnais plus de raison quand il faut m'éloigner et me séparer de vous.
17 - Voir sur l'abbé Vittement, Daugeau, t. XVI, p. 365, et t. XVIII p. 49 (avec les annotations de St-Simon.)
18 - Lettres à Mme de Maintenon.
19 - Il lui faisait faire cependant d'utiles et instructives promenades à l'Observatoire, à la plaine de Grenelle, à Bercy, etc. Voir Dangeau, t. XVI, p. 393, 480, 507 ; t. XVII, p. 136. Dans une de ces promenades, le roi voulut aller lui-même faire grâce à un déserteur. Il témoigna beaucoup d'impatience que le prisonnier arrivât, et dés qu'il fut à portée de lui, il cria : Grâce ! (17 décembre 1716). Voir aussi Buvat, t. I, p. 160.
20 - Voir le trait de générosité que cite Buvat, en juin 1718 (t. I, p. 322), et la marque de respect donnée en 1720 au St-Sacrement, rapportée par Dangeau (t. XVIII, p. 268).
21 - D'Argenson, t. II, p. 259. On sait la haine que portait d'Argenson au vieux cardinal.
22 - Voir les témoignages de Daugeau et de Buvat, cités plus haut. Le maréchal de Villars dit de Fleury : L'évêque de Fréjus, homme d'esprit, n'oubliait aucun de ses devoirs. (Collection Michaud, p. 278.)
23 - Versions du roi Louis XV : 1° ms. fr. 1757, in-4° de 12 ff. Ce cahier est terminé par la signature du roi et par cette annotation Hæc themata, a Ludovico decimo quinto scripta et composita, a mense junio usque ad julium ann. 1717, missa sunt ad bibliothecam regiam in ea asservanda, die 3° julii ann. 1717. Ludovicus. — Et au bas :
De par le Roy,
Andréas Hercules,
Episcopus Forojuliensis
regis præceptor.
2°, Ms. fr. 2322 (Instruct. religieuses, passages de l'Évangile et des actes des Apôtres, catéchisme du roi), in-4° de 387 ff. (juillet 1717 et mois suiv.). — 3°, Ms. fr. 2324 (Choix des plus beaux endroits de la vie de saint Louis), in-4° de 348 ff. (1717-1720). — 4°, Ms. fr. 1755 (extraits de la Genèse, du Lévitique et des Nombres), in-4° de 394 ff. (1718-19). — 5°, Ms. fr. 1756 (extraits de l'Imitation et des Proverbes, avec les définitions principales du catéchisme), in-4° de 290 ff. (1720-21). — 6°, Ms. fr. 2325 (Fables), in-4° de 183 ff. (1722). — 7°, Ms. fr. 2323 (Apophtegmes), in-4° de 237 ff. (1722-23).

24 - Ms. la., 2322. Voici encore un extrait des morceaux traduits par l'élève de Fleury : J'avoue que jusqu'à présent je ne me suis pas servi de toutes les formes de mon esprit pour apprendre et pour exercer les choses qui sont les meilleures et les plus honnêtes ; mais j'espère que dans la suite je m'en servirai de manière que ceux qui m'aiment d'un coeur sincère seront remplis d'une très grande joie. Les grandes qualités sans l'art de s'en bien servir sont non seulement inutiles mais aussi pernicieuses. Ms fr. 2322, fol. 199 v°-200.)
25 - Buvat, t. I, p. 422.
26 - Ibid.
27 - Le roi alla faire la revue du régiment colonel (septembre 1718), mit pied à terre, et il paraît qu'il se divertit beaucoup à voir les troupes, et fait même beaucoup de questions pour s'instruire. (Dangeau, t. XVII, p. 386.)

28 - Voir Dangeau, t. XVII et XVIII, passim ; Buvat, t. I, p. 442.
29 - Dangeau, t. XVIII, p. 244.
30 - Édit. Hachette, in-12, t. XI, p. 258. Dangeau dit, contrairement à Saint-Simon, que le roi fit à son entrée au conseil, un petit compliment a de la meilleure grâce du monde, ce que Saint-Simon taxe de faux dans ses annotations. Dangeau ajoute Durant le conseil même, il lit quelques questions fort à
propos
. (T. XVII, p. 236.)
31 - Buvat raconte que le maréchal de Villeroy apostrophant un jour ce chat, qui avait égratigné le roi, Louis XV répondit : Or ça, mon grand papa, ne savez-vous pas bien que mon chat n'aime pas plus les remontrances que mon oncle le Régent ? (T. II, p. 237.)
32 - Mémoires, l. c., p. 278.
33 - Éd. in-12°, t. XI, p. 223.
34 - Voir les lettres de la duchesse d'Orléans, t. II, p. 9, 363 ; Marais, t. II, p. 253 ; Saint-Simon, loc. cit. ; Villars, p. 278 et 317 ; Barbier, t. I, p. 257 et 360, etc.

35 - Voir la curieuse anecdote que rapporte la duchesse d'Orléans, dans une lettre du 26 mars 1722. (T. II, p. 363.)
36 - Voir Saint-Simon, t. XI, p. 411. Cf. Villars, p. 278.
37 - Saint-Simon, t. XIII, p. 223-224.
38 - Et aussi l'heureux développement de ses facultés. Peu à peu, sous la mauvaise direction de Villeroy, l'ivraie étouffa le bon grain. Voir Dangeau, t. XVII, p. 83 ; Buvat, t. I, p. 265-66.
39 - Voir Dangeau, t. XVIII, p. 230 et passim ; Marais, t. II, p. 31, 38, 109.
40 - La France pour l'enfant avait tous les amours, mère, amante et nourrice. (Michelet, Louis XV, p. 19).
41 - Il s'est acquitté de toutes ses fonctions avec une grâce merveilleuse, écrit Marais, et en habit de novice, il ressemblait à l'Amour. (T. II, p. 364).
42 - Journal et Mém. du marquis d'Argenson, t. II. p. 87. Le sacre eut lieu le 25 octobre 1722.

43 - Journal de Barbier, éd. Charpentier, t. I, p. 238.
44 - On n'est pas content de la hauteur que le maréchal donne au roi, écrit Marais le 3 mars 1722. Pourtant Marais dit plus loin Tout Paris est consterné de la détention du maréchal, qui est fort aimé parmi le peuple. (t. II, p. 253 et 225). Il est certain qu'il y eut toujours à la cour, parmi certaines gens, un parti pris de dénigrement.
45 - Le roi avait dix ans, mais élevé et tenu de façon qu'il était encore bien plus jeune que son âge. Saint-Simon, Additions à Dangeau, t. XVIII, p. 204.
46 - Voir dans le curieux Journal du marquis de Calvière (Portraits intimes du XVIIIe siècle, par MM. de Goncourt, 2° série), les amusements du roi en 1722 : Jeu au volant, à la queue du loup, au moine, etc. ; illuminations avec de petites bougies, jeunes chats qu'il tourmente, chocolat et omelettes faits par lui (p. 123 à 155, passim). Les actions du roi ne sont que des enfances, écrit Marais (t. III, p. 106). Dans sa maladie de février 1723, il s'amuse comme un enfant. (Ibid., t. II, p. 409.)
47 - Le roi monta à cheval pour la première fois le 7 mai 1720. (Dangeau, t. XVIII, p. 283). Il commença à tirer en juillet 1720 et fit ses premières prouesses à la chasse quelques jours après. (Ibid., p. 314 et 324)
48 - Marais, t. III, p. 45.
49 - Dés le mois de novembre 1722, Louis XV annonçait cet amour du jeu ; en juillet 1724, il joue un jeu affreux. (Marais, t. II, p. 370 et t. III, p. 116)
50 - Voir Marais, t. III, p. 32.
51 - Marais, t. II, p. 306, 317 ; le marquis de Calvière, p. 141.
52 - Il n'est permis à personne de lui parler ni de sa santé, ni de son éducation. Le tout va comme il peut. Marais, t. III. p. 132 (août 1724)

53 - Marais constate (t. II, p. 83) que Louis XV s'est trouvé homme à onze ans, et, en 1724, le maréchal de Villars écrit (p. 304) : Il n'est question que de chasse, de jeu et de bonne chair, peu ou point de galanterie, le roi ne tournant point encore ses beaux et jeunes regards sur aucun objet. Les dames sont toujours prêtes, et l'on ne peut pas dire : le Roi ne l'est pas, parce qu'il est plus fort et plus avancé à quatorze ans et demi que tout autre jeune homme à dix-huit.
54 - Ainsi le roi trouvait charmant de lasser le maréchal de Noailles par une marche trop prolongée, de faire mouiller sa suite, de donner des soufflets à son valet de chambre, de lancer du fromage mou au visage d'un prélat — bouffon, il est vrai, — de faire en un mot toutes sortes de malices. Voir Calvière, p. 118 et 127, et Marais, t, II, p. 307 ; t, III, p. 75, 76, 110, 112.
55 - Voir Marais, t. II, p. 325-26 ; Saint-Simon, t. XI, p. 401-402, etc.
56 - T. II. p. 328, Cf. p. 330, et t. III, p. 113.
57 - Villars, p. 278 ; Marais, t. II, p. 428 ; Buvat, t. Il, p. 237, 282.
58 - T. II, p. 443.
59 - Mémoires, t. XII, p. 17-19.

60 - Journal de France et de la cour du Régent par le duc de Richelieu, dans les Pièces inédites sur les règnes de Louis XII, Louis XV et Louis XVI, t. II, p. 194 (févr. 1722).
61 - Voir Marais, t. II, p. 319-20, 322. Cf. t. III, p. 114. Voir aussi Barbier, t. I. p. 360-62.
62 - Mém. du maréchal duc de Richelieu, t. III, p. 341.
63 - Journal de Dangeau, t. XVIII, p. 268.
64 - Correspondances de la duchesse d'Orléans, t. II, p. 367.
65 - Les dames le suivent, dit Marais en 1724, mais il ne les aime ni ne les regarde. (T. III,p. 110.)
66 - Le roi a su que Bontemps le père, un de ses premiers valets de chambre, avait amené à Versailles sa maîtresse, appelée Zénobie, et qu'il avait dîné avec elle. Il a demandé à son fils avec qui il avait dîné. — Avec mon frère, Sire. — Et qui encore ? ne me mentez pas. — Il a fallu dire la fille. Le roi a envoyé ordre à Bontemps de la faire sortir sur-le-champ de Versailles et de ne point paraître devant lui. (Marais, t. II, p. 407, février 1723)
67 - Le marquis de Calvière, p. 138.
68 - Voir Marais, t. II, p. 443 ; Barbier, t. I, p. 368. Il ne paraît pas qu'on ait réussi dans le dessein du voyage de Chantilly. Le roi ne songe qu'à chasser. Et Barbier ajoute : J'avoue en mon particulier que c'est dommage, car il est très bien fait et très beau prince mais si c'est son goût, qu'y faire ? — Cf. sur la pureté des moeurs du jeune roi, Soulavie. (Mém. du duc de Richelieu, t. IV, p. 64-65, et t. V, p. 30 et 53.)

69 - T. II, p. 57.
70 - Le marquis de Calvière, p. 150.
71 - Voir dans la Revue rétrospective, t. XV, p. 162-214, les curieuses pièces, extraites des archives du royaume, relatives à ces négociations. Il y a
là une lettre du roi de Sardaigne au duc de Bourbon, où il dit : Il y avait quelque chose de mieux et de plus convenable que ce choix, que tout le monde condamne, et qui, joint à tout ce qu'il a paru depuis que vous êtes dans le ministère, ne donne pas une grande idée de votre conseil.
72 - Voir Villars, p. 316 ; Barbier, t. I, p. 408 et suiv. ; lettre de Math. Marais, t. III, p. 359. La conduite du roi a trompé tout le monde, écrit Barbier. Voir aussi, sur les prouesses du jeune mari, la lettre du duc de Bourbon au roi Stanislas, dans la Revue rétrospective, t. XV, p. 213 ; une lettre de Voltaire à la présidente de Bernières, du 17 Septembre 1725, et la lettre de Marais.
73 - Dés le mois de janvier 1726, la Reine se plaignait à Villars des changements qu'elle voyait dans l'amitié du roi, et elle portait plainte également à Fleury, qui répondait assez sèchement : ce n'est pas ma faute. (Mém. de Villars, p. 320. Cf. p. 327) Cependant le président Hénault accuse formellement Fleury d'avoir brouillé le roi et la reine. (Mémoires, p. 148-149)
74 - Voir Villars, p. 304, 308, 321, 326, 329, 337, 345, 361, 376 ; Barbier, t, I, p. 372, 379, 401, 436, t. II, p. 61, 110, 166. Journal de Narbonne, publié par M. Le Roi (1866), p. 148, 295 et 513.

75 - Voir le Journal de Barbier, t. I, p. 408-411, t. II, p. 49. Louis XV eut de Marie Leczinska dix enfants, dont voici l'ordre de naissance : 1° Louise-Élisabeth, 14 août 1727 ; 2° Anne-Henriette, 14 août 1727 ; 3° Marie-Louise, 28 juillet 1728, 4° Louis, dauphin, 4 septembre 1729 ; 5° le duc d'Anjou, 30 août 1730 ; 6° Marie-Adèlaïde, 23 mars 1732; 7° Mme Victoire, 11 mai 1733 ; 8° Mme Sophie, 27 juillet 1734 (en avril 1735 la reine fit une fausse couche) ; 9° N..., née le 16 mai 1736 ; 10° Louise-Marie, née le 17 juillet 1737.
76 - Journal, t. I, p. 409.
77 - Journal de Barbier, t. II, p. 110. Cf. p. 166.
78 - Mém. de Villars, p. 325-26. Lettre du marquis de Silly, dans les Pièces historiques publiées par Soulavie, t. II, p. 249. Lettres de Math. Marais, t. III, p. 425-430.
79 - Ce texte est celui des Mém. de Villars. Lemontey a donné (t. II, p. 261), la version suivante, d'après un manuscrit de la Bibl. de l'Arsenal : Madame, ne soyez point surprise des ordres que je donne. Faites attention à ce que M. de Fréjus vous dira de ma part, je vous en prie et je vous l'ordonne.

80 - Lettre du 9 février 1726, Pièces historiques, t. II, p. 231.
81 - Mém. du duc de Richelieu, t. IV, p. 130, et Pièces historiques, l. c.
82 - Lettre du 14 juillet 1726, Pièces historiques, t. II, p. 240.
83 - Lettre du 28 juin, l. c., p. 257. — Le duc de Luynes rapporte une conversation qui eut lieu, vers 1725, entre Fleury et l'abbé de Pomponne, et dans
laquelle celui-ci dit au cardinal : Souvenez-vous de ce que vous me dîtes il y a deux ans : que vous trouviez dans le roi la mémoire la plus heureuse, mais que vous n'étiez pas aussi content de l'étendue de son esprit et encore beaucoup plus affligé de lui voir autant d'irrésolution. (T. V, p. 112.)

84 - Mém. de Villars, p. 303.
85 - Id., p. 348.
86 - Id., ibid.
87 - Lettre du 21 mai 1727, l. c., p. 258. Bien des pamphlets circulèrent alors sur l'enfance tardive du roi et sur l'administration du vieux cardinal. Nous
extrayons le passage suivant d'une Lettre de six François écrite à Henri IV, en janvier 1731 (ms. fr. 15231, f. 134) :
Vous estiez un grand Roy et un bon Roy ; le nôtre d'à présent a peut-estre de quoy l'estre, mais nous n'en sçavons encore rien. Il ne le sçait pas luy-mesme. Vous astiez souvent à cheval ; en cela il vous ressemble. Vous aimiez la chasse ; luy aussy. Vous chassiez pour vous délasser ; luy c'est pour tuer le temps. Et vous estiez toujours occupé du soin de vos affaires et de celles de votre peuple ; luy n'a point cet embarras : il n'y pense pas. Ne l'en grondez pas, ce n'est pas tout à fait sa faute : il a un vieux précepteur qui fait tout pour lui. Ce pauvre diable fait tout de son mieux et ne fait rien
qui vaille, parce qu'il n'a jamais rien sçu dans ce métier
etc.
Dans la réponse de Henri IV, on lit : Vous n'osez rien asseurer du vôtre ; cependant il est discret, pieux, chaste et fidèle ; pour les vertus militaires, la prophétie est en sa faveur quand l'occasion l'exigera. (Fol. 136 v°)
Et plus loin : Il est doux, aimable, bon, juste pieux et chaste ; qui a scau lui inspirer ces vertus mérite vos éloges. (Fol. 138 v°)
Dans d'autres pamphlets, on indique le logement des personnages de la cour le roi loge A la Beauté couronnée, rue des Innocents, et ailleurs Au Perroquet couronné, rue Baudet, vis à vis des Innocents. La reine loge A la Poule qui pond, rue de la Femme sans tête. Voir ms. fr. 15362, p. 323.
88 - Lettre du marquis de Silly, 14 juin 1726, l. c., p. 241.
89 - Mém. de Villars, p. 346. 348. Voir l'anecdote du duc de Béthune (septembre 1727). Les courses de traîneaux, écrit Villars en janvier 1729, ont fait espérer aux dames un peu plus de vivacité au roi pour elles. On a dansé après souper, et si cela recommence souvent, il n'est pas impossible que quelque belle courageuse ne mette la main sur le roi (p. 360). — Soulavie écrit à ce propos (Mém. du duc de Richelieu, t. IV, p. 177) : Ses beaux yeux cependant et le charme de ses manières attiraient les femmes, sa bonté les rendait hardies. On formait des projets, on proposait même. Mais le jeune monarque, toujours timide, répondait encore aux corrupteurs : Elle n'est point aussi belle que ma femme.

90 - Mém. de Villars, p. 362.

91 - Mém. du comte de Maurepas, t. Il. p. 219. Cf. Soulavie, Mém. du duc de Richelieu, t. V, p. 64.
92 - Mém. de Villars, p. 443 ; Journal de Barbier, t. II, p. 419.
93 - Voir le marquis d'Argenson, t. I, p. 220 (septembre 1737) : Le roi, ne pouvant plus se tenir aux seuls attraits de la reine, a pris pour maîtresse, depuis six mois, Mme de Mailly, fille de M. de Nesle. Cf. Barbier, t. III, p. 113 (novembre 1737). — J'ai appris depuis quelques jours seulement, écrit le duc de Luynes en décembre 1744, que le commerce du roi avec Mme de Mailly a commencé dés 1733, et personne n'en avait aucun soupçon dans ce temps-là. (T. VI, p. 178, note 1). Le bruit commun est que le roi est devenu amoureux de la comtesse de Mailly, quoiqu'elle ne soit pas belle. Elle est charmante le verre à la main. (Journal de Narbonne (1737), p. 519)

94 - Mém. de Villars, p. 413.
95 - Ibid., p. 348.
96 - M. Michelet dit de Bachelier : Fleury eut le royaume et lui le roi. Louis XV, p. 21.
97 - Mém. de Villars, p. 342.

98 - Journal et mém. du marquis d'Argenson, t. II, p. 3, 4.
99 - Voir d'Argenson, t. III, p. 192-94.
100 - La pauvre dame, écrivait Silly après la retraite de M. le duc, parait prendre à gauche sur tout. (Mém. du duc de Richelieu, t. IV, p. 162.)
101 - Voir d'Argenson, t. II, p. 324.
102 - Ibid., t. I, p. 220. D'autres contemporains répètent la même insinuation.

103 - On dit qu'en Angleterre, la vue d'un portrait du jeune roi troubla plus d'un coeur.
104 - Dés 1727, le roi montrait ce goût et s'était fait une petite bibliothèque. Lettre du marquis du Silly. (Pièces historiques, t. II, p. 293-294.)
105 - Journal de Barbier, t. II, p. 335.

106 - Un jour que Villars l'exhortait, en se proposant pour exemple, à secouer sa mélancolie et à se réjouir, et faire réjouir les autres : « Cependant », dit le roi, en regardant le maréchal d'un air équivoque, « il y a des gens qu'au lieu de divertir vous avez quelquefois bien ennuyés ». — « En vérité, sire, s'il m'est arrivé d'ennuyer, c'est bien contre mon intention ». — « Oui », reprit le roi, « cela vous est arrivé et très souvent ce sont mes ennemis, quand vous les avez battus, et personne ne les a plus souvent ennuyés que vous ». (Mém. de Villars, p. 376)

107 - Journal de Barbier, t. II, p. 456.
108 - Voir les Mém. du duc de Luynes, t. I, p. 116, 154, 211, 232, t. II, p. 75, 99. Le roi faisait un étrange assemblage de pratiques de religion et de licence dans les moeurs. Malgré ses désordres, il ne cessa jamais, pour l'abstinence et le jeûne, de remplir tout ce qui est d'obligation. Le duc de Luynes, qui fait cette remarque, nous montre le roi se rendant souvent à la messe à 5 ou 6 heures du matin, en revenant du bal de l'Opéra, avant de s'aller coucher. (Voir t. I, p. 198, 260, etc. ; t. II, p. 151-82, 353.)
109 - Voir Barbier, t. III, p. 167 ; d'Argenson, t. II, p. 126 ; le duc de Luynes t, II, p. 392.

110 - Voir d'Argenson, t. I, p. 265.
111 - Voir d'Argenson, t. I, p. 313, et le duc de Luynes, t. II, p. 167, 180, 280.
112 - Nous ferons remarquer toutefois que le duc de Luynes parle quelque part des brillants vêtements que se faisait faire Mme de Mailly, et dont elle payait comptant le montant, s'élevant à 5 ou 6.000 livres (t. III, p. 140). Mme de Mailly, dit-il ailleurs (t. V, p. 96), aimait le Roi de bonne foi et non seulement sa personne, mais sa gloire ; elle aurait désiré que tout le monde fut content du Roi, au moins ceux qui la servent bien.
113 - D'Argenson, t. II, p. 265 ; cf. p. 289 : ceux qui connaissent bien le roi assurent qu'il portera encore plus loin qu'Henri IV la répugnance à mêler les femmes aux affaires sérieuses.

114 - D'Argenson, t. II, p. 121.
115 - Voir une anecdote sur un mémoire remis au roi par la comtesse de Toulouse en juin 1735. Louis XV donna l'ordre à Daguesseau de faire rapporter
l'affaire des Jésuites de Brest, dont l'entretenait ce mémoire. Daguesseau répondit que c'était impossible. Le Roi lui tourna brusquement le dos, en
déclarant qu'il le voulait. (Nouvelles à la main, ms. fr. 13694, f. 69)
116 - Journal et mém. du marquis d'Argenson, années 1738 et 1739. t. I, p. 291-92, 314, 321, 322; t. II, p. 1, 29, 170, 174, 207, 211, 255, 284.

117 - La cour est un théâtre de paix et d'indolence qui ne nous fournit rien de bien vif ni d'intéressant. Le Roy va à Rambouillet; il revient à Versailles ; il court le cerf. La Reine va à la messe et à vespres, et a bien de la peine à avoir tous les jours sa partie de quadrille. (Nouvelles à la main, lettre du 2 juillet 1735, ms. fr. 13694, f. 81)
118 - D'Argenson, t. I, p. 291 ; cf. t. II, p. 9. C'est à ce même Orry que quelques mois plus tard Louis XV adressait cette dure apostrophe, en réponse à la proposition d'accommoder la montagne du Pecq pour faciliter les voyages à Saint-Germain : Monsieur le contrôleur général, tous les chemins de La Chapelle (terre d'Orry) sont donc accommodés. On m'a dit que tout y était pavé, jusqu'aux prés ; il ne reste apparemment à y rien faire. Je vois bien que vous ne songez à moi qu'après vous. Mais laissons cela ; nous avons présentement des choses plus pressantes à penser que le Pecq. (t. II, p. 43). Et d'Argenson, qui rapporte cette anecdote, ajoute : Moins le Roi parle sur le ton de dureté, plus de telles paroles sont significatives. Une autre fois, Maurepas ayant voulu faire des remontrances sur une décision relative aux conseillers d'État, Louis XV rougit, et dit d'un ton à faire trembler la terre : Cela ne me convient pas ! (T. II, p. 285)
119 - D'Argenson, t. II, p. 212.
120 - Idem, Ibid., p. 262. Cf. avec ce passage (p. 29) : Le roi se montre homme de tout point, et n'est-ce rien à cet égard que d'avoir pris une maîtresse avec qui il vit joliment ?.

121 - D'Argenson, t. II, p. 261 ; cf. le duc de Luynes. t. I, p. 269 et 211
122 - Idem, Ibid., p. 225.
123 - Voir le duc de Luynes, t. I, p. 287 ; t. II, p. 251, 253; t. III. p. 56. - Dans les Nouvelles de la main du temps, on voit qu'on se préoccupait de ces excès. Le roy nous a donnés quelques allarmes pour sa santé... Ces petits apartemens ne laissent pas de donner des inquiétudes (janvier 1737, ms. 13694, f. 17). — En janvier 1738, le roi fut indisposé par suite des fatigues de la chasse. Il a eu peur, écrit-on, et promet de ne chasser que deux fois la semaine, et de moins fréquenter les petits appartements (Id., f. 222). Et en février 1738 : Le roi est très changé ; pourtant il mange beaucoup. Je l'ai vu manger dans deux de ses dîners plus de viande que je n'en mangerais dans une semaine entière (Id., f. 244). Voir sur la gourmandise de Louis XV, sa lettre à Mme de Ventadour (15 octobre 1738), citée dans les Mém. du duc de Luynes, t. II, p. 281 note.
124 - Idem, ibid., p. 266.
125 - Idem, ibid., p. 284. Voir sur la bonté et la douceur du roi à l'égard de ses serviteurs, le duc de Luynes, t. III, p. 188. Cf. Narbonne, p. 171-72.
126 - D'Argenson, t. II, p. 131, 146 ; t. III, p. 50.
127 - Voir le duc de Luynes, t. II, p. 256, 270, etc.

128 - D'Argenson, t. III, p. 45.
129 - Idem, t. II, p. 181, 254, 255. Voir (p. 157) l'histoire du papier déchiré et la remarque de Fleury : Ce sont de petits enfantillages du roi ! et (p. 181) l'histoire des serrures changées et du cardinal fouillant dans la serrure, en disant à son valet de chambre : Cette clé n'ouvre pas ; ouvrez donc, Barjac !.
130 - D'Argenson, t. II, p. 394.
131 - Voir sur son humeur, ses prétentions, son attitude souvent irrespectueuse, le duc de Luynes et d'Argenson.
132 - D'Argenson, t. II, p. 280.
133 - Le duc de Luynes, t. II, p. 431, 445 et suiv. ; t. III, p. 2 et suiv., 41, 43, etc.
134 - Voir d'Argenson, t. III, p. 391, 393, 397. Cf. t. IV, p. 37.
135 - Voir les Mém. du duc de Luynes, t. III, p. 74, 87, 95 et passim. Le roi appelait aussi par excellence la société les personnes suivantes : Mademoiselle, Mlle de Clermont, Mmes de Ruffec, d'Estrées, de Mailly, de Chalais, de Talleyrand et de Ségur (id., ibid., p. 69).

136 - Voir les Mém. du duc de Luynes, t. II, p. 395.
137 - Ibid., p. 373.
138 - Voir t. III, p. 161, cf. t. Il, p. 373. Mme de Mailly a avancé l'autre jour devant le roi qu'il n'y avait point d'enfer, que c'était un conte de bonne femme.
139 - Le duc de Luynes rapporte pourtant une anecdote qui montre que le roi ne s'aveuglait pas à l'égard de celles qu'il aimait, et leur disait même à
l'occasion de dures vérités (t. III, p. 458).
140 - D'Argenson, t. III, p. 405.
141 - Le duc de Luynes, t. III, p. 482.
142 - D'Argenson, t. III, p. 40, cf. p. 423.
143 - Le duc de Luynes, t. IV, p. 116.

144 - Voir sur la vie du roi, le duc de Luynes, t. IV, p. 15, 96, 127, 152.
145 - Voir le duc de Luynes, t. III, p. 51, 67 et suiv.
146 - Idem, t. III, p. 211 et 384 ; t. IV, p. 6.

147 - D'Argenson, t, III, p. 133-34, 147, t7~, 183.
148 - Idem, ibid., p. 113.
149 - Je ne puis résister à la tentation de transcrire ici les termes que M. Michelet ose employer, en enregistrant la mort de Fleury : Vingt jours après, le dévoiement de Fleury évacua le peu qu'il avait d'âme. (Louis XV, p. 205.)
150 - Journal de Barbier, t. III, p. 418.
151 - Idem., ibid., p. 420. Journal de police (tenu pour le lieutenant général de police), publié d'abord dans la Revue rétrospective, et réimprimé à la suite de Barbier, t. VIII, p. 221-222.
152 - Journal de Police, l. c., p. 222, 224, 232, 237.

153 - Son caractère essentiel est la vérité, dit ailleurs le duc de Luynes (t. IV, p. 305).
154 - La vivacité de son goût pour Mme de la Tournelle, écrit Luynes en décembre 1742, est toujours la même ; mais c'est un empressement qui n'a pas l'air mêlé de galanterie, parce que ce n'est pas le caractère du roi. (T. IV, p. 299)
155 - Voir Luynes, t. IV, p. 244, et l'exemple qu'il en donne. Le roi disait à Mme de Mailly, à propos de la maréchale de Belle-Isle : Vous connaissez mon embarras et ma timidité j'en suis au désespoir. J'ai eu dix fois la bouche ouverte pour lui parler.

156 - On peut être surpris avec raison, dit encore le duc de Luynes à la date du 15 juin 1743, que, dans de pareilles circonstances, où les expéditions militaires sont les plus essentielles et les plus importantes à décider, le roi n'en parle qu'historiquement à M. de Belle-Isle, et n'ait pas voulu lui demander son avis. (T. V, p. 37)
157 - Mém. du duc de Luynes, t. V, p. 93-96.
158 - Journal de Police, l. c., p. 209.
159 - T. V., p. 55. Et en octobre 1743 : Elle paraît toujours vouloir ne se mêler de rien, et se défier beaucoup des empressements nouveaux que l'on veut lui marquer (p. 155).

160 - Journal de Barbier, t. III, p. 436.
161 - Le Noailles est un bon homme, écrit d'Argenson, mais il est bilboquet (léger et frivole), t. IV, p. 69.
162 - D'Argenson, t. IV, p. 61.
163 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Rousset, t. I, p. 3.
164 - Id., ibid., p. 10-11.
165 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. I, p. 89, 92, 96, 107. Voir ce que dit d'Argenson (t. II, p. 337) sur cette disposition du roi : Bachelier est devenu plus boutonné que jamais, avec tout ce qu'il a de plus dur au monde. Qu'est-ce que cela veut dire ? Car sa faveur est augmentée au lieu d'avoir diminué : c'est que le roi se montre plus amoureux du secret et plus fâché quand on y manque qu'il n'a jamais été.

166 - D'Argenson enregistre le fait, t. IV, p. 63.
167 - Corresp. de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. I, p. 25.
168 - Hist. de mon temps (Mém. de Frédéric II, publ. par MM. Boutaric et Campardon, t. I, p. 179).
169 - Journal de Barbier, t. III, p. 438.
170 - Journal de Police, l. c., p. 246 et 248.
171 - Journal de Police, l. c., p. 266. Cf. p. 276.
172 - Voir le Journal de Police, l. c., p. 220 et suiv. ; Barbier, t. III, p. 420 et suiv. et 438 ; le duc de Luynes, t. IV, p. 415. t. V, p. 18, 65, 79, 104, 115 ; et un curieux mémoire du duc de Chaulnes, p. 269 et 274.
173 - Lettre de Mme de Tencin à Richelieu du 13 août 1743, dans les Lettres de Mme de Villars, de La Fayette et de Tencin (Paris, 1805), p. 171.
174 - Lettre de Mme de Tencin, du 13 août, p. 171.

175 - Le Journal de Police, l. c., p. 301. Idem, p. 339-40.
176 - Correspondance, t, I, p. 69-70.

177 - Correspondance, t. I, p. 91-94.
178 - Idem, ibid., p. 98.
179 - Idem, ibid., p. 108.
180 - Idem, ibid., p 109.

181 - Idem, ibid., p. 126-1~5.
182 - Presque en même temps, le duc de Chaulnes disait au roi, en lui envoyant son long mémoire : C'est l'étude que j'ai faite de votre caractère et de cet amour que je vous ai toujours connu pour la vérité qui m'engage, Sire, à vous présenter ces réflexions. Ailleurs il disait : Je ne l'ai montré (son mémoire) qu'à deux de mes amis, qui faute de connaître V. M. le trouvaient trop fort, et craignaient par cette raison qu'il fit plus de mal que de bien ; mais moi qui la connais mieux qu'un autre, et qui sais combien elle est susceptible de la vérité même la plus désagréable, je passe par-dessus... (Mém. du duc de Luynes, appendice à l'année 1743, t, V, p. 255 et 57)

183 - Correspondance, t. I, p. 167.
184 - Idem, t. I, p. 164.
185 - Idem, t. I, p. 222.
186 - Idem, t. I, p. 163.
187 - Idem, t. II, p. 49.
188 - Idem, t. I, p. 166.

189 - Idem, t. I, p. 172-174.
190 - Idem, t. I, p. 181.
191 - Idem, t. I, p. 185.
192 - Idem, t, I, p. 219.

193 - Idem, t. II, p. 12.
194 - Lettre du 26 septembre, t. II, p, 16.
195 - T. II, p. 18.

196 - Fragment des Mém. de Mme la duchesse de Brancas, à la suite des Lettres de L. B. Lauraguais à madame *** (Paris, 1802, in-8°), p. 224. — Frédéric II dit aussi (Hist. de mon temps, l. c., p. 225) : Une femme, par amour pour la patrie, entreprit de tirer Louis XV de la vie oisive qu'il menait, pour l'envoyer commander ses armées : elle sacrifia à la France les intérêts de son coeur et de sa fortune ; c'était Mme de Châteauroux. Elle parla avec tant de force, elle exhorta, elle pressa si vivement le roi, que le voyage de Flandre fut résolu.

197 - L'original de cette lettre se trouve dans le Ms. fr. 12767 (anc. suppl. fr. 1134). Elle a été publiée, avec cinq autres lettres, en 1852, dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de France, p. 288-89. On a publié en 1806 2 vol. d'une Correspondance inédite de Mme de Châteauroux. Ce recueil est apocryphe.
198 - Nous nous éloignons complètement ici du jugement porté par M. Sainte-Beuve, qui déclare que rien n'est plus propre à faire connaître Louis XV au moral que les huit lettres de Mme de Tencin au duc de Richelieu et le fragment des Mém. de la duchesse de Brancas. Jamais, dit l'éminent critique, Louis XV n'a été plus jugé à fond et avec des sentiments de mépris plus clairvoyants et mieux motivés que dans ces lettres. (Causeries du lundi, t. II, p. 245 et 381.) Or Mme de Tendu écrit le 22 juin 1743, au moment même où la correspondance entre le roi et le maréchal de Noailles a le plus d'activité, alors que tous les contemporains attestent la part personnelle du roi au gouvernement : Il faudrait, je crois, écrire à Mme de la Tournelle, pour qu'elle essayât de tirer le roi de rengourdissement où il est sur les affaires publiques. Ce que mon frère a pu lui dire là-dessus a été inutile : c'est, comme il vous l'a mandé, parler aux rochers. Je ne conçois pas qu'un homme puisse vouloir être nul quand il peut être quelque chose... Ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder il n'est affecté de rien ; dans le conseil il est d'une indifférence absolue ; il souscrit à tout ce qui est présenté (p. 158 ; cf. p. 167-68). — On prétend que le roi évite même d'être instruit de ce qui se passe, et qu'il dit qu'il vaut mieux ne rien savoir que d'apprendre des choses désagréables (p. 160). — Et le 20 mars 1744 : Vous savez sans doute qu'il est question que le roi doit prendre ce printemps le commandement de son armée ; on dit que c'est l'ouvrage de Mme de Châteauroux... Vous devez bien penser que cela ne transpire pas... Voilà donc le voeu de mon frère exaucé, et j'ai peine à croire que Mme de Châteauroux n'en ait pas eu connaissance. Elle est enfin parvenue à donner une volonté au roi : ce n'est point un petit ouvrage, on doit lui en avoir obligation... On assure qu'elle a employé les plus grands moyens pour réussir (p. 155-56).

199 - Comment, en présence de cette lettre, peut-on accorder la moindre valeur au fragment de prétendus Mémoires de Mme de Brancas, réimprimés, comme un bijou historique et littéraire, par M. L. Lacour en 1865, et où on lit des passages comme ceux-ci ? Voyez, me dit le roi, comme elle (Mme de Châteauroux) me traite, et dites-lui ce que vous en pensez. Elle ne se mêle des affaires de personne ; cela n'est pas digne d'elle ; mais des ministres, du parlement de la paix, de la guerre, elle ne cesse de m'en parler (p. 224). Et plus loin : Vous ne serez donc pas étonné que Mme de Châteauroux ait déterminé le roi à se mettre à la tête de son armée et à faire la campagne de Flandre... Après cette campagne, Mme de Châteauroux ne fut même pas tentée de revenir à Versailles ; et le roi, subjugué par le caractère de Mme de Châteauroux, consentit à s'approcher de son armée d'Alsace et d'attendre à Metz qu'il fut possible d'entreprendre le siége de Fribourg (p. 225).
200 - D'Argenson, t. IV, p. 101.
201 - Barbier, t. III, p. 513.
202 - En revanche le roi se faisait suivre par son confesseur. J'ai encore oublié d'écrire que le P. Perusseau, confesseur du roi, est allé en Flandre ; le roi a voulu qu'il le suivît et qu'il arrivât presque en même temps que lui. (Mém. du duc de Luynes, t. V, p. 425.)

203 - D'Argenson fait à ce propos cette remarque : On prétend que c'est une tache à la gloire du roi que d'avoir fait venir (erreur) sa maîtresse à l'armée... Convenons que cela ne peut être estimé que suivant le préjugé. Quel sot préjugé que celui de combattre des plaisirs qui ne font de tort à personne ! (t. IV, p. 103-104.)
204 - Que l'on me donne des faits (contre Maurepas) et je serai bien forte, écrit-elle de Plaisance à Richelieu le 3 juin ; mais il faut que je sois présente, car c'est tout différent. Lettre publiée par MM. de Goncourt, Les maîtresses de Louis XV, t, I, p. 134, et provenant de la collection Leber à la bibliothèque de Rouen.)
205 - Lettre du 25 juin, l. c., p. 137-38.
206 - Journal de Barbier, t. III, p. 507 ; voyez aussi p. 521. Tout le monde convient que le roi a visité les travaux et s'est fort hasardé ; les bombes et les canons, qui n'allaient pas loin de lui, ne l'empêchaient pas de causer avec sang-froid. Il a visité lui-même l'hôpital du siège et les blessés.
207 - Idem, ibid., p. 518.
208 - Idem, ibid., p. 5.

209 - D'Argenson, t. IV, p. 103.
210 - Barbier parle de la mauvaise humeur que ce changement causait à certaines gens. T. III, p. 518.
211 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. II, p. 175.

212 - Lettre publiée par MM. de Goncourt, l. c., t. I, p. 148-51. Elle finit en disant : "Brûlez mes lettres". Heureusement pour l'histoire, Richelieu les a conservées.
213 - Lettre du 18.
214 - Les portraits que l'on a fait de la duchesse de Châteauroux sont de véritables portraits de fantaisie. Voir ce qu'en dit le duc de Luynes, qui la
montre paresseuse de corps et d'esprit (t. V, p. 97). Voir surtout les lettres publiées par MM. de Goncourt, d'après les mss. Leber, et celle qu'ils reproduisent d'après le catalogne de la collection Martin : Sûrement, Meuse vous aura mandé la peine que j'ai eue à faire déguerpir Mme de Mailly... Vous croyez peut-être que c'est une affaire unie ? Point du tout ; c'est qu'il est outré de douleur, et qu'il ne m'écrit pas une lettre qu'il ne m'en parle et qu'il me demande de la faire revenir, et qu'il ne rapprochera pas, mais qu'il me demande de la voir quelquefois... Comme il me conviendrait fort peu qu'elle fût ici, je compte tenir bon. Comme je n'ai pas pris d'engagement, dont je vous avoue que je me sais bon gré, il décidera entre elle et moi... Il vous a mandé que l'affaire était finie entre nous, car il me dit dans sa lettre de ce matin de vous détromper parce qu'il ne veut pas que vous en croyez plus qu'il y en a. Il est vrai que, quand il vous a écrit, il comptait que ce serait pour le soir ; mais j'ai apporté quelques difficultés à l'exécution, dont je ne me repens pas (t. I, p. 56-85). MM. de Concourt n'ont-ils pas bien raison de dire : Nul portrait qui vaille cette confession : c'est la femme elle-même, avec le cynisme et la légèreté de ses sécheresses, le sang-froid et l'impudeur de ses ingratitudes, de ses partis pris, de son esprit et de son coeur ?.

215 - On ne peut oublier ici les sentiments de résignation, de piété et d'humilité que le roi a marqués dans ces circonstances : détachement de la vie, ne souhaitant point que Dieu lui rendît la santé, souhaitant plutôt, si c'était sa volonté, qu'il le retirât de ce monde pour que ses peuples fussent mieux gouvernés. (Mém. du duc de Luynes, t. VI, p. 46.)
216 - Louis XV, p. 231.
217 - Le maréchal avait laissé échapper le prince Charles et son armée.
218 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, t. II, p. 181. L'influence de Noailles n'était plus sans rivales. On avait remarqué la froideur avec laquelle le roi l'avait accueilli à Metz. A son retour à Paris, il nomme le marquis d'Argenson ministre des affaires étrangères. C'était une autre direction qui se substituait à celle du maréchal.

219 - Lettres provenant de la collection Leber, dans MM. de Goncourt, t. I, p. 156-57.
220 - Lettre du 13 septembre, ibid., p. 158-56.
221 - Voir les Mém. du duc de Luynes, t. VI, p. 145. Cf., p. 154, ce que dit Luynes sur les démonstrations inaccoutumées du roi a l'égard de la reine.

222 Mémoires du duc de Luynes, t. VI, p. 266.

223 - C'est ce que constatent également le duc de Luynes (t. VI, p. 184) et Barbier (t. III, p. 571).
224 - Il avait remplacé en mai 1743 le père de Liniéres. Voir le duc de Luynes t. V, p. 11.
225 - Mémoires du duc de Luynes, t. VI, p. 193.
226 - Le peu de goût et de considération que l'on connaît au roi pour la reine..., a écrit le duc de Luynes en avril 1745 (t. VI, p. 425).
227 - Voir le duc de Luynes, t. VI, p. 194 et 261.
228 - Voir le duc de Luynes, t. VI, p. 189, 296, 336,341, 350, 369, 373, 377, 382. Le roi paraît avoir plus de goût que jamais pour les bals masqués, dit-il (p. 341) ; avant hier au soir il alla à celui de Versailles, dans la ville, qu'on appelle le bal d'un écu.
229 - Journal de Barbier, t. III, p. 571. Le roi a une maîtresse, mais qui n'en n'a pas ? n'écrit-il quelques années plus tard (t. IV, p. 496).
230 - Mémoires du duc de Luynes, t. VI, p. 354.

231 - Mémoires du duc de Luynes, p. 423.
232 - Id., ibid., p. 303.
233 - Id., ibid., p, 407.
234 - Dans une lettre au maréchal de Richelieu, datée du 4 octobre 1744, le roi s'exprimait noblement en ces termes : Ce qui me déplaît le plus de l'envie de la paix, c'est d'être au point qu'elle est chez nous et chez tous nos officiers, lesquels ne devraient respirer qu'après la guerre. Cela me fait mourir de chagrin. Catalogue d'autographes provenant du cabinet de M. A. Martin (1842), n° 168.
235 - Mémoires du duc de Luynes, t. VI, p, 374.
236 - Le dauphin était alors dans sa seizième année. Dès l'année précédente, il avait sollicité du roi la faveur de le suivre à l'armée ; le roi lui répondit en ces termes (6 mai 1744) : Je loue le désir que vous avez marqué de me suivre à la tête de mes armées ; mais votre personne est trop chère a l'État pour oser l'exposer avant que la succession et la couronne soit assurée par votre mariage. Quand vous aurez des enfants, je vous promets que je ne ferai jamais de voyage à la guerre sans vous mener avec moi ; mais je souhaite et j'espère n'être jamais dans le cas de vous tenir cette parole. Comme je ne fais la guerre que pour assurer à mon peuple une paix solide et durable, si Dieu bénit mes bonnes intentions, je sacrifierai tout pour lui procurer cet avantage tout le reste de mon règne. Il est bon que vous entriez de bonne heure dans ces sentiments et que vous vous accoutumiez à vous regarder comme le père plutôt que comme le maître des peuples qui doivent être un jour vos sujets. Mémoires historiques et militaires du maréchal de Noailles, t. VI, p. 361.
237 - Cette lettre se trouve dans les Pièces de la Vie privée de Louis XV (par Mouffle d'Angerville, t. II, p. 321-24).

238 - Voir en particulier les Mémoires du duc de Luynes, t. III, p. 442, le Journal de Barbier, t. IV, p. 37, la Vie privée de Louis XV, t. II, p. 216-22, et les relations rapportées par Luynes, l. c., p. 444 et 447.
239 - On ne connaissait que la lettre du dauphin à sa femme, donnée dans la Vie privée de Louis XV.
240 - Lettre reproduite, d'après l'autographe, par les éditeurs des Mémoires du duc de Luynes, t, VI, p. 441, note 3. Elle avait déjà été publiée, en 1849, dans le Bulletin du Comité historique, t. I, p. 287-88.
241 - Cité par M. Saint-René Taillandier, Maurice de Saxe, p. 261-62. Cf. une autre lettre, tirée des archives du ministère de la guerre, et publiée par MM. Dussieux et Soulié, Appendices de l'année 1745, t. VI, p. 178-80. — Le passage cité par l'auteur de Maurice de Saxe se retrouve dans une lettre au contrôleur général, publiée par les éditeurs du duc de Luynes, t. VII, p. 181-84.
242 - Voir le duc de Luynes, t. VI, p. 478 et 486, t, VI, p. 31.
243 - Voir Luynes, t. VII, p. 53, et Barbier, t. IV, p. 78-79. Tout le monde convient, dit Barbier (p. 83), que la campagne du Roi est la plus belle qui ait jamais été faite par aucun roi de France. Et le président Hénault, dans ses Mémoires (p. 24) s'exprime ainsi : Quelle place tiendront dans ce règne les campagnes triomphantes de la guerre de 1740, les seules de la vie du Roi, et où l'envie peut seule lui refuser d'avoir eu la plus grande part !.

244 - Croyez-vous, répondit le roi avec vivacité au prince de Dombes, que je m'en irois s'il y avoit encore quelque chose à faire ? Mém. de Luynes, t. VII, p. 49.
245 - Pour cette année, il n'y a ni princesses, ni aucune femme avec le roi. Journal de Barbier, t. IV, p. 39. Lacretelle, qu'on a suivi avec tant de confiance, écrit (t. II, p. 316) que Mme d'Étioles accompagna le roi.
246 - Luynes, t. VI, p. 492, et t. VII, p. 5. Le roi lui écrivait chaque jour une ou plusieurs lettres, et au commencement de juillet, elle en avait reçu plus de quatre-vingt, déjà adressées à la marquise de Pompadour, avec la devise : Discret et fidèle.
247 - Le roi était revenu le 8.
248 - Mém. de Luynes, t. VI, p. 93. - Il est vrai que bien des gens professaient alors l'opinion de Barbier, qui écrivait : Il suffit que le roi soit attaché à une femme telle qu'elle soit, pour qu'elle devienne respectable à tous ses sujets (t. IV, p. 367). Mais cela n'empêchait pas la guerre de chansons et d'épigrammes.
249 - Mémoires de Luynes, t. VII, p. 110.

250 - Voir le duc de Luynes, t. VII, pages 63, 125, 129-130, 210, 431, 439, 463-64 ; t. VIII, p. 20,145.
251 - Idem, t. VII, p. 126. Mme de Pompadour ne laissait pas, de son coté, échapper une occasion de faire sa cour à la reine, et de lui donner des marques de respect. Voir pages 223, 228, 264, 267, 303, 430, etc.
252 - Id., ibid., p. 188. Il est vrai que la tabatière d'or émaillée donnée à la reine, était primitivement destinée à la mère Poisson, morte le 24 décembre (voir Luynes, p. 202). Le compilateur des Mémoires du comte de Maurepas dit, avec son exactitude habituelle, que le 1er janvier 1746 le roi donna une tabatière d'or à la mère de Mme de Pompadour, et que la reine en fut mortifiée (t. IV, pages 255 et suiv.).
253 - La reine avait beaucoup pleuré pendant le grand couvert ; elle marqua beaucoup d'amitié au roi avant son départ ; elle lui baisa la main plusieurs fois. Le roi l'embrassa en trois occasions différentes. Mémoires de Luynes, t. VII, p. 299.
254 - M. Michelet, Louis XV, p. 255.
255 - 10 janvier 1747.
256 - Le marquis d'Argenson, Mémoires de son ministère, t. IV, p. 179.

257 - Mémoires de Luynes, t. VII, pages 199, 241, 242, 253, 263, 292.
258 - Mémoires de Luynes, t. VII, p. 310. - S'il en faut croire Soulavie (Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI), Mme de Pompadour finit par ôter de la bibliothèque du roi les sermons de Bourdaloue et de Massillon. Mais elle ne triompha pas des scrupules de Louis XV, qui lui disait sans cesse : Je me fais une fausse conscience (t. I, p. 177).
259 - Mémoires de Luynes, t. VII, p. 341, 367.377.
260 - Idem, t. VIII, p. 257.
261 - Idem, ibid., p. 297. — La France revenait à ses jours de gloire, dit un historien peu suspect (M. Th. Lavallée, Histoire des Français, 11° édition, t, III, p. 484).
262 - M. Théophile Lavallée, Les frontières de la France, p. 106. — Quant au partage, dit d'Argenson dans les Mémoires de son ministère, il était ménagé avec une générosité et une prévoyance admirable. Je le vanterai avec d'autant plus de plaisir que c'est l'ouvrage entier du roi, et c'est peut-être le seul ouvrage de son règne qui soit bien à lui. Le roi est bon géographe ; il a présent à l'esprit toutes les positions topographiques : il trouve plutôt sur une carte le point demandé qu'aucun de ceux avec qui il travaille ; il a l'esprit naturellement juste, il ne s'agit que de le faire sortir de l'assoupissement, de l'indécision et de la timidité (t. IV, p. 285).

263 - Correspondance secrète inédite de Louis XV, publiée par M. Boutaric, t. II, p. 355, 104.
264 - Journal et mémoires du marquis d'Argenson, t. IV, p 254.
265 - Id., ibid., p. 253. — Je ne l'ai jamais vu si grand que quand il écouta le rapport que M. Champeaux lui fit à Choisy, dit encore dArgenson (p. 255) il ordonnait en maître, il discutait en ministre. Et en note : Audience de Champeaux à Choisy. Son étonnement, sa stupéfaction de tout ce que le roi dit, avec intelligence, éloquence et dignité.

266 - Mémoire envoyé par le comte de Broglie à Louis XVI le 9 juin 1774. Correspondance secrète inédite de Louis XV sur la politique étrangère, t. II, p. 404-405. Comparer avec le mémoire du maréchal de Noailles, en date du 10 février 1744, Correspondance de Louis XV et du maréchal, t. II, p. 77, 95 et 102.
267 - M. Henri Martin, t. XV, p. 292, 301. Cf. - Luynes (t. VIII, p. 80) : Tout le monde convient qu'il a de très bonnes intentions et qu'il veut le bien ; mais malheureusement il manque des talents nécessaires pour y parvenir ; et Barbier (t. IV, p. 214) : On dit généralement que les affaires dont était chargé M. le marquis d'Argenson lui étaient véritablement étrangères, et qu'il n'y entendait rien.
268 - Expressions du maréchal de Noailles dans un mémoire au roi, en date du 15 décembre 1746. Correspondance, etc., t. II, p. 271.
269 - Voir ce que dit Luynes en novembre 1745, t. VII, p. 124
270 - Voyages de Choisy, ms. fr. 14436. Cf. Luynes, t. VII, p. 290.
271 - Mém. de Luynes, t. VII, p. 389, 391-392, 402 ; ms. fr. 14436.
272 - Voir t. IV, p. 408-4O9, et t. V, p. 48-52.
273 - T. V, p. 57.

274 - T. VIII, p 13.
275 - Flassan, Histoire de la diplomatie française, t. V, p. 168.
276 - Expressions dont se servit le comte de Saint-Séverin à Aix-la-Chapelle. Voltaire, Précis du siècle de Louis XV, ch. XXX.
277 - Voir le mémoire du comte de Broglie déjà cité, Correspondance secrète inédite, t. II, p 405.
278 - Voltaire, Précis du siècle de Louis XV, chap. XXX. — Le roi écrivait après la victoire de Lawfeld (2 juillet 1747) : Quelques suites favorables que je doive me promettre d'une journée si glorieuse pour nos armes, le fruit le plus agréable que je puisse en recueillir sera de disposer mes ennemis à écouter enfin la voix de la justice et de la paix, et d'assurer par ce moyen la tranquillité de mes sujets. Lettre à l'archevêque de Paris, donnée par les éditeurs du duc de Luynes, t. VIII, p. 408-409.