
Journal du marquis
de Dangeau, publié par MM. Soulié et Dussieux. Paris, F. Didot,
1854-60, 19 vol. in-8°. — Journal de la Régence, par Jean
Buvat, publié par M. Em. Campardon. Paris, H. Plon, 1865, 2 vol. in-8°.
- Journal et Mémoires de Matthieu Marais, publiés par M.
de Lescure. Paris, Didot, 1863-64, 3 vol. in-8°. — Chronique de la
Régence et du règne de Louis XV, ou Journal de Barbier, Paris,
Carpentier, 1857, 8 vol. gr. in-18. — Mémoires du duc de Luynes
sur la cour de Louis XV, publiés par MM. Dussieux et Soulié,
Paris, F. Didot, 1860-65, 17 vol. in-8°. — Journal et Mémoires du
marquis d'Argenson, publiés (pour la Société de l'Histoire de
France) par M. E.-J.-B. Rathery. Paris, 1859-1867, 9 vol. in-8°. —
Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles,
publiée par M. Cam. Rousset. Paris, P. Dupont, 1865, 2 vol. in-8°. —
Correspondance secrète inédite de Louis XV sur la politique étrangère,
publiée par M. E. Boutaric, Paris, H. Plon, 1866, 2 vol. in-8°. —
Histoire du règne de Louis XV, par M. A. Jobez, Paris, Didier,
1863-6, t. I à III. — Histoire de France au XVIIIe siècle : la
Régence, Louis XV, par M. Michelet, Paris, Chaumerot, 1863-66. 2
vol. in-8°.
Louis XV est un personnage
indéfinissable, a écrit le
marquis d'Argenson, et le duc de Luynes l'a qualifié d'impénétrable.
Si les contemporains de ce roi en parlaient de la sorte, qu'ont pu en
dire les historiens qui, plus tard, essayèrent de fixer les traits d'une
figure mobile, insaisissable, où les contradictions abondent ? Sur
quelles données ont-ils travaillé ? Quels ont été leurs guides en
retraçant l'histoire d'un règne aussi stérile
en mémoires originaux que fécond en libelles scandaleux,
comme le remarquait Lacretelle jeune en 1820
01 ? Plus heureux que nos
devanciers, nous sommes riches en documents du temps : Dangeau, Buvat,
Marais, Barbier, le duc de Luynes, le marquis d'Argenson, le président
Hénault, voici de nombreux témoins dont nous pouvons recueillir les
dépositions. Qu'on y joigne les correspondances du temps, les lettres de
Louis XV au maréchal de Noailles, sa correspondance secrète, publiée en
partie par M. Boutaric, et nous aurons là des sources d'informations qui
permettront d'éclaircir plus d'un point douteux, et de jeter la lumière
sur des faits ignorés ou peu connus.
Cette étude du caractère de Louis XV, à laquelle nous convient tant de
documents entrés pour la première fois dans le domaine public, nous ne
l'entreprenons pas sans une certaine tristesse. Le temps, le règne, le
roi, son entourage, tout exhale une odeur de décadence et de ruine. Tout
s'abaisse, tout s'avilit ; les caractères s'effacent, les moeurs se
corrompent. En présence de tant de faiblesses, de désordres et de
turpitudes, on voudrait pouvoir détourner ses regards. Louis XV écrivait
au maréchal de Noailles : Ce siècle n'est pas
fécond en grands hommes. Encore si la stérilité n'avait porté
que sur la grandeur ! Mais l'honnêteté, mais la droiture, mais la
noblesse des sentiments, l'énergie des caractères ! La monarchie abdique
et se dégrade ; le sol tremble sous ses pas, et l'on sent déjà monter le
flot des passions révolutionnaires
02. — Renfermons-nous dans notre
sujet. Sans séparer Louis XV de son temps et du milieu où il a vécu,
cherchons ce qu'il a été, suivons-le dans les transformations qu'il a
subies, à travers les phases presque toujours tristes, parfois
honteuses, qui nous conduiront au terme de sa carrière. Nous laisserons
autant que possible la parole aux contemporains ; nous demanderons à
ceux qui sont le plus dignes de confiance, par la sincérité et la sûreté
des informations, de nous faire connaître Louis XV ; nous interrogerons,
quand nous le pourrons, le roi lui-même ; en un mot, nous ne négligerons
aucune source de renseignements pour que le portrait soit aussi complet
que fidèle.
I
Louis XV était né à Versailles, le 15 février 1710. En énumérant quelque
part les bonheurs du roi, le marquis d'Argenson mentionne celui de sa
naissance : la mort, en effet, en multipliant ses ravages autour de
Louis XIV, ne lui laissa pour successeur que ce débile enfant, pour les
jours duquel la France trembla longtemps
03. C'était le seul espoir de la
monarchie ; que n'aurait-on pas dû faire pour le rendre digne de
l'attente du pays !
On a peint le jeune enfant sous de sombres couleurs. Les récits de
Lemontey, complaisamment reproduits, nous ont montré, dès les premiers
jours, un Louis XV triste, morne, farouche, sauvage même ; les personnes
qui ont présidé à son éducation ont été systématiquement dénigrées.
S'il eut profité de cette éducation,
a-t-on dit, il serait devenu un monstre.
On a insisté sur la stérilité de son caractère, sur sa mollesse, son
insensibilité, son égoïsme ; on l'a montré entouré de
la débauche la plus déhontée
04. — Il y a dans
tout cela beaucoup d'exagération et de parti pris. Nous ne ferons que
réunir en passant quelques traits : ils suffiront pour rétablir les
choses sous leur aspect véritable.
Mme de Ventadour, dans ses lettres à Mme de Maintenon, entre dans des
détails circonstanciés sur le jeune prince. Il
croit fort, écrit-elle le 28 septembre 1714
; très joli tout seul ; devant le monde,
sérieux. Je veux l'accoutumer à parler, mais on y a bien de la peine ;
il est question qu'il vive
05. Et en novembre 1714 :
Ce prince-là promet de corps et d'esprit tout
ce qu'on peut désirer
06.
La duchesse d'Orléans, à la même époque, trace le portrait suivant :
Le petit Dauphin a mauvaise mine lorsque les dents
lui font mal, mais lorsqu'il se trouve bien, c'est un bel enfant. Il a
de grands yeux très noirs, le visage rond, une jolie petite bouche qu'il
tient cependant un peu trop souvent ouverte, un nez si bien fait qu'il
serait difficile d'imaginer mieux, de jolies jambes ainsi que les
pieds... Notre Dauphin comprend déjà les cartes de géographie aussi bien
que le ferait un homme 07.
De la grâce, de l'esprit, de la mémoire, une raison précoce, une grande
vivacité, voilà ce que les témoins les plus sûrs nous montrent, dès le
premier âge, chez le royal enfant
08. Mais les ménagements excessifs
qu'imposait sa santé, firent trop négliger les devoirs de l'éducation.
Notre capital est de vivre et de prendre peu à
peu de bons sentiments, écrivait Mme de Ventadour
09. Chacun répétait,
et Mme de Maintenon la première : Il ne faut
songer qu'à sa santé et à le divertir, et encore en enfant, car les
grands plaisirs rattachent
10. Aussi non seulement les leçons
furent un peu négligées 11,
mais les défauts grandirent sans qu'on s'appliquât assez à les
combattre. La duchesse d'Orléans en conclut que Louis XV était un enfant
mal élevé. Ce qui est certain, c'est que, malgré les soins et les
efforts de la duchesse de Ventadour
12, l'enfant était malicieux,
volontaire, emporté et d'une opiniâtreté
épouvantable, comme l'écrivait Mme de Caylus à sa tante
13.
On ne parle que du mauvais visage du roi, et de
sa mauvaise humeur, lisons-nous dans une lettre de Mme de
Maintenon à Mme de Ventadour. Une lettre de celle-ci montre bien les
contrastes que présentait déjà cette nature d'enfant :
Je ne puis, madame, vous parler de moi ; il est
miraculeux que je résiste à la douleur et à la peine. Onze mois sont
encore bien longs ; mais quelque dégoût que j'aie, je suis utile à mon
roi, et tous mes devoirs sont renfermés dans ces mots. Il écrit à
merveille ; mais c'est un enfant qu'il faut ménager, car naturellement
il n'est pas gai, et les grands plaisirs lui seront nuisibles parce
qu'ils l'appliqueront trop. On voudrait exiger de lui qu'il représentât
toujours avec la même égalité d'humeur. Vous savez, madame, combien
cette contrainte est malsaine à tout âge. Vous vous moquerez de moi si
je vous dis qu'il a des vapeurs ; rien n'est pourtant plus vrai, et il
en a eu au berceau. De là ces airs tristes et ces besoins d'être
réveillé. On en fait tout ce qu'on veut, pourvu qu'on lui parle sans
humeur 14.
Mme de Ventadour remit, à sept ans, le jeune roi aux mains du maréchal
de Villeroy. Des difficultés s'étaient élevées entre le gouverneur et la
gouvernante. Villeroy voulait forcer le naturel du roi ; Mme de
Ventadour avait pour principe de le ménager, et
d'y aller doucement pour le bien du corps et de l'esprit.
Le système du maréchal prévalut : il contribua à augmenter chez Louis XV
la disposition à la taciturnité et l'éloignement pour l'appareil de la
royauté 15. L'enfant
s'arracha avec larmes des bras de Mme de Ventadour
16. S'il trouva dans Villeroy un
gouverneur exigeant, jaloux et parfois peu éclairé, il eut dans son
précepteur Fleury, dans l'abbé Fleury, son confesseur jusqu'en 1722,
dans l'abbé Vittement, son sous précepteur
17, des guides sûrs, intelligents et
affectueux. Tandis que Villeroy, qui voyait dans le roi
le plus charmant et le plus aimable enfant du
monde 18,
ne songeait qu'à lui inspirer des sentiments de hauteur et de vanité, à
lui donner l'amour du faste, de la représentation et des divertissements
19, l'évêque de
Fréjus développait en lui d'heureux instincts, des principes de foi et
de piété 20,
l'habitude de l'économie, et travaillait sérieusement à son instruction.
On a dit que Fleury s'occupait plutôt de divertir Louis XV que de former
son esprit ; on a même prétendu qu'un volume de Quinte-Curce resta
ouvert pendant six mois à la même page, et
qu'au lieu de travailler, le bonhomme apportait des cartes au roi pour
le divertir par des tours de carte
21. Ce sont là des assertions
démenties par les faits 22,
et en particulier par l'existence de volumes entiers remplis des devoirs
du roi, corrigés souvent de la main de Fleury
23. Ces volumes peuvent même nous
servir à connaître les principes qui présidèrent à l'éducation de Louis
XV. On donnait à traduire au jeune roi, alors âgé de sept ans, des
maximes appropriées aux circonstances : Ô
Français, lit-on dans un des devoirs, dont le texte et la
traduction sont de la main du roi, aiés bon
courage, car quoique notre Roy soit un jeune enfant, il n'est pas
pourtant cet enfant que Dieu dans sa colère a établi sur son peuple pour
punir ses pechez, mais au contraire celui que Dieu, dans sa miséricorde,
envoie pour rappeler le siècle d'or. —
Ô sujets, priés Dieu que je ne me serve jamais de ma puissance, si ce
n'est que pour le bien public ! —
Quoique le Roy ait souvent promis qu'il modereroit sa colère, elle le
domine pourtant si fort qu'elle le porte quelquefois à frapper même ceux
qu'il aime, comme lui estant le plus attachés et qui le servent le mieux
24.
A cette époque, le roi s'appliquait tous les
jours à l'écriture, au latin et à l'histoire, et trois fois la semaine
au dessin, aux mathématiques et à la danse, et faisait des progrès
prodigieux dans tous ces exercices
25. Il raisonnait
de manière que les savants en étaient surpris
26. Malgré les
courses à la volerie de Vincennes, les ballets et les comédies qui
commencent en 1718 ; malgré les revues
27, les chasses aux lapins, les
voyages à la Muette qui se multiplient en 1719 et qui plaisaient tant au
jeune roi 28, les
heures d'étude étaient toujours respectées. Le
roi alla dîner à la Muette, écrit Dangeau à la date du 1er
mars 1720, et en revint à cinq heures pour être
à son étude, car il n'y manque jamais, et étudie tous les jours le matin
et l'après dîné, et même les fêtes et dimanches
29.
Le 18 février 1720, Louis XV parut pour la première fois au conseil de
régence. Il voulut y rester jusqu'à la fin, et y assista assez souvent,
mais selon Saint-Simon, sans remuer ni parler
30. Il s'amusait
parfois avec un jeune chat, que le caustique auteur des Mémoires appelle
quelque part son collègue 31.
Quoique Villars nous dise à cette époque que le jeune roi
montrait beaucoup d'esprit, de pénétration et
de vivacité 32,
il est constant qu'il était le plus souvent silencieux et taciturne. On
pouvait à peine lui arracher une parole quand on le sortait de son
entourage intime. Il avait de l'humeur,
dit encore le maréchal de Villars qui, en louant Fleury, reproche à
Villeroy de manquer de fermeté et de ne pas corriger assez sévèrement le
roi de plusieurs défauts. C'est bien à son gouverneur que Louis XV doit
ce caractère glorieux et timide dont
parle Saint-Simon 33,
et son aversion pour tout ce qui était représentation, spectacles ou
fêtes.
Frivolité, hauteur, égoïsme, insouciance, taciturnité, tels furent les
fruits de cette seconde éducation que dirigea, de sept à douze ans, le
maréchal de Villeroy 34.
Jaloux de son autorité, gonflé de son importance, Villeroy veillait avec
une sollicitude inquiète sur le jeune roi il ne permettait pas qu'on
rapprochât de trop près 35
; il l'entretenait, s'il faut en croire Saint-Simon, dans de
perpétuelles craintes d'empoisonnement. Il comprimait son intelligence
et ses facultés, ne faisait que flatter sa vanité et lâcher la bride à
ses caprices 36. Le
régent, qui paraît avoir eu pour Louis XV une véritable affection et qui
voulut s'occuper lui-même de son instruction
37, se fatigua enfin des minuties et des
puérilités du gouverneur, et le chassa en août 1722.
II
Quand le tzar Pierre était venu en France en 1717,
il avait été enchanté de la beauté et des manières du jeune roi. Les
contemporains sont unanimes à vanter son charme irrésistible à cette
époque 38. On
admirait la grâce avec laquelle il dansait, montait à cheval et passait
les revues 39. Le
culte que la France avait voué au seul héritier de la monarchie de Louis
XIV, cuite encore ravivé par les alarmes de la maladie soudaine de 1721,
n'était pas près de s'éteindre
40. Les auteurs du temps ne tarissent pas sur la séduction
exercée alors par Louis XV:
Le roi, dit le marquis d'Argenson, était d'une
figure charmante alors. On se souviendra longtemps qu'il ressemblait à
l'Amour à son sacre à Reims le matin, avec son habit long et sa toque
d'argent, habit de néophyte ou de roi candidat
41. Je n'ai
jamais rien vu de plus attendrissant que sa figure alors ; les yeux en
devenaient humides de tendresse pour ce pauvre petit prince, échappé à
tant de dangers en jeunesse
42.
L'avocat Barbier dit de son côté:
Je vis hier, 3 du mois (septembre 1722), notre
Roi, qui se porte bien, a un bon et beau visage, et n'a point la
physionomie de ce qu'on dit de lui : morne, indifférent et bête. Je le
vis se promener à pied dans les jardins, son chapeau sous le bras,
quoiqu'il fit vent et froid. Il a une très belle tête. Cela fera un beau
prince et de bon air 43.
Morne, indifférent et bête, est-ce
là le bruit public, ou seulement une rumeur répandue par la
malveillance jalouse ou l'hostilité systématique ?
44 Si nous interrogeons à ce moment
les contemporains, ils nous montrent ce roi de douze ans peu avancé pour
son âge 45, adonné à
des plaisirs bizarres ou puérils
46, digne en un mot de l'épithète de
grand enfant. Mais pourtant, des
occupations plus viriles ont commencé : l'équitation, le tir, la chasse
47 ; la chasse
seul plaisir qu'il aimât
48, et qui devait
tenir une si grande place dans cette existence désoeuvrée ! Le jeu va
venir à son tour 49,
puis la table 50. En
1722, on voit le roi encore adonné aux travaux de l'esprit ; il vient
d'apprendre le blason, il s'intéresse à l'astronomie
51 ; mais bientôt, plus d'études,
plus de vie intellectuelle 52
: la vie physique prédomine, et la précocité corporelle est attestée par
les écrits du temps 53.
— Indifférent, Louis XV ne l'est pas au fond ; mais il y a chez lui le
germe de cette sotte manie, dont parlera plus tard d'Argenson, de faire
des tours aux gens de son entourage, de s'amuser méchamment aux dépens
d'autrui 54. Et
pourtant son coeur est bon : il pleure au départ de Villeroy, et montra
un violent désespoir de la retraite momentanée de Fleury
55. On
commence à bien penser de son coeur et de sa sensibilité,
écrit Marais 56. Les
qualités de son esprit sont toujours vantées par les contemporains, qui
célèbrent sa vivacité et enregistrent ses réparties
57 ; mais en même temps la
disposition à la taciturnité subsiste : Il
cherche à éviter le monde qu'il n'aime point, lit-on dans le Journal de
Marais ; il craint, et veut être presque seul
58.
Il fut question de bonne heure du mariage du roi. Dès 1721, le régent
avait résolu de trancher la question. Saint-Simon a raconté avec sa
vivacité et son charme habituels cette scène curieuse où le jeune
prince, que les surprises effarouchaient,
apprit tout d'un coup qu'il était fiancé à l'infante d'Espagne.
Le maréchal de Villeroy, secouant sa perruque
tout à son ordinaire : "Allons, mon maître, disait-il, il faut faire la
chose de bonne grâce". Mais Louis XV, les yeux pleins de larmes,
ne se décida qu'avec peine à se rendre au Conseil pour y prononcer un
oui sec, en assez basse note
59. L'Infante vint en France ; elle
avait sept ans de moins que le roi, ce qui donna occasion au jeune
prince de dire à quelqu'un qui venait lui faire part de son mariage :
je suis plus avancé que vous : j'ai une femme
et même un enfant 60.
On voit qu'il s'était consolé de cette perspective de managé. On voulut
l'en distraire encore davantage : un réseau d'intrigues enveloppa le
roi, dans le but de corrompre ses moeurs
61, Soulavie a dit, dans un ouvrage
où quelques renseignements dignes de foi sont mêlés à beaucoup de
mensonges et d'erreurs, que l'enfance de Louis XV s'était passée
dans un grand recueillement
62. Le jeune roi
avait en effet une piété sincère et profonde ; on l'avait vu faire
arrêter son carrosse pour se mettre à genoux devant le saint Sacrement
63. La duchesse
d'Orléans, — comme plus tard Mme de Mailly et Mme de Pompadour — se
moquait des terreurs de l'enfant au sujet de l'enfer et de son horreur
pour le jansénisme 64.
On voulut arracher Louis XV à l'influence de Fleury, et s'attaquer à
cette innocence qui n'avait encore reçu aucune atteinte. Nous n'avons
point à entrer ici dans le détail de ces intrigues honteuses. Qu'il nous
suffise de dire que les femmes de la cour échouèrent, comme les jeunes
débauchés qui avaient voulu corrompre le roi
65. Louis XV resta pur au milieu des
entraînements et des séductions jusqu'à son mariage, jusqu'au moment où
il eut une femme et non plus un enfant, il resta le prince
qui faisait chasser la maîtresse d'un de ses valets
66, gardait une sage réserve dans
ses paroles 67, et
fuyait le monde et les femmes 68.
Le Régent mourut le 2 décembre 1723. Le duc de Bourbon devint premier
ministre, et occupa ce poste jusqu'au 11 juin 1726. Cette période de
deux ans et demi fut fatale à Louis XV. Dès janvier 1721, Marais disait,
en parlant d'une maladie du Régent : On est
obligé de prier pour sa conservation, car ce qui le suit ne le vaut pas,
et le public craint de tomber aux mains de M. le duc, qui ne connoît
point de lois et qui n'a jamais rien su que la chasse
69. M. le duc, qui
apprenait au roi, à l'âge de douze ans, à jarreter un lapin sans
couteau 70, ne
contribua pas peu à développer en lui les goûts frivoles, l'amour
effréné de la chasse, la passion du jeu et de la table. Ce fut ce prince
qui fit renvoyer l'infante, et, presque en même temps, conclut le
mariage avec Marie Leszcinska 71,
que Louis XV épousa le 5 septembre 1725.
Cette princesse avait près de sept ans de plus que son mari. Elle
n'avait ni grandeur ni beauté, mais un air de bonté et de douceur. Le
roi, en cette circonstance, sortit de sa timidité et de sa réserve
habituelles 72 ; il
parut content de la reine, mais jamais il ne subit son influence, jamais
il ne ressentit pour elle de tendresse véritable et ne répondit à la
passion qu'il lui inspira 73.
Il continua à se livrer à la chasse avec fureur, jusqu'à s'en rendre
malade : la chasse, les soupers et le jeu
74, voilà, pour plusieurs années,
toute la vie du jeune roi. Régulier d'ailleurs dans sa conduite,
suffisamment empressé à l'égard de la reine
75, par nature plus que par
sympathie, il montrait, comme le remarque Barbier
76, qu'il
s'en fallait bien que chez lui l'esprit fût aussi formé que le corps.
Et cependant ce goût de la chasse, il ne faudrait pas le prendre pour
une passion : Barbier est dans le vrai quand il nous dit que cette
seule occupation de Louis XV n'était
qu'un prétexte pour être en mouvement
77. D'Argenson nous
parlera plus tard de cette volubilité de
mouvement qui fut un besoin de toute sa vie. Le principal
était pour le roi de sortir de lui-même, de s'arracher à ce mortel ennui
qui déjà commençait à le dévorer. |

Portrait de
la reine par Maurice-Quentin de la Tour (pastel) |
Un événement important de cette période de la vie de Louis XV fut le
renvoi de M. le duc (11 juin 1726). Les contemporains vantent
la prudence et le secret admirables
dont le Roi fit preuve dans cette circonstance. Nous reconnaissons
plutôt ici une dissimulation qui était un des traits de son caractère,
et une dureté dont il donna des marques plus d'une fois, bien qu'au fond
il eût le coeur bon et sensible
78 ; nous verrons souvent de semblables contrastes. Fleury
fut l'auteur de cette disgrâce, d'ailleurs bien méritée ; ce fut lui qui
remit à la reine, trop inclinée vers le prince auquel elle devait son
élévation, ce billet sec et dur, que le vieux précepteur avait dicté à
son docile élève :
Je vous prie, madame, et s'il le faut je vous
l'ordonne, de faire tout ce que l'évêque de Fréjus vous dira de ma part,
comme si c'était moi-même
79.
Voilà donc l'influence de Fleury désormais absolue et sans rivale.
Fleury commande, Fleury domine : c'est le maire du palais, et Louis XV
passe à l'état de roi fainéant. Le vieux précepteur condamne son élève à
une longue enfance et à une inaction stérile : cette date est importante
dans la vie de Louis XV. A seize ans, il pouvait encore devenir un homme
; quand plus tard, à trente ans, retrouvant son initiative, il dira :
Me voici premier ministre, le
pourra-t-il ? Le pli sera définitivement pris, les mauvaises habitudes
seront contractées d'une façon irrémédiable toute sa vie, le roi portera
la trace de ce joug prolongé et funeste.
Malgré le vice de sa première éducation, le jeune prince annonçait
parfois d'heureuses dispositions. Quoique ce fussent de faibles lueurs,
des étincelles jaillissant par intervalles, il n'aurait peut-être pas
été impossible d'allumer le foyer et de l'entretenir. On voit par la
correspondance du marquis de Silly avec le duc de Richelieu, alors
ambassadeur à Berlin, que, dès le commencement de 1726, le caractère de
Louis XV se développait 80.
Le 25 mai, Richelieu répondait à Silly, qui lui disait que Louis
croissait à vue d'oeil, et que sa figure et son maintien devenaient plus
aimables chaque jour : Je suis charmé que le
roi croisse ; je n'ai jamais douté de son esprit, mais seulement du
temps de son développement
81. Le marquis de Silly, qui
trouvait le roi sérieux et trop méditatif pour
son âge 82,
annonce, peu de temps après, qu'il a travaille
avec ses ministres avec attention, avec curiosité et avec esprit,
principalement sur les affaires étrangères —
Je crois savoir, ajoute-t-il, qu'il veut
être le maître. Ce n'est pas d'aujourd'hui, continue
Silly, que je vous ai mandé mon opinion sur lui
et sur son caractère ; la manière dont il commence à se développer
fortifie l'idée que j'ai toujours eue
83.
Il aurait fallu encourager ces bonnes dispositions, faire ce que le
vieux maréchal de Villars tenta plus d'une fois dans les
rares occasions où il pouvait parler
au Roi 84 : lui tenir
des discours convenables sur les bons principes
85. Un accident à la
chasse ayant, en 1727, retenu le Roi au lit, Villars passa souvent des
jours entiers à son chevet : Il m'écoutoit,
dit-il, avec plaisir, et s'informoit des
désordres arrivés dans le gouvernement pendant sa minorité
86. — Au lieu de
cela, la vie se passait dans des voyages incessants et dans de frivoles
distractions : Le goût où est le Roi de vivre
en liberté, écrit à ce propos Silly,
et avec un nombre de gens qu'il est plus accoutumé à voir que d'autres,
la chasse, et peut-être l'éloignement du travail, sont, je crois, les
vrais motifs de ses voyages
87.
Du reste, toujours la même régularité dans sa conduite :
Jamais on n'avait vu moins de galanterie,
écrit le maréchal de Villars. Tandis que les dames agaçaient le
roi sans pouvoir lui toucher le coeur
88, les
honnêtes gens de la cour, comme parle Villars, admiraient la
fidélité exemplaire du jeune époux
89. On ne voyait pas poindre encore
cette belle courageuse
90 que les uns
attendaient avec impatience, que d'autres redoutaient avec raison.
III
Elle vint pourtant : le réseau d'intrigues qui
n'avait cessé d'entourer le roi finit par l'envelopper. Un jour arriva
(24 janvier 1732), où, dans un souper à la Muette, Louis XV but à la
santé de l'inconnue, et cassa son verre en invitant tout le monde à
faire de même 91.
Quelle était cette inconnue ? Existait-elle même ? Ce fut longtemps un
mystère. En août 1733, on remarqua cependant que le roi, après deux mois
passés seul à Compiègne, se rendit à Chantilly sans visiter la reine,
et, le lendemain de son retour, alla coucher à la Muette
92. La faveur de Mme
de Mailly paraît remonter à cette époque ; mais la liaison fut tenue
dans le plus grand secret, et c'est seulement en 1737 que l'on acquit la
certitude que le roi avait pris une maîtresse, et que cette maîtresse
était Mme de Mailly 93.
Depuis longtemps le roi paraissait sombre. Rien ne remplissait sa vie :
la reine, malgré son attachement et son dévouement, n'avait rien de ce
qui pouvait le captiver et le distraire.
Le maréchal de Villars raconte qu'en 1731, voyant le roi triste et
désoeuvré, il lui dit: Sire, voir un roi de
France de vingt-deux ans triste et s'ennuyer, est inconcevable. Vous
avez tant de moyens de vous divertir ! On ne vous désirera jamais
d'autres plaisirs que ceux que permet la sagesse ; mais la comédie, la
musique... Le roi interrompit le maréchal : Il ne faut pas disputer les
goûts. — Non, reprit Villars, mais je vous en souhaite plusieurs.
Joignez quelque divertissement à celui de la chasse. D'ailleurs vos
affaires sont en si bon état que ce ne sera jamais un ennui pour Votre
Majesté d'y travailler. Et si au divertissement il se joint quelque
désir de gloire, quels moyens n'avez-vous pas de le satisfaire ?
94 Ce discours,
remarque Villars, ne parut pas faire grande impression. Depuis
longtemps, d'autres influences avaient gagné le coeur du roi. Tandis que
Fleury faisait tout par lui-même et que Louis XV exprimait à peine une
opinion au conseil 95,
un homme de la domesticité du roi, Bachelier, son valet de chambre,
prenait sur lui un ascendant qui grandit peu à peu
96, et s'imposa enfin par ces
honteux et inavouables services que rendent si volontiers les gens de
cette sorte. Le maréchal de Villars rapporte une anecdote qui nous
révèle la faveur naissante du premier valet de chambre. En 1727, le 14
août, le roi était père pour la première fois : la reine était accouchée
de deux filles. Villars vint lui faire son compliment, et plaisanta avec
lui sur le mérite du mari quand la femme accouche de deux enfants. Louis
XV lui dit : Avez-vous fait compliment au garde
des sceaux ? Et comme le maréchal, embarrassé, hésitait :
Le voilà ! poursuivit le roi, en
montrant Bachelier 97.
D'Argenson nous a tracé de ce personnage un portrait qui vaut la peine
d'être reproduit.
Bachelier est un homme
solide, un esprit ferme et porté à la vertu ; il s'y est conformé en se
voyant appelé au rôle de la première confiance de notre maître. Il s'est
trouve. assez riche, et il l'est effectivement en revenus ; il a une
jolie maison entre Versailles et Marly, il a une maîtresse dont la
société lui convient, il ne désire rien au monde pour lui, mais tout
pour la gloire de son maître ; il écoute tout pour cela, il veut tout
savoir : né avec peu d'étude, il s'est fait géographe et politique
suffisamment pour pouvoir fournir des matériaux à sa conversation avec
le Roi ; il parle peu et pense toujours, il note quelques idées à
mesure... Quand Bachelier s'est vu dans la faveur ou il est auprès de Sa
Majesté, il s'est renfermé chez lui, et est devenu inaccessible à tout
le monde. Il n'admet à le voir qu'un ou deux amis qui sortent de sa
retraite de la Selle pour aller apprendre dans le monde ce qui s'y
passe, et pour en instruire le Roi, en devenant le contrepoison des
bulletins que M. Hérault donne au cardinal
98.
Mais derrière Bachelier il y avait Chauvelin,
l'homme de confiance de Fleury, qui l'avait fait garde des sceaux et
secrétaire d'État des affaires étrangères. Chauvelin avait su gagner la
confiance du Roi ; il espérait supplanter le cardinal : il jugea bon de
tenir le Roi par les femmes. Avec la maîtresse et le valet de chambre,
il se croyait sûr de diriger l'État.
Ce ne fut que par degrés que Louis XV se laissa entraîner vers cet abîme
où il devait s'enfoncer de plus en plus. Fleury l'avait brouillé avec la
reine. La dévotion un peu étroite que son précepteur lui avait inspirée
le prémunissait mal contre les attaques redoublées dont il était
l'objet. Avec une vie toute de mollesse et de plaisirs, l'éloignement
des affaires, le vide d'une existence absorbée par la chasse et la
table, comment Louis XV n'eût-il pas succombé ? La reine, plus vieille
de près de sept ans, fatiguée de grossesses successives, n'avait pas su
captiver ce mari jeune et trop empressé
99, ni prendre cet empire que lui
souhaitait le maréchal de Villars aux premiers jours de son mariage
100. Louis XV avait
de bonne heure cherché dans la société de la comtesse de Toulouse les
distractions et le charme qu'il ne trouvait pas dans le salon de la
reine. Mlle de Charolais, dont la conduite était si tristement affichée,
avait su se rendre agréable au roi, et avait pris sur lui une sorte
d'autorité d'habitude 101.
Le poison entra peu à peu dans ce coeur inoccupé. On prétend même, mais
rien ne le prouve, que Fleury donna une approbation tacite
102.
Nous n'entrerons pas dans l'alcôve du roi ; qu'il nous suffise d'ouvrir
la porte de son cabinet. Essayons de le définir au moment où commence
pour lui l'influence, nous ne dirons pas le règne des femmes.
Louis XV a vingt-trois ans : il est dans la fleur de la jeunesse et de
la beauté. Il suffit que les femmes le voient pour qu'elles raffolent de
lui 103. Au milieu
de sa vie agitée et frivole, il prête quelquefois l'oreille aux
affaires, il montre un certain goût pour la lecture
104. Il a lu Montglat ; il lit les
Œconomies royales de Sully, sait parfaitement les mathématiques,
a une excellente mémoire, et raconte mieux que personne
105. Quoique conservant sa
timidité et son éloignement pour la représentation, il se montre parfois
en public ; il a de la vivacité et de la répartie
106. Malgré les torts de sa
conduite privée, Louis XV garde encore des dehors religieux : en 1734,
il assiste assidûment aux sermons du carême, et écoute avec plaisir le
Père Teinturier, malgré ses véhémentes apostrophes sur la 'vie molle',
qui faisaient baisser les yeux à tous les courtisans
107. Dans les années suivantes, le
Roi continue à s'approcher des sacrements
108. C'est seulement en 1739,
quand l'adultère devient public, que le roi déclare qu'il ne fera pas
ses pâques 109. La
reine n'est pas encore délaissée. Mme Victoire naît en 1733 ; Mme Sophie
en 1734 ; en avril 1735, la reine fait une fausse couche ; les années
1736 et 1737 sont signalées par deux nouvelles naissances. La dernière
(17 juillet 1737), fut celle de Mme Louise, qui devint carmélite en
1770. On demanda au Roi si on la nommerait madame septième, il répondit
: On l'appellera madame dernière
110. La séparation
définitive des époux eut lieu en juillet 1738
111.
Bien différente des maîtresses qui suivirent, Mme de Mailly voua au roi
une affection aussi sincère que désintéressée, et ne l'arracha pas à ses
goûts d'économie : elle resta pauvre et dévouée, amusant le Roi par sa
vivacité et sa gaieté, sans le ruiner par son luxe et ses prodigalités
112. En la
comparant à la duchesse de Châteauroux et à Mme de Pompadour, on s'est
pris à regretter cet empire qui ne s'étendait pas aux affaires du pays,
et n'était point pour lui une cause de ruine. Si le pauvre Louis XV ne
perdit pas près de Mme de Mailly son ennui et ses vapeurs noires, au
moins il ne contracta pas ces habitudes de folles dépenses contre
lesquelles s'élevèrent plus tard les contemporains. Comme on l'a dit,
Mme de Mailly domine l'homme, mais non le roi. D'Argenson rapporte à ce
propos une anecdote significative. Fleury venait de rappeler au roi une
parole souvent répétée : Si jamais Votre
Majesté écoutait les conseils des femmes sur ses affaires, elle et son
État seraient perdus sans ressources. — Louis XV ne répondit
rien ; mais en remontant dans ses cabinets, où il soupait avec Mme de
Mailly et Mlle de Charolais, il leur dit : Tout
à l'heure un homme me disait (ce discours), et je dis à cela que si
quelque femme osait jamais me parler d'affaires, je lui ferais fermer ma
porte au nez sur-le-champ
113.
Nous venons de nommer le marquis d'Argenson : c'est un témoin
nouvellement introduit sur la scène ; son Journal devient suivi
et très circonstancié à partir de 1738. C'est un témoin oculaire, et
malgré sa sympathie pour Louis XV et son désir qu'il devienne
un très grand roi
114, il voit juste et il voit
bien. Laissons-le donc nous peindre le roi dans cette période de
transition où le roi règne et ne gouverne pas.
Le roi aime l'économie, la
conservation plutôt que l'acquisition. Le roi est bon, il est fin, il
est discret souverainement ; il dit les choses avec finesse, à ce que je
remarque ; il écoute tout jusqu'aux moindres détails. Il a l'esprit
robuste du côté de la mémoire pour la localité, la personnalité et les
faits ; ses opérations d'esprit sont plus rapides que l'éclair ; il est
vrai qu'il approfondit peu jusqu'ici, ne se prêtant pas a une longue
discussion. On l'a accusé de paresse et d'insensibilité ; il se montre
travailleur naturellement par les divers goûts où il s'est prononcé,
mais sans affectation. Il a montré sa sensibilité extrême par rapport à
la maladie dernière du Dauphin et à celle de M. le Cardinal. Il a eu
depuis longtemps son système de se divertir tant qu'il aurait M. le
Cardinal pour gouverner le royaume, connaissant sa probité et ayant
haute opinion de sa capacité, mais après cela de s'y adonner ; nous
verrons s'il tient parole. Il est dissimulé et discret comme les plus
grands rois l'ont été ; il se connaît en hommes parfaitement et
naturellement, sans études ni efforts et aime les honnêtes gens... Il
hait les sots, aime la franchise, a bon esprit et bon coeur, est gai et
affable avec les courtisans et leur parle avec une familiarité
adorable... Le roi est un homme de fort bon sens ; il se montre bon,
spirituel et soucieux de ses affaires ; il aime déjà les papiers,
l'étude, la lecture, et même il écrit beaucoup de sa main, soit lettres,
soit mémoires, beaucoup d'extraits de ce qu'il lit. Il a fait faire des
armoires dans un cabinet séparé, et là ses papiers sont rangés dans un
ordre soigneux, le tout étiqueté de sa propre main... On lui attribue
deux défauts : l'un est de paresse d'esprit, l'autre de timidité. Je ne
nie pas qu'il n'ait donné de grands signes de ces deux défauts ; mais
cependant il aime la peine du corps, il travaille seul, comme j'ai déjà
dit, il a besoin de s'occuper, il a une grande mémoire, il a l'esprit
vif... A l'égard de la timidité, je conviens qu'elle est née avec
l'esprit du roi ; mais elle se surmonte et Sa Majesté parait l'avoir
surmontée. Il est brave de coeur, et se montre à cheval, à la chasse et
partout, on il ne craint rien ; à présent il parle hardiment à tout le
monde : il attaque de conversation ; il répond... On commence à dire que
Louis XV sera tout aussi haut qu'un autre, et il est d'un décidé
115,
d'une mémoire et d'une attention rapide qui doit faire grand effet un
jour 116.
Un moment, l'on crut que Louis XV allait sortir de
lui-même, et s'arracher à ce théâtre de paix et
d'indolence que présentait alors la cour
117 : en mars 1738, pendant une
maladie du cardinal, le roi travailla assidûment avec ses ministres, et
montra une véritable aptitude pour le gouvernement.
Le roi s'en acquitte à merveille,
écrit d'Argenson, et décide juste. Il fait
plus, il montre grande humanité et justice. L'autre jour, M. Orry lui
proposant le payement d'une partie due depuis quatre ans, Sa Majesté a
demandé si on avait payé les intérêts à cet homme. M. Orry ayant répondu
que non et que ce n'était pas l'usage, Sa Majesté a répondu que cela
n'était pas juste, et qu'elle ne voulait plus de ce désordre et de
pareilles injustices
118.
Malgré tout, Louis XV ne devenait pas un roi ; il ne devenait pas même
un homme. On remarquait à la cour qu'il était
enfant des pieds à la tête. — Être
enfant, observe à ce propos d'Argenson,
c'est avoir cette partie de l'imagination qui conduit à s'égayer de
bagatelles et avec une inconstance soudaine, espèce de joli défaut qui
va quelquefois durer jusqu'à cinquante ans
119. Mais Louis XV
portait son enfance partout
120. Il se donnait
une peine infinie pour des inutilités, faisait
un travail de chien pour ses chiens, dont il combinait la
force, la marche et la disposition. On prétend,
dit d'Argenson, que Sa Majesté mènerait les
finances et l'ordre de la guerre à bien moins de travail que tout ceci
121.
Le roi se levait parfois à onze heures, et
menait une vie de petit-maître et d'homme inutile
122. A peine
travaillait-il une heure par jour. Il chassait avec la même frénésie, et
soupait dans ses cabinets deux fois, puis bientôt trois et quatre fois
par semaine 123. Il
était bien têtu
124, colère par faiblesse,
rancunier, et avait ce fâcheux travers, sans être pour cela méchant ni
inhumain, de parler d'un air de joie de la mort
ou de l'extrémité de ses serviteurs. —
Ce n'est qu'un tic, mais fâcheux, dit d'Argenson, qui
ajoute : Tout à l'heure ; j'ai été témoin que
la reine lui a demandé des nouvelles d'un pauvre chirurgien de sa suite,
qui s'est cassé la tête à la chasse ; le roi a dit en riant qu'il était
mort ou peu s'en fallait. Au fond, il en souffre ; mais voilà un
misérable tic 125.
C'est là un de ces contrastes qu'offre le caractère de Louis XV. On
pouvait le croire insensible et dur ; il donna pourtant de nombreuses
marques de sensibilité, et nous avons vu d'Argenson qualifier d'extrême
cette sensibilité. Avec cette paresse d'esprit qui apparaît dans toute
sa conduite, il montre de l'application et du goût pour le travail, et
demande des mémoires à d'Argenson sur divers points d'administration
126. Il a parfois
des retours vers les idées religieuses, et le cri de sa conscience
éclate par intervalles 127.
Enfin, tandis qu'il ne parle que de l'histoire des rois fainéants
128, qu'il se fait
un jeu de faire enrager le vieux Cardinal et de l'abreuver de
jolis petits dégoûts
129, il subit jusqu'au bout le
joug de Fleury. Celui-ci ne se trompait pas en disant :
Le roi a besoin d'être gouverné et il le sera
toujours 130.
Si le cardinal de Fleury restait premier ministre, Mme de Mailly, malgré
quelques brouilles de ménage
131 et de passagères infidélités,
restait maîtresse en titre. D'Argenson écrit quelque part :
La faveur de cette dame augmente, dit-on, comme
une tache d'huile
132. Pourtant à cette date (octobre 1739), Mme de Mailly
avait une rivale, et cette rivale était sa propre soeur ! Il faut lire
dans les Mémoires du duc de Luynes
133 le récit de l'arrivée de Mlle
de Nesle à la cour, du rôle de complaisante et de confidente qu'elle
joua d'abord, avant d'en venir à celui de favorite. Le mariage de Mlle
de Nesle avec M. de Vintimille est du mois de septembre 1739, et l'on
croit qu'à ce moment elle était déjà la maîtresse du roi. Nous
n'entrerons pas dans l'histoire de ces intrigues, restée obscure pour
les contemporains eux-mêmes, car, pendant longtemps, malgré les
témoignages publiés de la faveur et de l'affection du roi, d'Argenson
crut qu'il n'aimait en Mme de Vintimille que la soeur de sa maîtresse
134. Mme de Mailly
ne fut pas pour cela disgraciée. Il était réservé à une autre de ses
soeurs de la faire congédier. Elle resta par la
force de l'habitude. Louis XV vivait surtout dans la société
intime de ce qu'on appelait à la cour les quatre soeurs, à savoir :
Mademoiselle, Mlle de Clermont, Mmes de Mailly et de Vintimille
135. D'Argenson
écrit à cette époque que le roi ne sera jamais
adonné à l'empire des femmes, qu'il craint le diable, l'éternité et ses
horreurs 136.
On observait qu'aux approches des grandes fêtes, le roi tombait dans des
vapeurs noires, et qu'il y avait chez lui lutte entre l'entraînement et
le devoir 137.
Malgré les efforts de l'impiété et de l'immoralité
138, on ne parvint pas à éteindre
la foi dans ce coeur faible et trop accessible à la corruption.
La faveur de Mme de Vintimille fut de courte durée. Le roi n'eut pas
longtemps à jouir du charme d'un esprit qui, peut-être, eût pris un
grand ascendant sur lui 139.
Mme de Vintimille mourut en couches le 9 septembre 1741. Louis XV tomba
dans un chagrin profond ; on crut qu'il allait tourner à la dévotion.
Mme de Vintimille l'avait dégoûté des excès de table ; de ces soupers
dont il avait fait, dans ces dernières années, un si fréquent abus
140 ; sa mort parut
rompre les liens qui attachaient le roi à Mme de Mailly ; on remarqua
que la pensée de l'éternité revenait souvent chez lui, et qu'il tenait
des discours de religion
141. En faisant
donner l'aumône à un pauvre : Qu'il demande à
Dieu ses miséricordes pour moi, dit le roi, j'en ai grand besoin
142 ; et à un
courtisan qui lui parlait de l'exemple qu'il donnait en observant
scrupuleusement le jeûne et l'abstinence, il répondit :
Vous êtes touché de mon exemple, et je voudrais
bien suivre le vôtre en beaucoup de choses
143. Un grand combat, c'est
l'expression du duc de Luynes, se livrait dans l'âme du roi : il était
dans une mélancolie noire ; personne ne pouvait l'arracher à sa
tristesse.
Mme de Mailly l'emporta pourtant. Mais bientôt un astre nouveau parut à
l'horizon et vint faire pâlir cette étoile dont l'éclat ne devait plus
avoir une longue durée. Le duc de Richelieu, l'un des favoris du roi, et
qu'on a appelé le mauvais génie de Louis XV, ne fut pas sans influence
sur le choix d'une nouvelle maîtresse. L'affaire fut mystérieusement
conduite ; ce fut toute une négociation. Enfin, en novembre 1742, la
chose devint publique : Mme de Mailly fut brusquement congédiée, et sa
soeur Mme de La Tournelle prit avec fracas le titre de maîtresse
déclarée.
IV
Jetons un dernier regard sur l'amant blasé de Mme
de Mailly, avant d'étudier ce qu'il devint sous l'influence de la
nouvelle favorite. La lueur d'espérance qui avait brillé aux yeux des
honnêtes gens, comme parle d'Argenson, s'était bien vite évanouie. A
trente ans — c'est le même d'Argenson qui en fait la remarque — le roi
paraissait plus faible, plus indolent qu'à vingt-huit. Il semblait que,
plus le vieux cardinal s'acharnait, malgré sa santé altérée et ses
forces déclinantes, à garder le pouvoir, plus le roi se décourageait des
affaires, renonçait à toute occupation sérieuse, et s'abandonnait à sa
vie errante et dissipée 144.
Ce n'était plus assez des petits soupers ; il fallait les petites
maisons, où le laisser-aller était plus grand et la liberté plus absolue
: Choisy est acheté en septembre 1739
145. La reine est de plus en plus
délaissée, et le roi la traite à peine avec les égards qui lui sont dus
146.
On remarquait avec peine ces fâcheuses dispositions. Louis XV avait été
douze jours sans vouloir rien signer. On ne
sait plus que comprendre au caractère du roi, écrit
d'Argenson en juillet 1740 ; les plus habiles
et les plus fermes y sont tout désorientés. — Louis XV
étai-il donc au-dessous du rien,
papillotant, s'amusant et chassant ? Était-il, comme on le disait
crûment, un imbécile ? N'était-il qu'un automate, un Louis
XIII ? Tout le monde ne désespérait pas pourtant : on comptait sur une
révolution favorable. Le moment approche,
dit d'Argenson, où le roi gouvernera par
lui-même... Je conviens qu'il faut une foi d'Abraham pour croire cela.
Tous les jours, ce dilemme devient plus fort et ses propositions plus
opposées et plus extrêmes: ou le roi est beaucoup, ou le roi est rien
147. Et cependant,
Louis XV n'ignorait pas l'état des choses : il connaissait la misère des
provinces et la diminution des revenus ; on le voyait parfois étudier
des mémoires avec application. Aussi chacun se disait :
Mais qu'attend donc le roi pour sauver son
honneur et son royaume ?
148
Il n'y avait que quelques mois que Mme de La Tournelle, avec le froid
égoïsme et cette cynique ambition qui la caractérisent, avait signé son
traité, lorsque mourut le cardinal de Fleury
149 (29 juillet 1743). Qu'allait
faire le roi ? Se mettrait-il enfin à la tête des affaires ? Subirait-il
le joug d'un favori qui, prenant la place du vieux précepteur, permit au
souverain de ne pas s'arracher à ses habitudes d'inaction et de plaisirs
?
Quand arriva cet événement depuis si longtemps attendu ; quand s'ouvrit
cet héritage convoité par tant d'ambitieux désirs, le roi s'écria :
Me voilà donc premier ministre ! Il
s'occupa aussitôt des affaires avec habileté et prudence, sut se faire
applaudir par d'heureux choix, travailla résolument avec ses ministres.
On se loue fort de la façon dont tout ceci
commence, écrit Barbier
150. Et quelques jours après:
On continue toujours dans l'admiration du roi..
il est accessible, il parle à Versailles, il rend justice, et il
travaille avec connaissance de cause. Je ne suis point étonné de cela :
il y a longtemps que j'ai entendu dire qu'il a de l'esprit, qu'il parle
bien, qu'il s'occupait utilement dans les petits cabinets
151. Il n'était
question que des bonnes qualités du roi. Ce mot avait couru aussitôt :
Le cardinal de Fleury est mort ; vive le roi ! On croyait
pourtant que Louis XV ne tarderait pas à se décharger des soins de la
royauté, et que son goût de dissipation et de plaisir les lui ferait
négliger 152.
Nous avons demandé tout à l'heure au marquis d'Argenson de nous peindre
Louis XV pendant la période de transition où Fleury gouverne en maître
absolu. Laissons maintenant le duc de Luynes nous tracer le portrait du
roi au lendemain de son véritable avènement au pouvoir.
Le caractère de notre maître
est peut-être plus difficile à dépeindre qu'on ne se l'imagine ; c'est
un caractère caché, non seulement impénétrable dans son secret, mais
encore très souvent dans les mouvements qui se passent dans son âme
153.
Le tempérament du roi n'est ni vif ni gai ; il y aurait même plutôt de
l'atrabilaire ; un exercice violent et de la dissipation lui sont
nécessaires. Il a souvent des moments de tristesse et d'une humeur qu'il
faut connaître pour ne la pas choquer ; aussi ceux qui l'approchent
étudient-ils ces moments avec soin, et quand ils les aperçoivent,
remettent à un autre temps, s'il est possible, à prendre ses ordres. Ces
moments sont-ils passés, la caractère du roi a beaucoup d'aisance et de
douceur dans la société. On a vu plusieurs fois ses domestiques
inférieurs, quelquefois même les principaux, manquer son service : il
attend ou il s'en passe sans montrer aucune impatience. A Choisy, à
Rambouillet, il parle familièrement à ceux qui ont l'honneur de lui
faire la cour ; on est souvent tenté d'oublier qu'il est le maître, et
j'ai vu quelquefois même qu'on l'oubliait et qu'il ne faisait pas
semblant de l'avoir remarqué... Le roi aime les femmes, et cependant n'a
nulle galanterie dans l'esprit
154. On ne
peut s'empêcher de convenir qu'il a de la dureté dans son caractère. Le
détail des maladies, des opérations, assez souvent de ce qui regarde
l'anatomie, les questions sur les lieux ou l'on compte se faire
enterrer, sont malheureusement ses conversations trop ordinaires ; les
dames même ne sont pas exemptes de ces questions... Accoutumé de tous
les temps à se rapporter entièrement à quelqu'un du gouvernement, il n'a
jamais marqué d'impatience de gouverner lui-même... Mais ce qui paraîtra
sans doute singulier, un fonds de timidité naturelle, un embarras a
toujours fait une partie du caractère de ce prince
155. Il est
vrai, comme je l'ai dit, qu'il est difficile à connaître, qu'il remarque
souvent ce à quoi il a paru n'avoir point fait attention. Il y a des
occasions ou l'on ne peut assez louer les marques d'attention et de
bonté qu'il veut bien donner... On voit quelquefois qu'il a envie de
parler la timidité le retient, et les expressions semblent se refuser...
Les réponses aux ambassadeurs et aux harangues de toute espèce ne
peuvent presque jamais sortir de sa bouche... En général le roi parle
très bien quand il veut parler ; il s'exprime en très bons termes, et
conte même agréablement. Les rites et les cérémonies de l'Église, les
détails du calendrier font un peu trop souvent le sujet de ses
conversations. On ne peut concevoir jusqu'à quel point il est instruit
sur ces matières ; il l'est en même temps sur beaucoup d'autres ; il
sait assez bien ce qui regarde l'histoire de France ; il a lu assez et
lit encore. D'ailleurs tous ceux qui l'approchent lui content une
infinité de faits, et comme il a beaucoup de mémoire, tous ces faits lui
sont présents. Malheureusement il conte trop historiquement des faits
qui sembleraient devoir l'affecter
156 ; mais
la tranquillité d'esprit du feu cardinal a peut-être servi à former un
caractère a peu près semblable ; nous l'avons cependant vu quelquefois
ébranlé, touché, affecté ; peut-être l'est-il sans le paraître ; mais il
serait a désirer qu'il le parût davantage
157.
On a dit que Mme de la Tournelle s'empara, dès le
début, de l'esprit du roi, et lui inspira la résolution de se mettre à
la tête des affaires. La future duchesse de Châteauroux avait, en effet,
par l'éclat de sa beauté, captivé le coeur du facile monarque. Louis XV
était sorti de lui-même, et avait montré une animation et une gaieté
inusitées. Mais le roi ne subissait pas son ascendant en ce qui
concernait la politique. En décembre 1742, il continuait de correspondre
avec Fleury tous les jours : Mme de la Tournelle ayant voulu voir,
malgré le roi, une lettre dont un passage lui avait été communiqué, le
roi jeta la lettre au feu 158.
Après la mort de Fleury, les choses ne se modifièrent pas. En juin 1743,
le duc de Luynes dit formellement qu'il n'était question entre le roi et
la favorite d'aucune affaire importante, et il ajoute que Mme de Mailly
n'aurait pas montré tant d'indifférence au milieu de circonstances aussi
graves 159. Des
influences sinon hostiles, au moins étrangères à celles de l'entourage
de Mme de la Tournelle, prédominaient dans les conseils. Lors des
nominations au ministère, ou remarqua avec surprise que Chauvelin et
Belle-Isle étaient écartés, et qu'Amelot et le maréchal de Noailles leur
étaient préférés. Le cardinal de Tencin n'avait, quoique ministre,
aucune part à la faveur royale. Enfin, on vit Noailles passer du
commandement général en Allemagne au rang de ministre. Un jour que,
comme simple courtisan, il conduisait le roi, qui se rendait au conseil
: Entrez, Monsieur le maréchal, lui
dit Louis XV ; nous allons tenir conseil
160. — D'Argenson,
qui avait contre Noailles une antipathie personnelle
161, dit que le maréchal était un
inspecteur importun donné aux ministres et se mêlant de tout sans être
le maître de rien 162.
C'est ici que Louis XV va se révéler sous un jour nouveau. Dès avant la
mort de Fleury, le roi avait commencé à entretenir avec le maréchal de
Noailles un commerce épistolaire. Je suis très
aise de recevoir vos idées, lui écrivait-il à la date du 10 octobre
1742, et encore plus de les exécuter
163. Le maréchal répondit qu'il ne
pouvait parler que sur l'objet confié à ses soins, à moins que le roi ne
lui donnât l'ordre formel de rompre le silence. Alors Louis XV, le 26
novembre 1742, adressa au maréchal un appel direct en ces termes :
Le feu roi, mon bisaïeul, que
je veux imiter autant qu'il me sera possible, m'a recommandé en mourant
de prendre conseil en toute chose et de chercher à connaître le meilleur
pour le suivre toujours ; je serai donc ravi que vous m'en donniez :
ainsi je vous ouvre la bouche, comme le pape aux cardinaux, et vous
permets de me dire ce que votre attachement pour moi et mon royaume vous
inspireront 164.
Les communications s'établirent ainsi ; elles
durèrent plusieurs années. Le secret fut exigé par le roi, car Louis XV
n'accordait sa faveur et sa confiance qu'à cette condition
165.
A la mort de Fleury, le maréchal, dans un mémoire auquel il joignit
l'instruction de Louis XIV à Philippe V
166, s'adressa au roi en ces
termes :
Toute l'Europe, Sire, est
attentive à l'événement présent, et il est de votre gloire de lui faire
connaître que, si quelque autre a paru jusqu'ici gouverner sous votre
nom, Votre Majesté n'en est cependant ni moins attentive au bien de son
royaume, ni moins capable de le connaître et de le procurer ; que vous
êtes seul le Roi de cette grande et noble monarchie ; que vos lumières
et votre autorité l'animent, et que rien ne s'y fait, sous votre nom,
que ce qui s'y fait par des ordres émanés de votre pleine et parfaite
connaissance. Que l'attente, Sire, de toute l'Europe ne soit pas trompée
! Comblez vos peuples de joie ; ils ne sauraient en avoir de plus
touchante que de n'avoir qu'à obéir à Votre Majesté
167.
Frédéric II a prétendu que Louis XV travailla avec
ses ministres pendant huit jours, et qu'au bout de ce terme, son ardeur
s'éteignit 168.
Frédéric s'est trompé et l'histoire s'est trompée avec lui. Louis XV,
nous l'avons dit, se mit résolument à l'ouvrage. Il travailla comme il
ne l'avait point encore fait, renonça pour un moment à la chasse, à ses
voyages de Choisy 169,
déclara qu'il n'expédierait plus de lettres de cachet sans en connaître
les motifs et sans les signer de sa main
170, et voulut être instruit non
plus seulement de ce qui se disait
171, mais de ce qui se faisait. La
meilleure preuve, indépendamment de toutes celles que nous offrent les
auteurs du temps 172,
en est fournie par sa correspondance assidue avec le maréchal de
Noailles. Le roi écrivait aussi fort souvent au cardinal de Tencin
173, mais c'étaient
des lettres sans importance ; Noailles seul avait toute sa confiance.
Aussi ne cessait-on de le desservir
174. On ne savait pourtant pas
bien à quoi s'en tenir sur son crédit. Le curieux Journal de police,
qui, par ordre exprès, enregistre tout ce qui
se dit sur le compte même du roi, contient ce passage, à la
date du 12 août 1743 :
On se persuade que le Roi se
conduit par d'autres lumières que celles de son Conseil, et que Sa
Majesté est instruite par d'autres voies que les ordinaires. On
s'aperçoit qu'elle est presque toujours prévenue sur toutes les affaires
qui lui sont rapportées, et qu'elle décide rarement selon l'esprit des
ministres ; on s'étudie en vain pour pénétrer ce mystère. Le Roi parle
si peu et donne si peu prise aux conjectures que jusqu'ici l'on n'a
encore rien pu deviner sur ce point.... On dit que M. de Noailles est
plus en faveur que jamais, et que, pour ce qui a rapport au militaire,
le Roi se conduit par les avis de ce maréchal
175.
A ce moment, en effet, le maréchal de Noailles
avait toute la confiance du roi, qui ne se laissait pas influencer par
les intrigues hostiles. Certains avis avaient été donnés au roi, et,
chose piquante, ce fut le cardinal de Tencin que Louis XV chargea d'en
prévenir le maréchal. Celui-ci remercia Louis XV par une lettre du 14
mai 1743. Le 20 mai, le roi répond :
L'avis me venait par le
cardinal de Tencin lui-même ; mais lui, je sais d'où il lui venait.
Comme j'étais bien persuadé de la fausseté de l'avis, je ne me suis pas
tourmenté de ce qu'on y disait sur vous... Les envieux mourront, mais
non jamais l'envie, et tant que vous n'y donnerez pas plus de prise,
souciez-vous peu de ce qu'ils feront et diront. Qui est-ce qui est à
l'abri des discours ?
176
Il faut bien montrer le roi peint par lui-même,
puisque l'occasion s'en offre à nous. Ouvrons donc ces deux volumes de
correspondance, et donnons un moment la parole à Louis XV.
31 mai 1743. J'étais
au conseil quand votre lettre m'est arrivée ; ainsi j'y ai fait lire
sur-le-champ la lettre que vous m'écriviez et dont vous m'envoyez la
copie. Je l'ai trouvée très bonne, et j'ai vu avec plaisir que vous ne
faisiez pas de peine de détacher de votre armée le secours que je vous
avais ordonné d'envoyer au maréchal de Broglie. J'approuve aussi le
choix que vous avez fait des officiers qui commandent le corps. Pour ce
qui est de la défense du Neckre ou du Mein, je ne vous avais prescrit
votre retour sur le Neckre qu'au cas que vous ne fussiez pas assez en
force présentement pour soutenir le Mein ; puisque vous vous croyez en
état de cela, j'en suis ravi, et le serais encore bien davantage, Si je
voyais arriver le duc d'Ayen avec la nouvelle que vous avez frotté
d'importance le superbe Stairs et sa nation insulaire. N'oubliez pas
pourtant que nous avons une armée en Bavière assez en presse, et que
l'on en est plus près sur le haut Mein que sur le bas. Du reste, puisque
vous vous souvenez de vos instructions et que vous n'avez pas changé les
projets que vous aviez en partant d'ici, je m'en rapporte entièrement à
vous, et vous pouvez être assuré avec cela que votre absence ne vous a
fait nul tort dans mon esprit ; mais j'avais craint seulement que le
voeu de toute l'armée pour ne pas vous approcher de la Bavière, ne vous
eut séduit... Je sais que vous avez été incommodé, mais que votre coeur
a fait marcher votre corps ; ménagez l'un et l'autre, je vous prie, et
soyez sûr que j'ai été très en peine de vous, parce que je vois que vous
me servez bien. Faites toujours de votre mieux pour la cause commune ;
prenez garde à la persuasion d'autrui, et soyez toujours sûr de mon
amitié 177.
4 juin 1743. ... Ma
lettre n'est pas trop bien conçue, mais je suis pressé, il est plus
d'une heure, je vais demain à la chasse à Rambouillet, et votre
ambassadeur (du Mesnil) sera vraisemblablement parti quand je
reviendrai. De plus, je ne suis pas plus spirituel que cela ; mais ce
qui est de sûr, c'est que je fais de mon mieux. La Bavière me tourne la
tête, Si cela est possible, et ce qui m'a fait une peine extrême, c'est
ce que j'ai appris du régiment des Vaisseaux (où il y avait eu du
désordre), quand il a su qu'il allait en Bavière
178.
19 juin 1743. ... Vous
ne trouverez pas mon écriture bonne ; mais c'est que je me dépêche,
parce que le courrier va partir et moi que je vais souper. Il est neuf
heures, et il faut que je me lève demain de bonne heure pour la
procession. Heureusement il a fait plusieurs orages aujourd'hui, car
sans cela je crois que nous y serions tous morts de chaud. Je me doute
qu'il ne fait guère plus froid où vous êtes et si messieurs les Anglais
ne vous ont pas échauffé par leur feu
179.
Le roi désirait vivement voir le maréchal obtenir
un succès. Il lui écrit le 22 juin :
Nos ennemis ne sont pas si
scrupuleux que nous. J'espère que vous les préviendrez aux défilés, ou
au moins que vous ne les y laisserez pas passer impunément, désirant
autant que le comte de Noailles que vous puissiez frotter d'importance
ces messieurs Anglo-Autrichiens. Vous voyez que je me conforme aux mots
nouveaux, quand ils me paraissent bons
180.
Le 21, un combat était livré à Dettingen, et
l'issue n'en était pas heureuse. Au rapport et à la lettre particulière
du maréchal, le roi répond :
Je suis bien persuadé que ce
n'est pas votre faute ai le combat que vous avez donné à Dettingen n'a
pas été plus heureux ; tout le monde vous rend cette justice, et moi
plus qu'aucun, connaissant votre zèle pour mon service et votre
expérience. M. d'Argenson vous répondra de ma part à la longue lettre
que vous m'avez écrite ; ainsi je ne répondrai ici qu'à celle
particulière. Je suis très aise que les princes aient marqué autant de
courage et d'activité que vous me le marquez ; témoignez leur en ma joie
et le gré que je leur en sais, et surtout à MM. de Chartres et de
Penthièvre... J'ai toujours été bien persuadé aussi de la valeur de nos
jeunes seigneurs ; mais ce qu'il convient que vous étudiiez en eux,
c'est les talents qu'ils développeront, pour que vous les cultiviez,
afin qu'ils puissent devenir bons généraux, ce dont tout le monde
convient que nous manquons absolument, et pourtant ce dont cet État-ci
aura toujours un besoin extrême... Je serais très fâché qu'il arrivât
malheur au duc d'Harcourt ; mais si le cas arrivait, je n'oublierais
pas, dans la personne du fils, les services du père et du grand-père...
Je ne suis pas moins fâché que vous me dites de ma Maison, et surtout de
celle à cheval ; trop de complaisance doit en être la seule cause ;
tenons-nous-le pour dit pour l'avenir. Je garderai le secret que vous
m'en demandez ; mais le tout est déjà public, et peut-être même plus
enflé qu'il n'est, car vous savez qu'en ce pays, l'on y va fort vite,
soit d'une façon, soit d'une autre. Certainement il faut apporter tous
ses soins et tout son argent à l'état militaire ; car je vois bien que
c'est le soutien de l'État, surtout étant aussi jalousé qu'il l'est par
nos voisins. Dans l'hiver, nous verrons ce qu'il y aura à faire pour
l'année prochaine, et à la paix pour l'avenir, laquelle il ne faut pas
faire honteuse qu'on n'y soit contraint par la très grande force, et j'y
suis bien déterminé, au péril même de ma vie
181.
Le maréchal ne ménageait pas au roi les expressions
: Louis XV lui avait ordonné de parler avec franchise et vérité
182 ; il se
regardait donc comme devant la vérité tout entière. Le roi lui répond :
J'excuse votre liberté et je
vous en remercie, sachant d'où cela part. Tenez-vous tranquille, et
continuez toujours à me donner des marques de votre amitié et de
l'intérêt que vous prenez à ma gloire
183.
A propos de la pénurie des finances et des charges
qui pèsent sur l'État, le roi écrit :
Je vous dis tout cela, non
pas pour ne pas faire ce qu'il faut, mais pour le faire comme il faut,
et n'en pas user avec prodigalité et volerie comme nous avons fait
jusqu'à présent 184.
Louis XV voit donc le mal. Il se plaint de la
pénurie des hommes 185
; il sent que ses ambassadeurs dans les cours étrangères sont
peu de chose, qu'il
manque de sujets pour tous les objets
186, et il écrit
dans une de ses lettres :
Ce siècle-ci n'est pas fécond
en grands hommes, et il serait bien malheureux pour nous si cette
stérilité n'était que pour la France
187.
Voici comment le roi juge cet empereur Charles VII,
dont la France défendait alors les droits en Allemagne :
Le portrait que vous me
faites de l'empereur me paraît conforme à celui que je me suis fait de
lui ; mais comptez qu'il ne démordra jamais de ses projets, et que tous
ceux qui lui en feront envisager quelque réussite seront bienvenus de
lui, et les autres, au contraire, mal. Il est entouré de gens qui ne
nous peuvent souffrir et qui voudraient nous voir cent pieds sous terre
; pour lui, sûrement, il ne pense pas comme cela, et je vous autorise à
le maintenir toujours dans ces sentiments, et à faire en conséquence
tout ce que vous croirez faire ou devoir faire pour cela. Nous étions
liés avec lui bien auparavant la mort du feu empereur. Ce qui est passé
est passé ; ainsi ne songeons plus qu'au présent et à l'avenir ; le
présent est de soutenir cette guerre de toutes nos forces, et l'avenir
est de faire la paix le plus tôt possible, et la moins onéreuse qu'il
soit possible 188
Mais le roi va enfin paraître : le sang du Bourbon
s'échauffe, et il s'ouvre en ces termes au maréchal de Noailles :
24 juin 1743. Ceci ne
vous surprendra pas, vous m'en aviez déjà ouvert quel¬que chose; voici,
je crois, le moment venu de vous en parler, puisque toutes nos troupes
sont réunies. Selon toute apparence, nous allons avoir la guerre
personnellement. La déclarerons-nous, ou attendrons-nous qu'on nous la
déclare, soit de fait, soit autrement. Dans tous les cas, il faudra
faire quelque chose, soit à la fin de cette campagne, soit au
commencement de l'autre ; vous savez ce que vous m'avez promis, et ce
n'est pas d'aujourd'hui que j'en grille d'envie... Je me hasarde
peut-être un peu trop dans les circonstances critiques où nous sommes ;
mais si vous ne croyez pas la chose possible, mandez-le moi avec votre
franchise ordinaire. Je suis accoutumé à me contenir sur les choses que
je désire, et qui n'ont pas été possibles jusqu'à présent, ou du moins
qu'on n'a pas cru telles, et je saurai encore me contenir sur celle-ci,
quoique je puisse vous assurer que j'ai un désir extrême de pouvoir
connaître par moi-même un métier que mes pères ont si bien pratiqué, et
qui jusqu'à présent ne m'a pas réussi par la voie d'autrui, ainsi qu'il
y avait lieu de s'en flatter. Je ne m'étendrai pas davantage pour cette
fois-ci, mais j'attendrai votre réponse avec honnêtement d'inquiétude
189.
Je ne puis exprimer à
Votre Majesté, répond le maréchal,
la satisfaction infinie que m'a causée la lettre dont elle m'a honoré ;
j'y reconnais le sang et les sentiments de Louis XIV et de Henri IV ;
j'en félicite Votre Majesté, son État, et tous ceux qui, comme moi,
s'intéressent à sa gloire
190. Et Noailles exhorte le roi à
prendre les mesures nécessaires, et surtout à garder sur sa résolution
un inviolable secret. Le secret est d'autant
plus nécessaire, écrit-il, que Votre
Majesté doit s'attendre à ce que quelques-uns de ses ministres feront
l'impossible pour s'opposer à ses désirs ; on en a peu vu dans tous les
temps assez zélés et assez attachés à leur maître pour souhaiter qu'il
vit et approfondît lès choses par lui-même
191.
La correspondance continue sur ce sujet. Le 16 août, Louis XV écrit:
Si ma présence était
nécessaire à mon armée avant la fin de la campagne, je vous prie de m'en
avertir, et je vous promets que je ne serais pas longtemps à vous
joindre, quelque part que ce fût. Je sais parfaitement le misérable état
où nous sommes, mais je vous avoue que je ne verrais pas de sang froid
prendre une de nos places, ni mettre nos frontières à contribution, ou à
courir le risque d'être pillées, saccagées ou brûlées
192.
Dans une autre lettre du même jour, le roi annonce
qu'il fait ses préparatifs, et qu'il tâchera d'apporter avec lui le
moins de bouches inutiles qu'il pourra : Je
vous réponds que quand il faudra partir, je partirai à la légère.
Le 3 septembre, il s'adresse encore en ces termes au maréchal :
Je ne répondrai pas pour
aujourd'hui à l'article principal de votre lettre, de main propre, qui
regarde la mienne du 16 du mois passé. Je vous dirai seulement que si je
suivais une vaine gloire, je ne prendrais certainement pas le parti que
vous me proposez ; si je consultais quelqu'un, toutes les apparences
sont qu'il penserait de même ; reste donc à moi seul à imaginer et
balancer le commodo et incommodo. Ma tête a déjà fait du
chemin et en fera d'ici à quelques jours. Si la saison était moins
avancée, l'on pourrait prendre du temps ; mais il me paraît qu'il n'y a
pas à en perdre. La seule visite de mes frontières ne me convient en
nulle façon en ce moment. Je vais faire mes dispositions secrètes, et
attendrai une nouvelle lettre de vous pour me déterminer ; envoyez-la
moi prompte ; vous aurez sans doute mûrement réfléchi depuis le 30 août
193.
Le maréchal répond qu'il serait
imprudent et téméraire de donner un
conseil au roi, dans des circonstances aussi
incertaines et aussi critiques, et qu'une pareille résolution ne doit
paraître venir et ne venir réellement que de sa pure et seule volonté
; pourtant il incline vers un ajournement. Le roi, dont l'ardeur paraît
s'être un peu calmée, discute avec le maréchal sur les considérations
qui militent en faveur du retard, et examine les cas qui le
détermineraient à partir immédiatement :
Quelque désir que j'aie d'être à mon armée, est-ce le moment d'y aller
pour moi, moi qui ai le malheur de ne m'y être jamais trouvé ?
194 Le lendemain,
il écrit encore : Jusqu'à la fin du mois, je
serai bien perplexe et comme l'oiseau sur la branche ; dans le courant
du mois prochain, je serai un peu plus tranquille, mais je désirerai de
vieillir à un point inexprimable
195. Dans cette même lettre, on
lit ces lignes :
Mme de la Tournelle m'avait
communiqué, comme vous croyez bien, la lettre qu'elle vous a écrite. Je
doute qu'on pût la retenir si j'étais une fois parti ; mais elle est
trop sensée pour ne pas rester ou je lui manderais. Les exemples que
vous lui citez ne l'arrêteraient pas, je crois, et elle a de bonnes
raisons pour cela, que je ne puis vous dire, mais qu'il vous est permis
de penser.
Si je consultais
quelqu'un, écrivait le roi le 3 septembre,
toutes les apparences sont qu'il penserait de même. Ce
quelqu'un avait-il été consulté ? On a dit et répété que Mme de la
Tournelle avait été l'Agnès Sorel de ce nouveau Charles VII, et l'avait
arraché à sa vie d'insouciance et de plaisirs, pour lui faire prendre
goût aux affaires de l'État et l'entraîner à se mettre à la tête de ses
armées : Vous me tuez, aurait dit
Louis XV — Tant mieux ! il faut qu'un roi
ressuscite, aurait répondu ardente maîtresse
196. Il faut ici laisser parler
Mme de la Tournelle. Elle-même va nous apprendre à quoi nous en tenir à
ce sujet. Le 3 septembre, le jour même où le roi écrivait au maréchal, —
on voit que le faible Louis XV n'était pas resté longtemps à imaginer
à lui seul et à balancer le commodo et
imcommodo, — Mme de la Tournelle s'adressait en ces termes au
maréchal de Noailles :
Je sais bien, monsieur le
Maréchal, que vous avez autre chose à faire qu'à lire mes lettres, mais
pourtant je me flatte que vous voudrez bien me sacrifier un petit moment
tant pour la lire que pour y répondre ; ce sera une marque d'amitié à
laquelle je serai très sensible. Le roi a eu la bonté de me confier la
proposition que vous lui faites d'aller à l'armée dès ce moment ; mais
n'ayez pas peur, quoique femme, je sais garder un secret. Je suis fort
de votre avis, et crois que cela sera très glorieux pour lui, et qu'il
n'y a que lui capable de remettre les troupes comme il serait à désirer
qu'elles fussent, ainsi que les têtes, qui me paraissent en fort mauvais
état, par l'effroi qui gagne presque tout le monde. Il est vrai que nous
sommes dans un moment bien critique. Le roi le sent mieux qu'un autre ;
et pour l'envie d'aller, je vous réponds qu'elle ne lui manque pas ;
mais moi ce que je désirerais, c'est que cela fut généralement approuvé,
et qu'au moins il recueillit le fruit qu'une telle démarche mériterait.
Pour un début, ne vaudrait-il pas faire quelque chose, et d'aller là
pour rester sur la défensive, cela ne serait-il pas honteux ? Et si d'un
autre côté le hasard faisait qu'il y eût quelque chose avec le prince
Charles, on ne manquerait peut-être pas de dire qu'il a choisi le côté
où il y avait le moins d'apparence d'une affaire. Je vous fais peut-être
là des raisonnements qui n'ont pas le sens commun, mais au moins
j'espère que vous me direz tout franchement que je ne sais ce que je
dis. N'imaginez pas que c'est que je n'ai pas envie qu'il aille, car
au contraire, premièrement, ce serait ne lui pas plaire, et en
second lieu, tout ce qui pourra contribuer à sa gloire et l'élever
au-dessus des autres rois, sera toujours fort de mon goût. Je crois,
monsieur le Maréchal, que pendant que j'y suis, je ne saurais mieux
faire que de prendre conseil de vous généralement sur tout. J'admets que
le roi part pour l'armée : il n'y a pas un moment à perdre et il
faudrait que cela fût très prompt. Qu'est-ce que je deviendrai ?
Est-ce qu'il serait impossible que ma soeur et moi le suivions, et au
moins, si nous ne pouvons pas aller à l'armée avec lui, nous mettre à
portée de savoir de ses nouvelles tous les jours. Ayez la bonté de me
dire vos idées et de me conseiller, car je n'ai point d'envie de rien
faire de singulier et rien qui puisse retomber sur lui et lui faire
donner des ridicules. Vous voyez que je vous parle comme à mon ami et
comme à quelqu'un sur qui je compte ; n'est-ce pas avoir un peu trop de
présomption ? Mais c'est fondé, monsieur le maréchal, sur les sentiments
d'amitié et d'estime singulière que vous a voués pour sa vie votre
Ritournelle 197.
J'ai voulu citer cette lettre tout entière, parce
qu'elle est singulièrement instructive, et qu'aucun document n'est plus
propre à nous éclairer sur la situation et la disposition du roi à cette
époque importante de sa carrière. C'est ici, bien mieux que dans les
lettres de Mme de Tencin, qui ont trop influé sur l'opinion
198, qu'on peut
juger Louis XV et apprécier le rôle de sa maîtresse. Ainsi le mouvement
d'ardeur et de bravoure est spontané chez le roi ; c'est sa maîtresse
qui, loin de l'exciter ou de rentretenir, intervient avec ses mesquines
vanités et son étroit égoïsme
199. Louis XV hésite alors de plus en plus. Bref, il ne part
pas.
Il partit pourtant un jour : le 3 mai 1744, il quittait Versailles pour
se mettre à la tête de son armée. D'Argenson écrit à ce moment :
Le roi fait merveille à
l'armée : il s'applique, il se donne grands mouvements pour savoir et
pour connaître, il parle à tout le monde. La joie est grande parmi les
troupes et les peuples en Flandre. Aurions-nous un roi ?
200
Barbier, de son côté, se fait l'écho de la
satisfaction publique :
On ne parle ici que des
actions du roi, qui est d'une gaieté extraordinaire, qui a visité les
places voisines de Valenciennes, les hôpitaux, les magasins ; il a goûté
le bouillon des malades, le pain des soldats. Il veut connaître tous les
officiers et leur parle avec politesse. Suivant les apparences, le roi
restera à l'armée jusqu'au mois d'octobre, et il n'est pas question de
femmes 201.
Mme de la Tournelle, — ou plutôt la duchesse de
Châteauroux, car elle avait ce titre depuis le 21 octobre 1743, — ne
suivait donc pas le roi 202.
Grande joie parmi le peuple, qui n'aimait point la favorite ! Mais tout
à coup, le 8 juin, on apprend le départ de la duchesse et de sa soeur
pour Lille 203 :
Mme de Châteauroux, bravant les ordres du roi et ne se contentant plus
des billets doux qu'elle recevait fidèlement, cédait aux instigations de
Richelieu, et venait reprendre une place qu'elle craignait qu'on ne lui
fit perdre 204.
Quelques jours plus tard elle écrivait à Richelieu :
Je suis au comble de la joie.
Prendre Ypres en neuf jours, savez-vous bien qu'il n'y a rien de si
glorieux ni de si flatteur pour le roi, et que son bisaïeul, tout grand
qu'il était, n'en a jamais fait autant ? Mais il faudrait que la suite
se soutînt sur le même ton, et que cela allât toujours de cet air-là. Il
faut l'espérer et je m'en flatte, parce que vous savez qu'assez
volontiers je vois tout en couleur de rose et que je crois que mon
étoile, dont je fais cas et qui n'est pas mauvaise, influe sur tout ;
elle nous tiendra lieu de bons généraux, ministres, etc. Il n'a jamais
si bien fait que de se mettre sous sa direction
205.
Pendant ce temps Louis XV, après avoir fait
dignement son métier de roi, s'exposait au feu
avec une résolution qui le faisait adorer de ses troupes
206.
On disait qu'il avait fait ses dévotions le jour de la Pentecôte
207. N'était-il pas
temps que Mme de Châteauroux vînt l'arracher à cette vie nouvelle, à ce
retour vers le devoir, à ces qualités de
bravoure, de soin et de bonté pour ses troupes, d'intelligence pour tous
les détails, de politesse pour les officiers et de travail pour les
affaires dont s'émerveillait le public ?
208 Le roi n'avait-il pas le
mauvais goût, depuis le renvoi d'Amelot (22 avril 1744), de vouloir être
lui-même son ministre des affaires étrangères ? Ne se montrait-il pas,
depuis qu'il était sorti de tutelle , attentif,
brave, prudent, exact, laborieux et surtout discret ?
209 Ne fallait-il
pas, en un mot, que la coterie dont la duchesse de Châteauroux était
l'instrument s'emparât de l'esprit du roi, qui s'émancipait un peu trop
? 210 Mme de
Châteauroux reconquit le roi à Dunkerque, et, quand la marche sur le
Rhin fut décidée, elle obtint de suivre le roi. A Laon, elle réunit
incognito dans un souper son royal amant et son mentor le duc de
Richelieu. A Reims, elle tomba malade, et déjà le roi ne s'entretenait
que de sa mort. Mais Louis XV ne s'arrêta qu'un jour et continua sa
route à marches forcées : Je sais me passer
d'équipage, écrivait-il, et, s'il le faut, l'épaule de mouton des
lieutenants d'infanterie me nourrira parfaitement
211. Enfin il
arriva à Metz.
On sait le reste : la maladie du roi, le soin jaloux que prit Mme de
Châteauroux d'écarter de son lit les vrais amis et le clergé, le retour
du roi mourant à la religion et au devoir, l'éclatant renvoi de la
maîtresse. Ce qu'on sait moins, c'est dans quels sentiments celle-ci
s'éloigna. Sa correspondance avec Richelieu nous fournit à cet égard des
révélations précieuses et que nous ne devons point négliger. La
duchesse, au lieu de gagner Paris, s'arrêta d'abord à Sainte-Menehould.
De Bar-le-Duc, elle fait connaître cette résolution à Richelieu : elle
ne peut croire que le roi meure ; tant qu'il aura la tête faible, il
restera dans la grande dévotion. Mais
dès qu'il sera un peu remis, je parie, écrit-elle,
que je lui trotterai furieusement dans la tête, et qu'à la fin il ne
pourra pas résister et qu'il parlera de moi, et que tout doucement il
demandera à Lebel ou a Bachelier ce que je suis devenue ; comme ils sont
pour moi, mon affaire est bonne. Elle se tient donc à portée.
En attendant, dit-elle, il faut souffrir avec
patience tous les tourments que l'on voudra me faire ; si il en revient,
je l'en toucherai davantage, et il sera plus obligé à une réparation
publique ; s'il en meurt, je ne suis pas pour faire des bassesses,
dût-il m'en revenir le royaume de France ; jusqu'à présent je me suis
conduite tel qu'il me convenait, avec dignité ; je me soutiendrai
toujours dans le même goût ; c'est le seul moyen de me faire respecter,
de faire revenir le public pour moi, et de conserver la considération
que je crois que je mérite... S'il en revient, que cela sera joli ! Vous
verrez, je suis persuadée que ceci est une grâce du ciel pour lui ouvrir
les yeux et que les méchants périront. Si nous nous tirons de ceci, vous
conviendrez que notre étoile nous conduira bien loin, et que rien ne
nous sera impossible.
On croirait peut-être que la maîtresse congédiée qui écrivait :
Je vous assure que je regretterai le roi toute
ma vie, car je l'aimais à la folie et beaucoup plus que je ne le faisais
paraître, vivait dans des angoisses cruelles sur l'état de
son royal amant. Qu'on lise cette seconde lettre, qui achève de peindre
Mme de Châteauroux 212.
Voici ce qui la préoccupait au moment où, renonçant à son premier
projet, elle s'acheminait vers Paris : Si vous
m'écrivez par la poste, mandez-moi simplement des nouvelles du roi, sans
aucunes réflexions ; mais je voudrais savoir comment Faquinet (Maurepas)
aura été reçu. Je compte sur des courriers de temps en temps. Qu'est-ce
que Mme de Boufflers dit de notre triste aventure ?... J'espère que vous
n'aurez pas de scènes à essuyer ; ce serait aussi trop fort... Tout ceci
est bien terrible... Tout ce que je voudrais par la suite, c'est que
l'on réparât l'affront que l'on m'a fait et n'être pas déshonorée
213.
Mais c'est assez nous occuper de Mme de Châteauroux. Voilà la maîtresse
fidèle et dévouée, l'amante du roi ramené dans le chemin de l'honneur et
de la gloire ! 214
Retournons près de ce lit de mort où Louis XV — on le lui a bien
reproché ! — fut assez faible pour s'humilier devant son créateur, et
pour faire un public aveu de ses fautes et de son repentir
215. La reine
arriva, et le roi moribond implora son pardon. Enfin la France en
larmes, la France qui, comme le remarque M. Michelet,
gardait beaucoup de cet amour de mère qu'elle
avait eu pour l'enfant Louis XV
216, apprit que le roi était
sauvé. Quelques jours plus tard, il assistait au siège de Fribourg ; le
12 novembre 1744, il rentrait dans Paris. Louis XV s'était ému des
témoignages d'affection de son peuple :
Qu'ai-je fait, disait il, pour être
tant aimé ? Pendant sa convalescence, il écrivait au maréchal
de Noailles :
Je serai ravi de vous revoir,
monsieur le Maréchal. Vous me trouverez avec bien de la peine à revenir
; il est bien vrai que c'est de la porte de la mort. Ce n'a pas été sans
regret que j'ai appris l'affaire du Rhin
217 ; mais
la volonté de Dieu n'était pas que j'y fusse, et je m'y suis soumis de
bon coeur, car il est bien vrai qu'il est le maître de toutes choses,
mais un bon maître. En voilà assez, je crois, pour une première fois
218.
Une crainte très répandue avait tempéré la joie
populaire à l'entrée de Louis XV dans Paris: la duchesse de Châteauroux
ne retrouverait-elle pas les faveurs royales ? Celle-ci n'en avait
jamais douté : elle écrivait en ce moment même à Richelieu :
J'ai une petite lettre toute prête, et que je
n'attends que le moment pour lui lâcher... Mais il faut bien prendre son
temps, car il ne faut pas manquer son coup.. je vous dis que nous nous
en tirerons, et j'en suis persuadée. Ce sera un bien joli moment ; je
voudrais déjà y être
219.
Mme de Châteauroux entrevoyait même un autre rôle, moins dangereux et
plus décent :
Je ne connais pas le Roi
dévot, mais je le connais honnête homme et très capable d'amitié... Il
restera dévot, mais point cagot ; je l'aime cent fois mieux, je serai
son amie, et pour lors je serai inattaquable. Tout ce que les Faquinet
ont fait pendant sa maladie ne fera que rendre mon sort plus heureux et
plus stable. Je n'aurai plus à craindre ni changements, ni maladie, ni
le diable, et nous mènerons une vie délicieuse
220.
Richelieu avait travaillé le roi, qui, entraîné par
la force de l'habitude, rebuté, dit-on, par la reine
221, revint à ses anciennes
amours. Ce fut toute une négociation, encore plus épineuse que celle de
1742. La duchesse mettait de nombreuses conditions à son retour : on
s'attendait à des mesures de rigueur et à de nombreuses mutations.
Ce sera un bien joli moment, avait
écrit Mme de Châteauroux ; et quand Maurepas était venu, le mercredi 25
novembre, sceller le traité au nom du roi, la maîtresse triomphante
avait répondu, du fond du lit où la retenait une indisposition :
Je suis fâchée de n'être pas en état d'aller,
dès demain, remercier le roi. Mais j'irai samedi prochain, car je serai
guérie.
Le joli moment ne vint jamais, et Mme de Châteauroux ne devait pas
reparaître à la cour : le samedi, elle était mourante ; quelques jours
plus tard, elle était morte.
La mort, qui avait épargné Louis XV, frappait encore une fois autour de
lui. Fut-il insensible à ses leçons et sourd à ses enseignements ? Que
va devenir le faible monarque ? De nouveaux liens, hélas ! vont
l'enlacer ; après un court interrègne, un nouveau règne va commencer,
règne long et funeste, car cette fois la maîtresse ne dominera pas
seulement l'homme : elle dominera le roi. Mme de Pompadour va être le
premier ministre d'une royauté avilie et dégradée.
V
Madame, dit
Louis XV à la duchesse de Lauraguais, la première fois qu'il la revit
après la mort de Mme de Châteauroux, Dieu vous
a frappée ; il m'a frappé aussi. Je croyais n'avoir qu'à désirer ; mais
Dieu en a disposé autrement. Il faut adorer sa main et s'y soumettre
222.
Grande et terrible leçon, en effet ! Louis XV s'enferma à la Muette,
puis à Trianon. Sa douleur fut telle, que le peuple s'en émut et que
l'inquiétude pour la santé du roi fit taire l'exaspération contre la
favorite 223. Louis
s'entretint avec son confesseur, le P. Pérusseau
224 ; quand il reparut au milieu
de la cour, on remarqua sa tristesse, sa pâleur et son amaigrissement.
Mais le combat qui s'était livré en lui à la mort de Mme de Vintimille
ne se renouvela pas ; rien ne montra un retour sincère à la religion.
Loin de là : à Noël, le roi ne fit pas ses dévotions
225 ; il continua à avoir pour la
reine le même éloignement et la même absence de
considération
226, et ce fut dans la société de la comtesse de Toulouse
qu'il alla chercher les distractions dont il avait besoin
227.

Esquisse du
portrait de Mme de Pompadour par Maurice-Quentin de la Tour
(pastel) |
|
Il lui en fallut d'autres bientôt. La chasse, les bals masqués, les
soupers entre hommes et le jeu
228 ne suffisaient pas ; une
nouvelle intrigue ne pouvait tarder à se nouer. Il est triste de dire
que pareille chose était tellement dans les moeurs du temps qu'elle
paraissait toute naturelle : Le vulgaire est
plus joyeux qu'autrement de cette mort, disait Barbier en
parlant de la mort de Mme de Châteauroux, et
voudroit que le Roi, sans sentiment, en prit demain une autre
229. La maîtresse
attendue ne fut pas longtemps à paraître : Tous
les bals masqués, écrit le duc de Luynes, ont donné occasion de parler
de nouvelles amours du roi, et principalement d'une Mme d'Étioles, qui
est jeune et jolie ; sa mère s'appelait Poisson... Si le fait était
vrai, ce ne serait vraisemblablement qu'une galanterie et non pas une
maîtresse 230.
C'est le 10 mars 1745 que le duc de Luynes s'exprime ainsi ; six
semaines plus tard, il écrit : On continue à
parler et même plus que jamais sur Mme d'Étioles, et ce qui paraissait
douteux il y a peu de temps est presque une vérité constante ; cependant
on n'ose en parler publiquement
231. Mais le roi, dont on remarqua
les propos de plus en plus libres
232, ne tarda pas à bannir toute
pudeur, et, dans le premier carême qui suivit la maladie de Metz
233, on le vit
faire asseoir à sa table la fille d'un maltôtier, et laisser tomber la
couronne de saint Louis aux pieds d'Antoinette Poisson ! |
Ces nouvelles amours furent pourtant interrompues par l'exercice du
métier de roi, que Louis XV avait rempli dignement l'année précédente,
et auquel, on doit le reconnaître, il ne renonça pas pendant tout le
cours de la guerre de succession d'Autriche
234. Dès le mois de mars, le
voyage de Flandre était publiquement annoncé
235 ; le 6 mai, Louis XV,
accompagné du jeune dauphin
236, partait pour l'armée ; le 8, il était devant Tournay ;
le 11, il assistait à la bataille de Fontenoy. On connaît la noble
attitude du Roi sur le champ de bataille. Les éloges les plus sincères
et les plus dignes de foi lui ont été décernés à cet égard par les
contemporains. On a cité souvent la lettre du marquis d'Argenson à
Voltaire, où il écrit : Le vrai, le sûr, le non
flatteur, c'est que c'est le Roi qui a gagné lui-même la bataille par sa
volonté, par sa fermeté
237 ; on a vanté, avec la bravoure de Louis
XV, son sang-froid, son humanité, sa générosité
238. Je reproduirai ici deux
témoignages moins connus. Le premier est celui du dauphin écrivant à sa
mère 239 :
Ma chère maman,
Je ne puis vous exprimer ma joie de la victoire de Fontenoy que le Roi
vient de remporter. Il s'y est montré véritablement Roi dans tous les
moments, mais surtout dans celui ou la victoire ne sembloit pas devoir
pencher de son côté. Car alors, sans s'ébranler du trouble ou il voyoit
tout le monde, il donnoit lui-même les ordres les plus sages avec une
présence d'esprit et une fermeté que tout le monde n'a pu s'empêcher
d'admirer 240.
Dans une lettre au ministre de la guerre, le
maréchal de Saxe s'exprime en ces termes sur le Roi :
Je ne saurois vous faire
d'assez grands éloges de la fermeté de son air et de sa tranquillité. Il
a vu pendant plus de quatre heures la bataille douteuse ; cependant
aucune inquiétude n'a éclaté de sa part ; il n'a troublé mon opération
par aucun ordre opposé aux miens, qui est ce qu'il y a de plus à
redouter de la présence d'un monarque environné d'une cour qui voit
souvent les choses autrement qu'elles ne sont. Enfin le Roi a été
présent pendant toute l'affaire et n'a jamais voulu se retirer, quoique
bien des avis fussent pour ce parti là pendant toute l'action
241.
Louis XV passa quatre mois à l'armée, menant une
vie active, ne soupant plus, et ne faisant trêve au travail assidu avec
ses ministres et aux courses à cheval, que pour donner quelques instants
au jeu dans les heures de loisir
242. Quand il revint, au milieu
des acclamations populaires
243, c'est que, comme il le disait, il n'y avait plus rien à
faire 244.
Mme d'Étioles n'avait point suivi le roi
245 ; elle était restée à Étioles,
où sans cesse elle recevait des courriers de l'armée
246. Au retour de Louis XV, elle
était déjà la marquise de Pompadour ; le 15 septembre
247, elle était présentée
officiellement à la cour par la princesse de Conti.
Chose étrange ! cette bourgeoise, cette parvenue, que les courtisans
n'avaient pas cru possible comme maîtresse, sut désarmer le dédain et
l'hostilité, et se faire accueillir presque avec faveur :
Il me paraît, écrit un mois plus tard le duc de
Luynes, que tous les avis se réunissent à dire que Mme de Pompadour est
remplie de tout le respect possible pour la reine, que son caractère est
la gaieté et la douceur, qu'elle est polie et a un fort bon maintien
248. Quelques jours
après, il dit encore, parlant de la vie du roi :
Dés que le Roi est levé et
habillé, il descend chez Mme de Pompadour ; il y reste jusqu'à ce qu'il
aille à la messe ; il y redescend et y mange un potage et une côtelette,
car Sa Majesté ne dîne point ; il y reste jusqu'à cinq ou six heures :
c'est l'heure du travail. Les jours de conseil, il descend avant et
après. Il paroit que tout le monde trouve Mme de Pompadour extrêmement
polie; non seulement elle n'est point méchante et ne dit de mal de
personne, mais elle ne souffre pas que l'on en dise chez elle. Elle est
gaie et parle volontiers
249.
En se rappelant la hauteur et les exigences de
l'ancienne favorite, on s'applaudissait de ces débuts. Ce qui disposait
encore à l'indulgence les courtisans — même les plus honnêtes et les
plus rigoristes, comme le duc de Luynes, — c'est que le
peu de considération que, depuis
plusieurs années, le roi avait montré pour la reine, fit place à une
attitude convenable et parfois suffisamment empressée, et à des
attentions inaccoutumées 250
; on faisait honneur de ce changement à Mme de Pompadour
251. Le 1er janvier 1746, on
remarqua que, chose exceptionnelle, la reine reçut des étrennes
252. Quand, le 2
mai suivant, Louis XV repartit pour l'armée, il y eut entre les époux
des marques inusitées de tendresse
253.
La fascination exercée par Mme de Pompadour fut aussi courte
qu'éclatante elle fut une maîtresse bien moins qu'un ministère, a-t-on
dit d'elle 254.
Avant de sortir du pouvoir 255,
le marquis d'Argenson écrivait déjà :
Tous les ballets de la cour
roulent aujourd'hui sur le même sujet de la pastorale d'Issé ; on y
représente une bergère aimée d'Apollon et qui l'aime sans savoir sa
divinité ; elle emporte le prix du chant et de la danse, elle joue la
comédie, imite et contrefait tout ce qu'elle veut, la passion et même la
vertu quand il faut. L'éducation a perfectionné la nature pour exceller
dans le rôle qu'elle devait jouer ; c'est le gracieux instrument de
tristes desseins. Elle s'est prodigieusement enrichie, elle est l'objet
de la haine publique. Le roi croit la gouverner ; elle le conduit, elle
lui fait voir du mérite dans ceux qui n'en ont ni la réputation ni les
apparences. C'est une amitié adroite et impérieuse, plutôt qu'une
véritable passion, qui produit tant d'effets dans notre gouvernement ;
encore une passion violente aurait-elle l'espérance d'un changement, les
reproches de la conscience et l'efficacité du cri public
256.
D'un autre côté le duc de Luynes, qui enregistre
fidèlement les soupers du roi chez la marquise et jusqu'aux bruits de
grossesse 257,
écrit à la date du 13 mai 1746 :
On me contoit il y a quelques
jours une conversation du Roi avec Mme de Pompadour. Le Roi monta chez
elle rempli d'un sermon du P. Bourdaloue ; il lui fit part des
réflexions que ce sermon lui avoit fait faire, et lui demanda si elle
vouloit qu'il lui fît la lecture du reste de ce sermon, qu'il n'avait
pas achevé. Mme de Pompadour ne parut pas goûter la proposition. Eh
bien ! lui dit le Roi, je m'en vais donc chez moi continuer ma
lecture, et il descendit aussitôt. Mme de Pompadour resta seule,
fondant en larmes 258.
Ce qui était mieux encore que de ne pas subir
aveuglément le joug d'une femme qu'on s'accorde à représenter comme
charmante, pleine de séductions et d'esprit, c'était de rester Roi.
Louis XV avait reparu en 1746 au milieu de son armée, et, rappelé par
l'approche des couches de la dauphine, il témoigna à plusieurs reprises
son impatience de retourner en Flandre
259. En 1747, il fut quatre mois
absent ,et gagna eu personne la bataille de Lawfeld,
par une protection marquée de la sainte Vierge,
comme il l'écrivait à la reine
260 ; au retour de Berg-op-Zoom,
il fut reçu par le peuple avec les démonstrations les plus vives
261. Les affaires
de la diplomatie n'étaient pas conduites avec moins de zèle que celles
de la guerre. Le roi poursuivait un grand dessein, le rétablissement de
l'influence française en Italie, et il le fit avec beaucoup
d'intelligence, comme en témoignent ses instructions diplomatiques,
presque entièrement écrites de sa main
262.
Nous rencontrons ici pour la première fois la politique de Louis XV : à
côté du système publiquement proclamé et soutenu par les ministres du
roi, nous trouvons une autre politique, inavouée, secrète et personnelle
à Louis XV. Dès 1740 ou 1741, le prince de Conti avait commencé à
travailler avec lui, à l'insu du cardinal de Fleury, et en 1743 ou 1744,
la correspondance politique secrète avait été établie
263. Cette politique avait son
plan déterminé, ses agents spéciaux, ses moyens d'action particuliers.
En décembre 1744, nous voyons Louis XV envoyer son 'ultimatum' sur la
paix à son ministre des affaires étrangères
264 ; en 1745, il donne lui-même
ses instructions à Champeaux, envoyé à Turin, et l'entretient au retour
avec toute l'intelligence, la finesse et
l'activité d'un premier ministre
265.
Mais ce n'était là qu'un côté de la politique royale. Louis XV ne
tournait pas seulement ses yeux du côté de l'Italie ; ses vues
s'étendaient sur l'Europe entière. Laissons le comte de Broglie nous
initier au plan de la politique secrète à ses débuts :
Ce fut au commencement de
1745 qu'il arriva un certain nombre de seigneurs polonais à Paris,
chargés de la procuration de quelques autres, pour offrir à ce prince
(le prince de Conti), leur désir pour son élection éventuelle à la
couronne de Pologne. Le Roi permit à M. le prince de Conti d'écouter ces
propositions et de faire toutes ses dispositions en conséquence. Il
falloit beaucoup de travail pour préparer les moyens de cette élection :
c'est ce qui donna lieu à la formation du système général de politique
dont M. le prince de Conti fut l'auteur. On ne peut pas disconvenir
qu'il n'eût été fait conformément aux véritables principes et selon les
intérêts de la France. Il consistoit à garder en Europe l'équilibre
établi par les traités de Westphalie, à protéger les libertés du corps
germanique, dont la France étoit garante par ses traités ; à lier, par
un autre traité perpétuel, la Turquie, la Pologne, la Suède et la
Prusse, sous la médiation et ensuite avec l'accession de la France ; et
enfin à séparer par ce moyen la maison d'Autriche d'avec la Russie, en
rejetant cette dernière dans ses vastes déserts, et la reléguant pour
les affaires hors des limites de l'Europe
266.
Des influences rivales régnaient alors dans les
conseils du roi. Le maréchal de Noailles conservait encore une partie de
l'ascendant que nous lui avons vu prendre, et que sa mission en Espagne
vint confirmer ; le prince de Conti, qui n'était point admis au conseil
et qu'éloignaient ses commandements militaires, voyait souvent son
action paralysée ; enfin le marquis d'Argenson, sans avoir été ce
ministre patriote et ce grand politique qu'on s'est plu à célébrer
267, eut son temps
de faveur et sa part d'influence dans les affaires, jusqu'au jour où sa
légèreté et ses imprudences le rendirent la
fable et le jouet de tout le royaume et de l'Europe entière
268.
C'est en 1746 que le prince de Conti, préparé de longue main par un
travail sérieux et assidu à s'occuper des affaires de l'État
269, prit une part
de plus en plus prépondérante à la politique extérieure. En février et
en avril, il est des voyages de Choisy
270 ; en août, le roi le fait
revenir de Flandre et l'emmène avec lui à Choisy et à Crécy
271. Le marquis
d'Argenson se plaint à ce moment de l'influence de Conti, de ses
intrigues pour se faire nommer roi de Pologne
272, et constate que le prince
travaille souvent avec le roi, et porte un
portefeuille, sans que l'on comprenne ce qu'il y a à dire, depuis qu'il
n'y a plus d'armée à commander
273. De son côté, le duc de Luynes
écrit en novembre 1746 : M. le prince de Conti
partit d'ici il y a trois ou quatre jours... Son séjour ici a été assez
long ; il a travaillé son vent avec le roi et plusieurs fois avec M.
d'Argenson. On a de la peine à comprendre quel peut être l'objet de ce
travail 274.
Le 10 janvier 1747, le marquis d'Argenson sortit du ministère, et
Puisieux le remplaça. Tandis que la diplomatie officielle négociait le
traité d'Aix-la-Chapelle, que Louis XV, ne voulant plus de la politique
à boulets rouges 275
et prétendant traiter non en marchand mais en
roi 276,
abandonnait toutes ses conquêtes, consacrait l'affaiblissement de la
France et l'accroissement de la Prusse, la politique secrète
s'organisait et étendait ses ramifications
277. Il ne faudrait pas d'ailleurs
voir à cette époque, entre les deux politiques, un antagonisme qui n
existait point encore : il parut plus beau et
plus utile à la cour de France de ne penser qu'au bonheur de ses alliés,
que de se faire donner deux ou trois villes de Flandre, qui auraient été
un éternel objet de jalousie
278.
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Notes
01 - Biogr. universelle,
art. Louis XV.
02 -
Le despotisme augmentera-t-il ou diminuera-t-il en
France ? écrit le marquis d'Argenson en 1752.
Quant à moi, je tiens pour l'avènement du second
article et même du républicanisme. J'ai vu de nos jours diminuer
de respect et l'amour du peuple pour la royauté. Louis XV n'a su
gouverner ni en tyran ni en bon chef de république ; or, ici, quand on
ne prend ni l'un ni l'autre rôle, malheur à l'autorité royale !
(T. VII, p, 242).
03 - A deux ans, Louis XV
manqua mourir. Il faut lire les lettres de Mme de Ventadour et du
maréchal de Villeroy à Mme de Maintenon, pour voir les transes
continuelles par lesquelles on passa. Soulavie, dans ses mém. du
maréchal de Richelieu, dit que Louis XV étoit
cacochyme et n'eut longtemps qu'une peau jaune et luisante collée sur
les os. Toute l'Europe, ajoute-t-il,
desespéroit de ses jours on attendoit une mort prochaine (t.
III, p. 349).
04 - Lemontey. Hist. de la Régence, t. II, p. 55
et suiv. ; M. Henri Martin, Hist. de France, t. XV, p. 116-117 ;
M. Michelet, la Régence, p. 368-70; M. Jobez, La France sous
Louis XV, t. II, p. 302-304. Si l'on veut avoir un exemple de la
véracité de Lemontey, qu'on compare le texte de Dangeau, cité par lui à
la date du 18 avril 1716, au passage de son Histoire de la Régence.
Dangeau écrit : Le roi vit dans la salle des
Suisses un petit vol d'oiseaux qu'on avoit dressés à prendre des
moineaux. Lemontey cite Dangeau de la sorte :
Dans une vaste salle remplie d'un millier de
moineaux, des oiseaux de la fauconnerie, nichés en sa présence, en
faisaient un facile carnage, et lui donnaient en divertissement
l'effroi, les cris, la destruction des victimes et la pluie de leur sang
et de leurs débris (t. II, p. 58).
05 - Lettres de Mme de Maintenon, publ. par La
Beaumelle, t, VII, p. 28.
06 - Ibid., p. 82. Dangeau écrit aussi à la date
du 19 octobre 1715 : Le roi se porte à
merveille, et devient tous les jours plus joli, et par l'esprit et par
ses manières polies (T. XVI, p. 213) ; et Marais, en
racontant l'entrée du jeune roi dans Paris : Il
parut beau, bien fait, portant son chapeau de bon air, mais un peu pâle.
(T. I, p. 192.)
07 - Correspondance
complète de Madame, duchesse d'Orléans, publ. par M. C. Brunet. T.
I, p. 152. Cf. p. 284 et 305.
08 - Voir les lettres ci-dessus citées : Dangeau, t.
XVI, p. 358, 426; Buvat, t. I, p. 47 ; Marais, t. I, p. 194 et suiv. On
remarquait l'attention surprenante avec laquelle, dès l'âge de six ans,
le jeune roi écoutait les prédicateurs (Dangeau, t. XVI, p. 335, 343,
347, 511). Buvat rapporte (t. I, p. 243) l'anecdote suivante (janvier
1717) : Comme le roi est d'une vivacité
extraordinaire, Sa Majesté demanda à M. Bentivogilo. nonce du Pape :
Monsieur le nonce, combien y a-t-il eu de papes jusqu'à présent ? Le
nonce ayant hésité et n'ayant pu on dire le nombre au juste, le roi
répliqua : Vous ne savez pas le nomhre des papes, et moi je sais bien
combien il y a eu de rois en France jusqu'à moi, qui suis encore un
enfant. On fut étonné de l'entendre les nommer l'un après l'autre
suivant leur chronologie. — On
remarque surtout, dit Marais (septembre 1715, t. I, p. 195)
un esprit vif, attentif et plaisant.
Voir les anecdotes qu'il rapporte. Au lit de justice du 12 septembre
1715, on remarqua la bonne attitude du petit roi, l'air ferme et assuré
avec lequel il débita son petit discours et l'attention qu'il prêta à
tout. (Marais, t. I, p. 200-201.)
09 - Lettre du 19 octobre 1714 à Mme de Maintenon,
l. c., p. 30. Depuis sa naissance, l'enfant était sujet à des fontes
sur lesquelles sa gouvernante et Dangeau reviennent souvent, et qui plus
d'une fois causèrent des alarmes.
10 - Lettre à Mme de Ventadour, de juin 1715.
11 - Je vous assure, Madame,
que je donne souvent congé aux maîtres et que nous faisons nos leçons
ensemble en riant : il aura de l'esprit à tout. Le gouverneur mettra an
oeuvre pour moi. Je n'ai qu'une jolie matière à lui remettre entre les
mains, et elle se prêtera sûrement à toute l'industrie de l'ouvrier.
Lettre de Mme de Ventadour, du mois de juin 1715.)
12 -
On me demande sa santé sur toutes choses,
écrit-elle en 1715 ; je commence à en être
certaine, et je ne me vanterai des peines qu'il m'a données que lorsque
j'aurai le bonheur de l'avoir remis entre les mains du roi. —
Et encore : Que je serais heureuse si ce que je
fais pour lui, je le faisais pour Dieu !
13 - Lettre de Mme de Caylus, du 3 décembre
1716, l. c., t. VI, p. 236. Voir à ce sujet Dangeau, t. XVI, p. 460-61 ;
Buvat,t. I, p. 52, 155 ; Marais, t. I, p. 195.
14 - Lettre de 1716, t. VII, p. 60. -
15 - Il n'en était pas toujours ainsi dans la première
jeunesse, s'il faut en croire Dangeau qui, à propos des cris de vive
le Roi ! poussés à la vue du jeune prince, dit qu'il prenait grand
plaisir à entendre ces cris-là (t. XVII, p. 72).
16 - Voir la
Correspondance de la duchesse d'Orléans, t. I, p. 318 ; Dangeau, t.
XVII, p. 23 et suiv. Ah ! maman,
disait l'enfant, en répondant à sa gouvernante qui faisait appel à la
raison, je ne reconnais plus de raison quand il
faut m'éloigner et me séparer de vous.
17 - Voir sur l'abbé Vittement, Daugeau, t. XVI, p.
365, et t. XVIII p. 49 (avec les annotations de St-Simon.)
18 - Lettres à Mme de Maintenon.
19 - Il lui faisait faire cependant d'utiles et
instructives promenades à l'Observatoire, à la plaine de Grenelle, à
Bercy, etc. Voir Dangeau, t. XVI, p. 393, 480, 507 ; t. XVII, p. 136.
Dans une de ces promenades, le roi voulut aller lui-même faire grâce à
un déserteur. Il témoigna beaucoup d'impatience
que le prisonnier arrivât, et dés qu'il fut à portée de lui, il cria :
Grâce ! (17 décembre 1716). Voir aussi Buvat, t. I, p.
160.
20 - Voir le trait de générosité que cite Buvat, en
juin 1718 (t. I, p. 322), et la marque de respect donnée en 1720 au
St-Sacrement, rapportée par Dangeau (t. XVIII, p. 268).
21 - D'Argenson, t. II, p. 259. On sait la haine que
portait d'Argenson au vieux cardinal.
22 - Voir les témoignages de Daugeau et de Buvat, cités
plus haut. Le maréchal de Villars dit de Fleury :
L'évêque de Fréjus, homme d'esprit, n'oubliait aucun de ses devoirs.
(Collection Michaud, p. 278.)
23 - Versions du roi Louis XV : 1° ms. fr. 1757, in-4°
de 12 ff. Ce cahier est terminé par la signature du roi et par cette
annotation Hæc themata, a Ludovico decimo
quinto scripta et composita, a mense junio usque ad julium ann. 1717,
missa sunt ad bibliothecam regiam in ea asservanda, die 3° julii ann.
1717. Ludovicus. — Et au bas :
De par le Roy,
Andréas Hercules,
Episcopus Forojuliensis
regis præceptor.
2°, Ms. fr. 2322 (Instruct. religieuses, passages de
l'Évangile et des actes des Apôtres, catéchisme du roi), in-4° de
387 ff. (juillet 1717 et mois suiv.). — 3°, Ms. fr. 2324 (Choix des
plus beaux endroits de la vie de saint Louis), in-4° de 348 ff.
(1717-1720). — 4°, Ms. fr. 1755 (extraits de la Genèse, du Lévitique
et des Nombres), in-4° de 394 ff. (1718-19). — 5°, Ms. fr. 1756 (extraits
de l'Imitation et des Proverbes, avec les définitions principales du
catéchisme), in-4° de 290 ff. (1720-21). — 6°, Ms. fr. 2325 (Fables),
in-4° de 183 ff. (1722). — 7°, Ms. fr. 2323 (Apophtegmes), in-4°
de 237 ff. (1722-23).
24 - Ms. la., 2322. Voici
encore un extrait des morceaux traduits par l'élève de Fleury :
J'avoue que jusqu'à présent je ne me suis pas
servi de toutes les formes de mon esprit pour apprendre et pour exercer
les choses qui sont les meilleures et les plus honnêtes ; mais j'espère
que dans la suite je m'en servirai de manière que ceux qui m'aiment d'un
coeur sincère seront remplis d'une très grande joie. Les grandes
qualités sans l'art de s'en bien servir sont non seulement inutiles mais
aussi pernicieuses. Ms fr. 2322, fol. 199 v°-200.)
25 - Buvat, t. I, p. 422.
26 - Ibid.
27 - Le roi alla faire la
revue du régiment colonel (septembre 1718), mit pied à terre, et il
paraît qu'il se divertit beaucoup à voir les troupes, et fait même
beaucoup de questions pour s'instruire. (Dangeau, t. XVII, p.
386.)
28 - Voir Dangeau, t.
XVII et XVIII, passim ; Buvat, t. I, p. 442.
29 - Dangeau, t. XVIII, p. 244.
30 - Édit. Hachette, in-12, t. XI, p. 258. Dangeau dit,
contrairement à Saint-Simon, que le roi fit à
son entrée au conseil, un petit compliment a de la meilleure grâce du
monde, ce que Saint-Simon taxe de faux dans ses annotations.
Dangeau ajoute Durant le conseil même, il lit
quelques questions fort à
propos. (T. XVII, p. 236.)
31 - Buvat raconte que le maréchal de Villeroy
apostrophant un jour ce chat, qui avait égratigné le roi, Louis XV
répondit : Or ça, mon grand papa, ne savez-vous
pas bien que mon chat n'aime pas plus les remontrances que mon oncle le
Régent ? (T. II, p. 237.)
32 - Mémoires, l. c., p. 278.
33 - Éd. in-12°, t. XI, p. 223.
34 - Voir les lettres de la duchesse d'Orléans,
t. II, p. 9, 363 ; Marais, t. II, p. 253 ; Saint-Simon, loc. cit.
; Villars, p. 278 et 317 ; Barbier, t. I, p. 257 et 360, etc.
35 - Voir la curieuse
anecdote que rapporte la duchesse d'Orléans, dans une lettre du 26 mars
1722. (T. II, p. 363.)
36 - Voir Saint-Simon, t. XI, p. 411. Cf. Villars, p.
278.
37 - Saint-Simon, t. XIII, p. 223-224.
38 - Et aussi l'heureux développement de ses facultés.
Peu à peu, sous la mauvaise direction de Villeroy, l'ivraie étouffa le
bon grain. Voir Dangeau, t. XVII, p. 83 ; Buvat, t. I, p. 265-66.
39 - Voir Dangeau, t. XVIII, p. 230 et passim ; Marais,
t. II, p. 31, 38, 109.
40 - La France pour l'enfant
avait tous les amours, mère, amante et nourrice. (Michelet,
Louis XV, p. 19).
41 - Il s'est acquitté de
toutes ses fonctions avec une grâce merveilleuse, écrit
Marais, et en habit de novice, il ressemblait à
l'Amour. (T. II, p. 364).
42 - Journal et Mém. du marquis d'Argenson, t.
II. p. 87. Le sacre eut lieu le 25 octobre 1722.
43 - Journal de
Barbier, éd. Charpentier, t. I, p. 238.
44 - On n'est pas content de
la hauteur que le maréchal donne au roi, écrit Marais le 3
mars 1722. Pourtant Marais dit plus loin Tout
Paris est consterné de la détention du maréchal, qui est fort aimé parmi
le peuple. (t. II, p. 253 et 225). Il est certain qu'il y eut
toujours à la cour, parmi certaines gens, un parti pris de dénigrement.
45 - Le roi avait dix ans,
mais élevé et tenu de façon qu'il était encore bien plus jeune que son
âge. Saint-Simon, Additions à Dangeau, t. XVIII, p.
204.
46 - Voir dans le curieux Journal du marquis de
Calvière (Portraits intimes du XVIIIe siècle, par MM. de
Goncourt, 2° série), les amusements du roi en 1722 : Jeu au volant, à la
queue du loup, au moine, etc. ; illuminations avec de petites
bougies, jeunes chats qu'il tourmente, chocolat et omelettes faits par
lui (p. 123 à 155, passim). Les actions du roi
ne sont que des enfances, écrit Marais (t. III, p. 106). Dans
sa maladie de février 1723, il s'amuse comme un
enfant. (Ibid., t. II, p. 409.)
47 - Le roi monta à cheval pour la première fois le 7
mai 1720. (Dangeau, t. XVIII, p. 283). Il commença à tirer en juillet
1720 et fit ses premières prouesses à la chasse quelques jours après. (Ibid.,
p. 314 et 324)
48 - Marais, t. III, p. 45.
49 - Dés le mois de novembre 1722, Louis XV annonçait
cet amour du jeu ; en juillet 1724, il joue un
jeu affreux. (Marais, t. II, p. 370 et t. III, p. 116)
50 - Voir Marais, t. III, p. 32.
51 - Marais, t. II, p. 306, 317 ; le marquis de
Calvière, p. 141.
52 - Il n'est permis à
personne de lui parler ni de sa santé, ni de son éducation. Le tout va
comme il peut. Marais, t. III. p. 132 (août 1724)
53 - Marais constate (t.
II, p. 83) que Louis XV s'est trouvé homme à onze ans, et, en 1724, le
maréchal de Villars écrit (p. 304) : Il n'est
question que de chasse, de jeu et de bonne chair, peu ou point de
galanterie, le roi ne tournant point encore ses beaux et jeunes regards
sur aucun objet. Les dames sont toujours prêtes, et l'on ne peut pas
dire : le Roi ne l'est pas, parce qu'il est plus fort et plus
avancé à quatorze ans et demi que tout autre jeune homme à dix-huit.
54 - Ainsi le roi trouvait charmant de lasser le
maréchal de Noailles par une marche trop prolongée, de faire mouiller sa
suite, de donner des soufflets à son valet de chambre, de lancer du
fromage mou au visage d'un prélat — bouffon, il est vrai, — de
faire en un mot toutes sortes de malices.
Voir Calvière, p. 118 et 127, et Marais, t, II, p. 307 ; t, III, p. 75,
76, 110, 112.
55 - Voir Marais, t. II, p. 325-26 ; Saint-Simon, t.
XI, p. 401-402, etc.
56 - T. II. p. 328, Cf. p. 330, et t. III, p. 113.
57 - Villars, p. 278 ; Marais, t. II, p. 428 ; Buvat,
t. Il, p. 237, 282.
58 - T. II, p. 443.
59 - Mémoires, t. XII, p. 17-19.
60 - Journal de France
et de la cour du Régent par le duc de Richelieu, dans les Pièces
inédites sur les règnes de Louis XII, Louis XV et Louis XVI, t. II,
p. 194 (févr. 1722).
61 - Voir Marais, t. II, p. 319-20, 322. Cf. t. III, p.
114. Voir aussi Barbier, t. I. p. 360-62.
62 - Mém. du maréchal duc de Richelieu, t. III,
p. 341.
63 - Journal de Dangeau, t. XVIII, p. 268.
64 - Correspondances de la duchesse d'Orléans,
t. II, p. 367.
65 - Les dames le suivent,
dit Marais en 1724, mais il ne les aime ni ne
les regarde. (T. III,p. 110.)
66 - Le roi a su que Bontemps
le père, un de ses premiers valets de chambre, avait amené à Versailles
sa maîtresse, appelée Zénobie, et qu'il avait dîné avec elle. Il a
demandé à son fils avec qui il avait dîné. — Avec mon frère, Sire. — Et
qui encore ? ne me mentez pas. — Il a fallu dire la fille. Le roi a
envoyé ordre à Bontemps de la faire sortir sur-le-champ de Versailles et
de ne point paraître devant lui. (Marais, t. II, p. 407,
février 1723)
67 - Le marquis de Calvière, p. 138.
68 - Voir Marais, t. II, p. 443 ; Barbier, t. I, p.
368. Il ne paraît pas qu'on ait réussi dans le
dessein du voyage de Chantilly. Le roi ne songe qu'à chasser.
Et Barbier ajoute : J'avoue en mon particulier
que c'est dommage, car il est très bien fait et très beau prince mais si
c'est son goût, qu'y faire ? — Cf. sur la pureté des moeurs
du jeune roi, Soulavie. (Mém. du duc de Richelieu, t. IV, p.
64-65, et t. V, p. 30 et 53.)
69 - T. II, p. 57.
70 - Le marquis de Calvière, p. 150.
71 - Voir dans la Revue rétrospective, t. XV, p.
162-214, les curieuses pièces, extraites des archives du royaume,
relatives à ces négociations. Il y a
là une lettre du roi de Sardaigne au duc de Bourbon, où il dit :
Il y avait quelque chose de mieux et de plus
convenable que ce choix, que tout le monde condamne, et qui, joint à
tout ce qu'il a paru depuis que vous êtes dans le ministère, ne donne
pas une grande idée de votre conseil.
72 - Voir Villars, p. 316 ; Barbier, t. I, p. 408 et
suiv. ; lettre de Math. Marais, t. III, p. 359.
La conduite du roi a trompé tout le monde,
écrit Barbier. Voir aussi, sur les prouesses du jeune mari, la lettre du
duc de Bourbon au roi Stanislas, dans la Revue rétrospective, t.
XV, p. 213 ; une lettre de Voltaire à la présidente de Bernières, du 17
Septembre 1725, et la lettre de Marais.
73 - Dés le mois de janvier 1726, la Reine se plaignait
à Villars des changements qu'elle voyait dans
l'amitié du roi, et elle portait plainte également à Fleury,
qui répondait assez sèchement : ce n'est pas ma
faute. (Mém. de Villars, p. 320. Cf. p. 327) Cependant
le président Hénault accuse formellement Fleury d'avoir brouillé le roi
et la reine. (Mémoires, p. 148-149)
74 - Voir Villars, p. 304, 308, 321, 326, 329, 337,
345, 361, 376 ; Barbier, t, I, p. 372, 379, 401, 436, t. II, p. 61, 110,
166. Journal de Narbonne, publié par M. Le Roi (1866), p. 148,
295 et 513.
75 - Voir le Journal de
Barbier, t. I, p. 408-411, t. II, p. 49. Louis XV eut de Marie Leczinska
dix enfants, dont voici l'ordre de naissance : 1° Louise-Élisabeth, 14
août 1727 ; 2° Anne-Henriette, 14 août 1727 ; 3° Marie-Louise, 28
juillet 1728, 4° Louis, dauphin, 4 septembre 1729 ; 5° le duc d'Anjou,
30 août 1730 ; 6° Marie-Adèlaïde, 23 mars 1732; 7° Mme Victoire, 11 mai
1733 ; 8° Mme Sophie, 27 juillet 1734 (en avril 1735 la reine fit une
fausse couche) ; 9° N..., née le 16 mai 1736 ; 10° Louise-Marie, née le
17 juillet 1737.
76 - Journal, t. I, p. 409.
77 - Journal de Barbier, t. II, p. 110. Cf. p. 166.
78 - Mém. de Villars, p. 325-26. Lettre du
marquis de Silly, dans les Pièces historiques publiées par
Soulavie, t. II, p. 249. Lettres de Math. Marais, t. III, p.
425-430.
79 - Ce texte est celui des Mém. de Villars.
Lemontey a donné (t. II, p. 261), la version suivante, d'après un
manuscrit de la Bibl. de l'Arsenal : Madame, ne
soyez point surprise des ordres que je donne. Faites attention à ce que
M. de Fréjus vous dira de ma part, je vous en prie et je vous l'ordonne.
80 - Lettre du 9 février
1726, Pièces historiques, t. II, p. 231.
81 - Mém. du duc de Richelieu, t. IV, p. 130, et
Pièces historiques, l. c.
82 - Lettre du 14 juillet 1726, Pièces historiques,
t. II, p. 240.
83 - Lettre du 28 juin, l. c., p. 257. — Le duc
de Luynes rapporte une conversation qui eut lieu, vers 1725, entre
Fleury et l'abbé de Pomponne, et dans
laquelle celui-ci dit au cardinal :
Souvenez-vous de ce que vous me dîtes il y a deux ans : que vous
trouviez dans le roi la mémoire la plus heureuse, mais que vous n'étiez
pas aussi content de l'étendue de son esprit et encore beaucoup plus
affligé de lui voir autant d'irrésolution. (T. V, p. 112.)
84 - Mém. de Villars, p.
303.
85 - Id., p. 348.
86 - Id., ibid.
87 - Lettre du 21 mai 1727, l. c., p. 258. Bien des
pamphlets circulèrent alors sur l'enfance tardive du roi et sur
l'administration du vieux cardinal. Nous
extrayons le passage suivant d'une Lettre de six François écrite à
Henri IV, en janvier 1731 (ms. fr. 15231, f. 134) :
Vous estiez un grand Roy et un bon Roy ; le
nôtre d'à présent a peut-estre de quoy l'estre, mais nous n'en sçavons
encore rien. Il ne le sçait pas luy-mesme. Vous astiez souvent à cheval
; en cela il vous ressemble. Vous aimiez la chasse ; luy aussy. Vous
chassiez pour vous délasser ; luy c'est pour tuer le temps. Et vous
estiez toujours occupé du soin de vos affaires et de celles de votre
peuple ; luy n'a point cet embarras : il n'y pense pas. Ne l'en grondez
pas, ce n'est pas tout à fait sa faute : il a un vieux précepteur qui
fait tout pour lui. Ce pauvre diable fait tout de son mieux et ne fait
rien
qui vaille, parce qu'il n'a jamais rien sçu dans ce métier
etc.
Dans la réponse de Henri IV, on lit : Vous
n'osez rien asseurer du vôtre ; cependant il est discret, pieux, chaste
et fidèle ; pour les vertus militaires, la prophétie est en sa faveur
quand l'occasion l'exigera. (Fol. 136 v°)
Et plus loin : Il est doux, aimable, bon, juste
pieux et chaste ; qui a scau lui inspirer ces vertus mérite vos éloges.
(Fol. 138 v°)
Dans d'autres pamphlets, on indique le logement des personnages de la
cour le roi loge A la Beauté couronnée, rue des Innocents, et
ailleurs Au Perroquet couronné, rue Baudet, vis à vis des Innocents.
La reine loge A la Poule qui pond, rue de la Femme sans tête.
Voir ms. fr. 15362, p. 323.
88 - Lettre du marquis de Silly, 14 juin 1726, l. c.,
p. 241.
89 - Mém. de Villars, p. 346. 348. Voir l'anecdote du
duc de Béthune (septembre 1727). Les courses de
traîneaux, écrit Villars en janvier 1729,
ont fait espérer aux dames un peu plus de vivacité au roi pour elles. On
a dansé après souper, et si cela recommence souvent, il n'est pas
impossible que quelque belle courageuse ne mette la main sur le roi
(p. 360). — Soulavie écrit à ce propos (Mém. du duc de Richelieu, t. IV,
p. 177) : Ses beaux yeux cependant et le charme
de ses manières attiraient les femmes, sa bonté les rendait hardies. On
formait des projets, on proposait même. Mais le jeune monarque, toujours
timide, répondait encore aux corrupteurs : Elle n'est point aussi
belle que ma femme.
90 - Mém. de Villars,
p. 362.
91 - Mém.
du comte de Maurepas, t. Il. p. 219. Cf. Soulavie, Mém. du duc de
Richelieu, t. V, p. 64.
92 - Mém. de Villars, p. 443 ;
Journal de Barbier, t. II, p. 419.
93 - Voir le marquis d'Argenson, t. I, p.
220 (septembre 1737) : Le roi, ne pouvant plus
se tenir aux seuls attraits de la reine, a pris pour maîtresse, depuis
six mois, Mme de Mailly, fille de M. de Nesle. Cf. Barbier,
t. III, p. 113 (novembre 1737). — J'ai appris
depuis quelques jours seulement, écrit le duc de Luynes en
décembre 1744, que le commerce du roi avec Mme
de Mailly a commencé dés 1733, et personne n'en avait aucun soupçon dans
ce temps-là. (T. VI, p. 178, note 1).
Le bruit commun est que le roi est devenu amoureux de la comtesse de
Mailly, quoiqu'elle ne soit pas belle. Elle est charmante le verre à la
main. (Journal de Narbonne (1737), p. 519)
94 - Mém.
de Villars, p. 413.
95 - Ibid., p. 348.
96 - M. Michelet dit de Bachelier :
Fleury eut le royaume et lui le roi.
Louis XV, p. 21.
97 - Mém. de Villars, p. 342.
98 -
Journal et mém. du marquis d'Argenson, t. II, p. 3, 4.
99 - Voir d'Argenson, t. III, p. 192-94.
100 - La pauvre
dame, écrivait Silly après la retraite de M. le duc,
parait prendre à gauche sur tout. (Mém. du duc de
Richelieu, t. IV, p. 162.)
101 - Voir d'Argenson, t. II, p. 324.
102 - Ibid., t. I, p. 220.
D'autres contemporains répètent la même insinuation.
103 - On
dit qu'en Angleterre, la vue d'un portrait du jeune roi troubla plus
d'un coeur.
104 - Dés 1727, le roi montrait ce goût
et s'était fait une petite bibliothèque. Lettre du marquis du Silly.
(Pièces historiques, t. II, p. 293-294.)
105 - Journal de Barbier, t. II,
p. 335.
106 -
Un jour que Villars l'exhortait, en se
proposant pour exemple, à secouer sa mélancolie et à se réjouir,
et faire réjouir les autres : « Cependant », dit le roi, en regardant le
maréchal d'un air équivoque, « il y a des gens qu'au lieu de divertir
vous avez quelquefois bien ennuyés ». — « En vérité, sire, s'il m'est
arrivé d'ennuyer, c'est bien contre mon intention ». — « Oui », reprit
le roi, « cela vous est arrivé et très souvent ce sont mes ennemis,
quand vous les avez battus, et personne ne les a plus souvent ennuyés
que vous ». (Mém. de Villars, p. 376)
107 -
Journal de Barbier, t. II, p. 456.
108 - Voir les Mém. du duc de Luynes,
t. I, p. 116, 154, 211, 232, t. II, p. 75, 99. Le roi faisait un étrange
assemblage de pratiques de religion et de licence dans les moeurs.
Malgré ses désordres, il ne cessa jamais, pour l'abstinence et le jeûne,
de remplir tout ce qui est d'obligation.
Le duc de Luynes, qui fait cette remarque, nous montre le roi se rendant
souvent à la messe à 5 ou 6 heures du matin, en revenant du bal de
l'Opéra, avant de s'aller coucher. (Voir t. I, p. 198, 260, etc. ; t.
II, p. 151-82, 353.)
109 - Voir Barbier, t. III, p. 167 ;
d'Argenson, t. II, p. 126 ; le duc de Luynes t, II, p. 392.
110 - Voir
d'Argenson, t. I, p. 265.
111 - Voir d'Argenson, t. I, p. 313, et
le duc de Luynes, t. II, p. 167, 180, 280.
112 - Nous ferons remarquer toutefois que
le duc de Luynes parle quelque part des brillants vêtements que se
faisait faire Mme de Mailly, et dont elle payait comptant le montant,
s'élevant à 5 ou 6.000 livres (t. III, p. 140).
Mme de Mailly, dit-il ailleurs (t. V, p. 96),
aimait le Roi de bonne foi et non seulement sa personne, mais sa gloire
; elle aurait désiré que tout le monde fut content du Roi, au moins ceux
qui la servent bien.
113 - D'Argenson, t. II, p. 265 ; cf. p.
289 : ceux qui connaissent bien le roi assurent
qu'il portera encore plus loin qu'Henri IV la répugnance à mêler les
femmes aux affaires sérieuses.
114 -
D'Argenson, t. II, p. 121.
115 - Voir une anecdote sur un mémoire
remis au roi par la comtesse de Toulouse en juin 1735. Louis XV donna
l'ordre à Daguesseau de faire rapporter
l'affaire des Jésuites de Brest, dont l'entretenait ce mémoire.
Daguesseau répondit que c'était impossible. Le Roi lui tourna
brusquement le dos, en
déclarant qu'il le voulait. (Nouvelles à la main, ms. fr. 13694,
f. 69)
116 - Journal et mém. du marquis
d'Argenson, années 1738 et 1739. t. I, p. 291-92, 314, 321, 322; t.
II, p. 1, 29, 170, 174, 207, 211, 255, 284.
117 -
La cour est un théâtre de paix et d'indolence
qui ne nous fournit rien de bien vif ni d'intéressant. Le Roy va à
Rambouillet; il revient à Versailles ; il court le cerf. La Reine va à
la messe et à vespres, et a bien de la peine à avoir tous les jours sa
partie de quadrille. (Nouvelles à la main, lettre du 2
juillet 1735, ms. fr. 13694, f. 81)
118 - D'Argenson, t. I, p. 291 ; cf. t.
II, p. 9. C'est à ce même Orry que quelques mois plus tard Louis XV
adressait cette dure apostrophe, en réponse à la proposition
d'accommoder la montagne du Pecq pour faciliter les voyages à
Saint-Germain : Monsieur le contrôleur général,
tous les chemins de La Chapelle (terre d'Orry) sont donc accommodés. On
m'a dit que tout y était pavé, jusqu'aux prés ; il ne reste apparemment
à y rien faire. Je vois bien que vous ne songez à moi qu'après vous.
Mais laissons cela ; nous avons présentement des choses plus pressantes
à penser que le Pecq. (t. II, p. 43). Et d'Argenson, qui
rapporte cette anecdote, ajoute : Moins le Roi
parle sur le ton de dureté, plus de telles paroles sont significatives.
Une autre fois, Maurepas ayant voulu faire des remontrances sur une
décision relative aux conseillers d'État, Louis XV rougit, et dit d'un
ton à faire trembler la terre : Cela ne me
convient pas ! (T. II, p. 285)
119 - D'Argenson, t. II, p. 212.
120 - Idem, Ibid., p. 262. Cf.
avec ce passage (p. 29) : Le roi se montre
homme de tout point, et n'est-ce rien à cet égard que d'avoir pris
une maîtresse avec qui il vit joliment ?.
121 -
D'Argenson, t. II, p. 261 ; cf. le duc de Luynes. t. I, p. 269 et 211
122 - Idem, Ibid., p. 225.
123 - Voir le duc de Luynes, t. I, p. 287
; t. II, p. 251, 253; t. III. p. 56. - Dans les Nouvelles de la main
du temps, on voit qu'on se préoccupait de ces excès.
Le roy nous a donnés quelques allarmes pour sa
santé... Ces petits apartemens ne laissent pas de donner des inquiétudes
(janvier 1737, ms. 13694, f. 17). — En janvier 1738, le roi fut
indisposé par suite des fatigues de la chasse.
Il a eu peur, écrit-on, et promet de
ne chasser que deux fois la semaine, et de moins fréquenter les petits
appartements (Id., f. 222). Et en février 1738 :
Le roi est très changé ; pourtant il mange
beaucoup. Je l'ai vu manger dans deux de ses dîners plus de viande que
je n'en mangerais dans une semaine entière (Id., f.
244). Voir sur la gourmandise de Louis XV, sa lettre à Mme de Ventadour
(15 octobre 1738), citée dans les Mém. du duc de Luynes, t. II,
p. 281 note.
124 - Idem, ibid., p. 266.
125 - Idem, ibid., p. 284. Voir
sur la bonté et la douceur du roi à l'égard de ses serviteurs, le duc de
Luynes, t. III, p. 188. Cf. Narbonne, p. 171-72.
126 - D'Argenson, t. II, p. 131, 146 ; t.
III, p. 50.
127 - Voir le duc de Luynes, t. II, p.
256, 270, etc.
128 -
D'Argenson, t. III, p. 45.
129 - Idem, t. II, p. 181, 254, 255. Voir
(p. 157) l'histoire du papier déchiré et la remarque de Fleury :
Ce sont de petits enfantillages du roi !
et (p. 181) l'histoire des serrures changées et du cardinal fouillant
dans la serrure, en disant à son valet de chambre :
Cette clé n'ouvre pas ; ouvrez donc, Barjac !.
130 - D'Argenson, t. II, p. 394.
131 - Voir sur son humeur, ses
prétentions, son attitude souvent irrespectueuse, le duc de Luynes et
d'Argenson.
132 - D'Argenson, t. II, p. 280.
133 - Le duc de Luynes, t. II, p. 431,
445 et suiv. ; t. III, p. 2 et suiv., 41, 43, etc.
134 - Voir d'Argenson, t. III, p. 391,
393, 397. Cf. t. IV, p. 37.
135 - Voir les Mém. du duc de Luynes,
t. III, p. 74, 87, 95 et passim. Le roi appelait aussi par excellence
la société les personnes suivantes : Mademoiselle, Mlle de Clermont,
Mmes de Ruffec, d'Estrées, de Mailly, de Chalais, de Talleyrand et de
Ségur (id., ibid., p. 69).
136 - Voir
les Mém. du duc de Luynes, t. II, p. 395.
137 - Ibid., p. 373.
138 - Voir t. III, p. 161, cf. t. Il, p.
373. Mme de Mailly a avancé l'autre jour devant
le roi qu'il n'y avait point d'enfer, que c'était un conte de bonne
femme.
139 - Le duc de Luynes rapporte pourtant
une anecdote qui montre que le roi ne s'aveuglait pas à l'égard de
celles qu'il aimait, et leur disait même à
l'occasion de dures vérités (t. III, p. 458).
140 - D'Argenson, t. III, p. 405.
141 - Le duc de Luynes, t. III, p. 482.
142 - D'Argenson, t. III, p. 40, cf. p.
423.
143 - Le duc de Luynes, t. IV, p. 116.
144 - Voir sur la vie du
roi, le duc de Luynes, t. IV, p. 15, 96, 127, 152.
145 - Voir le duc de Luynes, t. III, p. 51, 67 et
suiv.
146 - Idem, t. III, p. 211 et 384 ; t. IV, p.
6.
147 - D'Argenson, t,
III, p. 133-34, 147, t7~, 183.
148 - Idem, ibid., p. 113.
149 - Je ne puis résister à la tentation de transcrire
ici les termes que M. Michelet ose employer, en enregistrant la mort de
Fleury : Vingt jours après, le dévoiement de
Fleury évacua le peu qu'il avait d'âme. (Louis XV, p.
205.)
150 - Journal de Barbier, t. III, p. 418.
151 - Idem., ibid., p. 420. Journal de
police (tenu pour le lieutenant général de police), publié d'abord
dans la Revue rétrospective, et réimprimé à la suite de Barbier,
t. VIII, p. 221-222.
152 - Journal de Police, l. c., p. 222, 224,
232, 237.
153 -
Son caractère essentiel est la vérité,
dit ailleurs le duc de Luynes (t. IV, p. 305).
154 - La vivacité de son goût
pour Mme de la Tournelle, écrit Luynes en décembre 1742,
est toujours la même ; mais c'est un empressement qui n'a pas l'air mêlé
de galanterie, parce que ce n'est pas le caractère du roi.
(T. IV, p. 299)
155 - Voir Luynes, t. IV, p. 244, et l'exemple qu'il
en donne. Le roi disait à Mme de Mailly, à propos de la maréchale de
Belle-Isle : Vous connaissez mon embarras et ma
timidité j'en suis au désespoir. J'ai eu dix fois la bouche ouverte pour
lui parler.
156 -
On peut être surpris avec raison,
dit encore le duc de Luynes à la date du 15 juin 1743,
que, dans de pareilles circonstances, où les expéditions militaires sont
les plus essentielles et les plus importantes à décider, le roi n'en
parle qu'historiquement à M. de Belle-Isle, et n'ait pas voulu lui
demander son avis. (T. V, p. 37)
157 - Mém. du duc de Luynes, t. V, p. 93-96.
158 - Journal de Police, l. c., p. 209.
159 - T. V., p. 55. Et en octobre 1743 :
Elle paraît toujours vouloir ne se mêler de
rien, et se défier beaucoup des empressements nouveaux que l'on veut lui
marquer (p. 155).
160 - Journal de
Barbier, t. III, p. 436.
161 - Le Noailles est un bon
homme, écrit d'Argenson, mais il est
bilboquet (léger et frivole), t. IV, p. 69.
162 - D'Argenson, t. IV, p. 61.
163 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de
Noailles, publiée par M. Rousset, t. I, p. 3.
164 - Id., ibid., p. 10-11.
165 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de
Noailles, t. I, p. 89, 92, 96, 107. Voir ce que dit d'Argenson (t.
II, p. 337) sur cette disposition du roi :
Bachelier est devenu plus boutonné que jamais, avec tout ce qu'il a de
plus dur au monde. Qu'est-ce que cela veut dire ? Car sa faveur est
augmentée au lieu d'avoir diminué : c'est que le roi se montre plus
amoureux du secret et plus fâché quand on y manque qu'il n'a jamais été.
166 - D'Argenson
enregistre le fait, t. IV, p. 63.
167 - Corresp. de Louis XV et du maréchal de
Noailles, t. I, p. 25.
168 - Hist. de mon temps (Mém. de Frédéric
II, publ. par MM. Boutaric et Campardon, t. I, p. 179).
169 - Journal de Barbier, t. III, p. 438.
170 - Journal de Police, l. c., p. 246 et 248.
171 - Journal de Police, l. c., p. 266. Cf. p.
276.
172 - Voir le Journal de Police, l. c., p. 220
et suiv. ; Barbier, t. III, p. 420 et suiv. et 438 ; le duc de Luynes,
t. IV, p. 415. t. V, p. 18, 65, 79, 104, 115 ; et un curieux mémoire du
duc de Chaulnes, p. 269 et 274.
173 - Lettre de Mme de Tencin à Richelieu du 13 août
1743, dans les Lettres de Mme de Villars, de La Fayette et de Tencin
(Paris, 1805), p. 171.
174 - Lettre de Mme de Tencin, du 13 août, p. 171.
175 - Le Journal de
Police, l. c., p. 301. Idem, p. 339-40.
176 - Correspondance, t, I, p. 69-70.
177 - Correspondance,
t. I, p. 91-94.
178 - Idem, ibid., p. 98.
179 - Idem, ibid., p. 108.
180 - Idem, ibid., p 109.
181 - Idem, ibid., p.
126-1~5.
182 - Presque en même temps, le duc de Chaulnes disait
au roi, en lui envoyant son long mémoire :
C'est l'étude que j'ai faite de votre caractère et de cet amour que je
vous ai toujours connu pour la vérité qui m'engage, Sire, à vous
présenter ces réflexions. Ailleurs il disait :
Je ne l'ai montré (son mémoire) qu'à deux de
mes amis, qui faute de connaître V. M. le trouvaient trop fort, et
craignaient par cette raison qu'il fit plus de mal que de bien ; mais
moi qui la connais mieux qu'un autre, et qui sais combien elle est
susceptible de la vérité même la plus désagréable, je passe
par-dessus... (Mém. du duc de Luynes, appendice à
l'année 1743, t, V, p. 255 et 57)
183 - Correspondance, t.
I, p. 167.
184 - Idem, t. I, p. 164.
185 - Idem, t. I, p. 222.
186 - Idem, t. I, p. 163.
187 - Idem, t. II, p. 49.
188 - Idem, t. I, p. 166.
189 - Idem, t. I,
p. 172-174.
190 - Idem, t. I, p. 181.
191 - Idem, t. I, p. 185.
192 - Idem, t, I, p. 219.
193 - Idem, t. II, p.
12.
194 - Lettre du 26 septembre, t. II, p, 16.
195 - T. II, p. 18.
196 - Fragment des
Mém. de Mme la duchesse de Brancas, à la suite des Lettres de L.
B. Lauraguais à madame *** (Paris, 1802, in-8°), p. 224. — Frédéric
II dit aussi (Hist. de mon temps, l. c., p. 225) :
Une femme, par amour pour la patrie, entreprit de
tirer Louis XV de la vie oisive qu'il menait, pour l'envoyer commander
ses armées : elle sacrifia à la France les intérêts de son coeur et de
sa fortune ; c'était Mme de Châteauroux. Elle parla avec tant de force,
elle exhorta, elle pressa si vivement le roi, que le voyage de Flandre
fut résolu.
197 - L'original de
cette lettre se trouve dans le Ms. fr. 12767 (anc. suppl. fr. 1134).
Elle a été publiée, avec cinq autres lettres, en 1852, dans le
Bulletin de la Société de l'Histoire de France, p. 288-89. On a
publié en 1806 2 vol. d'une Correspondance inédite de Mme de
Châteauroux. Ce recueil est apocryphe.
198 - Nous nous éloignons complètement ici du jugement
porté par M. Sainte-Beuve, qui déclare que rien n'est plus propre à
faire connaître Louis XV au moral que les huit lettres de Mme de Tencin
au duc de Richelieu et le fragment des Mém. de la duchesse de Brancas.
Jamais, dit l'éminent critique,
Louis XV n'a été plus jugé à fond et avec des sentiments de mépris plus
clairvoyants et mieux motivés que dans ces lettres. (Causeries
du lundi, t. II, p. 245 et 381.) Or Mme de Tendu écrit le 22 juin
1743, au moment même où la correspondance entre le roi et le maréchal de
Noailles a le plus d'activité, alors que tous les contemporains
attestent la part personnelle du roi au gouvernement :
Il faudrait, je crois, écrire à Mme de la
Tournelle, pour qu'elle essayât de tirer le roi de rengourdissement où
il est sur les affaires publiques. Ce que mon frère a pu lui dire
là-dessus a été inutile : c'est, comme il vous l'a mandé, parler aux
rochers. Je ne conçois pas qu'un homme puisse vouloir être nul quand il
peut être quelque chose... Ce qui se passe dans son royaume paraît ne
pas le regarder il n'est affecté de rien ; dans le conseil il est d'une
indifférence absolue ; il souscrit à tout ce qui est présenté
(p. 158 ; cf. p. 167-68). — On prétend que le
roi évite même d'être instruit de ce qui se passe, et qu'il dit qu'il
vaut mieux ne rien savoir que d'apprendre des choses désagréables
(p. 160). — Et le 20 mars 1744 : Vous savez
sans doute qu'il est question que le roi doit prendre ce printemps le
commandement de son armée ; on dit que c'est l'ouvrage de Mme de
Châteauroux... Vous devez bien penser que cela ne transpire pas... Voilà
donc le voeu de mon frère exaucé, et j'ai peine à croire que Mme de
Châteauroux n'en ait pas eu connaissance. Elle est enfin parvenue à
donner une volonté au roi : ce n'est point un petit ouvrage, on doit lui
en avoir obligation... On assure qu'elle a employé les plus grands
moyens pour réussir (p. 155-56).
199 - Comment, en
présence de cette lettre, peut-on accorder la moindre valeur au fragment
de prétendus Mémoires de Mme de Brancas, réimprimés, comme un
bijou historique et littéraire, par M. L. Lacour en 1865, et où on lit
des passages comme ceux-ci ? Voyez, me dit le
roi, comme elle (Mme de Châteauroux) me traite, et dites-lui ce que vous
en pensez. Elle ne se mêle des affaires de personne ; cela n'est pas
digne d'elle ; mais des ministres, du parlement de la paix, de la
guerre, elle ne cesse de m'en parler (p. 224). Et plus
loin : Vous ne serez donc pas étonné que Mme de
Châteauroux ait déterminé le roi à se mettre à la tête de son armée
et à faire la campagne de Flandre... Après cette campagne, Mme de
Châteauroux ne fut même pas tentée de revenir à Versailles ; et le roi,
subjugué par le caractère de Mme de Châteauroux, consentit à
s'approcher de son armée d'Alsace et d'attendre à Metz qu'il fut
possible d'entreprendre le siége de Fribourg (p. 225).
200 - D'Argenson, t. IV, p. 101.
201 - Barbier, t. III, p. 513.
202 - En revanche le roi se faisait suivre par son
confesseur. J'ai encore oublié d'écrire que le
P. Perusseau, confesseur du roi, est allé en Flandre ; le roi a voulu
qu'il le suivît et qu'il arrivât presque en même temps que lui.
(Mém. du duc de Luynes, t. V, p. 425.)
203 - D'Argenson fait à
ce propos cette remarque : On prétend que c'est
une tache à la gloire du roi que d'avoir fait venir (erreur) sa
maîtresse à l'armée... Convenons que cela ne peut être estimé que
suivant le préjugé. Quel sot préjugé que celui de combattre des plaisirs
qui ne font de tort à personne ! (t. IV, p. 103-104.)
204 - Que l'on me donne des
faits (contre Maurepas) et je serai bien forte, écrit-elle de
Plaisance à Richelieu le 3 juin ; mais il
faut que je sois présente, car c'est tout différent.
Lettre publiée par MM. de Goncourt, Les maîtresses de Louis XV,
t, I, p. 134, et provenant de la collection Leber à la bibliothèque de
Rouen.)
205 - Lettre du 25 juin, l. c., p. 137-38.
206 - Journal de Barbier, t. III, p. 507 ;
voyez aussi p. 521. Tout le monde convient que
le roi a visité les travaux et s'est fort hasardé ; les bombes et les
canons, qui n'allaient pas loin de lui, ne l'empêchaient pas de causer
avec sang-froid. Il a visité lui-même l'hôpital du siège et les blessés.
207 - Idem, ibid., p. 518.
208 - Idem, ibid., p. 5.
209 - D'Argenson, t. IV,
p. 103.
210 - Barbier parle de la mauvaise humeur que ce
changement causait à certaines gens. T. III, p. 518.
211 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de
Noailles, t. II, p. 175.
212 - Lettre publiée par
MM. de Goncourt, l. c., t. I, p. 148-51. Elle finit en disant : "Brûlez
mes lettres". Heureusement pour l'histoire, Richelieu les a conservées.
213 - Lettre du 18.
214 - Les portraits que l'on a fait de la duchesse de
Châteauroux sont de véritables portraits de fantaisie. Voir ce qu'en dit
le duc de Luynes, qui la
montre paresseuse de corps et d'esprit (t. V, p. 97). Voir surtout les
lettres publiées par MM. de Goncourt, d'après les mss. Leber, et celle
qu'ils reproduisent d'après le catalogne de la collection Martin :
Sûrement, Meuse vous aura mandé la peine que
j'ai eue à faire déguerpir Mme de Mailly... Vous croyez peut-être que
c'est une affaire unie ? Point du tout ; c'est qu'il est outré de
douleur, et qu'il ne m'écrit pas une lettre qu'il ne m'en parle et qu'il
me demande de la faire revenir, et qu'il ne rapprochera pas, mais qu'il
me demande de la voir quelquefois... Comme il me conviendrait fort peu
qu'elle fût ici, je compte tenir bon. Comme je n'ai pas pris
d'engagement, dont je vous avoue que je me sais bon gré, il décidera
entre elle et moi... Il vous a mandé que l'affaire était finie entre
nous, car il me dit dans sa lettre de ce matin de vous détromper parce
qu'il ne veut pas que vous en croyez plus qu'il y en a. Il est vrai que,
quand il vous a écrit, il comptait que ce serait pour le soir ; mais
j'ai apporté quelques difficultés à l'exécution, dont je ne me repens
pas (t. I, p. 56-85). MM. de Concourt n'ont-ils pas bien
raison de dire : Nul portrait qui vaille cette
confession : c'est la femme elle-même, avec le cynisme et la légèreté de
ses sécheresses, le sang-froid et l'impudeur de ses ingratitudes, de ses
partis pris, de son esprit et de son coeur ?.
215 -
On ne peut oublier ici les sentiments de
résignation, de piété et d'humilité que le roi a marqués dans ces
circonstances : détachement de la vie, ne souhaitant point que Dieu lui
rendît la santé, souhaitant plutôt, si c'était sa volonté, qu'il le
retirât de ce monde pour que ses peuples fussent mieux gouvernés.
(Mém. du duc de Luynes, t. VI, p. 46.)
216 - Louis XV, p. 231.
217 - Le maréchal avait laissé échapper le prince
Charles et son armée.
218 - Correspondance de Louis XV et du maréchal de
Noailles, t. II, p. 181. L'influence de Noailles n'était plus sans
rivales. On avait remarqué la froideur avec laquelle le roi l'avait
accueilli à Metz. A son retour à Paris, il nomme le marquis d'Argenson
ministre des affaires étrangères. C'était une autre direction qui se
substituait à celle du maréchal.
219 - Lettres provenant
de la collection Leber, dans MM. de Goncourt, t. I, p. 156-57.
220 - Lettre du 13 septembre, ibid., p. 158-56.
221 - Voir les Mém. du duc de Luynes, t. VI, p. 145.
Cf., p. 154, ce que dit Luynes sur les démonstrations inaccoutumées du
roi a l'égard de la reine.
222 –
Mémoires du duc de Luynes, t. VI, p. 266.
223 - C'est
ce que constatent également le duc de Luynes (t. VI, p. 184) et Barbier
(t. III, p. 571).
224 - Il avait remplacé en mai 1743 le
père de Liniéres. Voir le duc de Luynes t. V, p. 11.
225 - Mémoires du duc de Luynes,
t. VI, p. 193.
226 - Le peu de
goût et de considération que l'on connaît au roi pour la reine...,
a écrit le duc de Luynes en avril 1745 (t. VI, p. 425).
227 - Voir le duc de Luynes, t. VI, p.
194 et 261.
228 - Voir le duc de Luynes, t. VI, p.
189, 296, 336,341, 350, 369, 373, 377, 382. Le
roi paraît avoir plus de goût que jamais pour les bals masqués,
dit-il (p. 341) ; avant hier au soir il alla à
celui de Versailles, dans la ville, qu'on appelle le bal d'un écu.
229 - Journal de Barbier, t. III,
p. 571. Le roi a une maîtresse, mais qui n'en
n'a pas ? n'écrit-il quelques années plus tard (t. IV, p.
496).
230 - Mémoires du duc de Luynes,
t. VI, p. 354.
231 -
Mémoires du duc de Luynes, p. 423.
232 - Id., ibid., p. 303.
233 - Id., ibid., p, 407.
234 - Dans une lettre au maréchal de
Richelieu, datée du 4 octobre 1744, le roi s'exprimait noblement en ces
termes : Ce qui me déplaît le plus de l'envie
de la paix, c'est d'être au point qu'elle est chez nous et chez tous nos
officiers, lesquels ne devraient respirer qu'après la guerre. Cela me
fait mourir de chagrin. Catalogue d'autographes provenant
du cabinet de M. A. Martin (1842), n° 168.
235 - Mémoires du duc de Luynes,
t. VI, p, 374.
236 - Le dauphin était alors dans sa
seizième année. Dès l'année précédente, il avait sollicité du roi la
faveur de le suivre à l'armée ; le roi lui répondit en ces termes (6 mai
1744) : Je loue le désir que vous avez marqué
de me suivre à la tête de mes armées ; mais votre personne est trop
chère a l'État pour oser l'exposer avant que la succession et la
couronne soit assurée par votre mariage. Quand vous aurez des enfants,
je vous promets que je ne ferai jamais de voyage à la guerre sans vous
mener avec moi ; mais je souhaite et j'espère n'être jamais dans le cas
de vous tenir cette parole. Comme je ne fais la guerre que pour assurer
à mon peuple une paix solide et durable, si Dieu bénit mes bonnes
intentions, je sacrifierai tout pour lui procurer cet avantage tout le
reste de mon règne. Il est bon que vous entriez de bonne heure dans ces
sentiments et que vous vous accoutumiez à vous regarder comme le père
plutôt que comme le maître des peuples qui doivent être un jour vos
sujets. Mémoires historiques et militaires du maréchal de
Noailles, t. VI, p. 361.
237 - Cette lettre se trouve dans les
Pièces de la Vie privée de Louis XV (par Mouffle d'Angerville,
t. II, p. 321-24).
238 - Voir
en particulier les Mémoires du duc de Luynes, t. III, p. 442, le
Journal de Barbier, t. IV, p. 37, la Vie privée de Louis XV,
t. II, p. 216-22, et les relations rapportées par Luynes, l. c.,
p. 444 et 447.
239 - On ne connaissait que la lettre du
dauphin à sa femme, donnée dans la Vie privée de Louis XV.
240 - Lettre reproduite, d'après
l'autographe, par les éditeurs des Mémoires du duc de Luynes, t,
VI, p. 441, note 3. Elle avait déjà été publiée, en 1849, dans le
Bulletin du Comité historique, t. I, p. 287-88.
241 - Cité par M. Saint-René Taillandier,
Maurice de Saxe, p. 261-62. Cf. une autre lettre, tirée des archives du
ministère de la guerre, et publiée par MM. Dussieux et Soulié,
Appendices de l'année 1745, t. VI, p. 178-80. — Le passage cité par
l'auteur de Maurice de Saxe se retrouve dans une lettre au contrôleur
général, publiée par les éditeurs du duc de Luynes, t. VII, p. 181-84.
242 - Voir le duc de Luynes, t. VI, p.
478 et 486, t, VI, p. 31.
243 - Voir Luynes, t. VII, p. 53, et
Barbier, t. IV, p. 78-79. Tout le monde
convient, dit Barbier (p. 83), que
la campagne du Roi est la plus belle qui ait jamais été faite par aucun
roi de France. Et le président Hénault, dans ses Mémoires
(p. 24) s'exprime ainsi : Quelle place
tiendront dans ce règne les campagnes triomphantes de la guerre de 1740,
les seules de la vie du Roi, et où l'envie peut seule lui refuser
d'avoir eu la plus grande part !.
244 -
Croyez-vous, répondit le roi avec
vivacité au prince de Dombes, que je m'en irois
s'il y avoit encore quelque chose à faire ? Mém. de Luynes,
t. VII, p. 49.
245 - Pour cette
année, il n'y a ni princesses, ni aucune femme avec le roi.
Journal de Barbier, t. IV, p. 39. Lacretelle, qu'on a suivi avec
tant de confiance, écrit (t. II, p. 316) que Mme d'Étioles accompagna le
roi.
246 - Luynes, t. VI, p. 492, et t. VII,
p. 5. Le roi lui écrivait chaque jour une ou plusieurs lettres, et au
commencement de juillet, elle en avait reçu plus de quatre-vingt, déjà
adressées à la marquise de Pompadour, avec la devise :
Discret et fidèle.
247 - Le roi était revenu le 8.
248 - Mém. de Luynes, t. VI, p.
93. - Il est vrai que bien des gens professaient alors l'opinion de
Barbier, qui écrivait : Il suffit que le roi
soit attaché à une femme telle qu'elle soit, pour qu'elle devienne
respectable à tous ses sujets (t. IV, p. 367). Mais cela
n'empêchait pas la guerre de chansons et d'épigrammes.
249 - Mémoires de Luynes, t. VII,
p. 110.
250 - Voir
le duc de Luynes, t. VII, pages 63, 125, 129-130, 210, 431, 439, 463-64
; t. VIII, p. 20,145.
251 - Idem, t. VII, p. 126. Mme de
Pompadour ne laissait pas, de son coté, échapper une occasion de faire
sa cour à la reine, et de lui donner des marques de respect. Voir pages
223, 228, 264, 267, 303, 430, etc.
252 - Id., ibid., p. 188. Il est
vrai que la tabatière d'or émaillée donnée à la reine, était
primitivement destinée à la mère Poisson, morte le 24 décembre (voir
Luynes, p. 202). Le compilateur des Mémoires du comte de Maurepas dit,
avec son exactitude habituelle, que le 1er janvier 1746 le roi donna une
tabatière d'or à la mère de Mme de Pompadour, et que la reine en fut
mortifiée (t. IV, pages 255 et suiv.).
253 - La reine
avait beaucoup pleuré pendant le grand couvert ; elle marqua beaucoup
d'amitié au roi avant son départ ; elle lui baisa la main plusieurs
fois. Le roi l'embrassa en trois occasions différentes.
Mémoires de Luynes, t. VII, p. 299.
254 - M. Michelet, Louis XV, p.
255.
255 - 10 janvier 1747.
256 - Le marquis d'Argenson, Mémoires
de son ministère, t. IV, p. 179.
257 -
Mémoires de Luynes, t. VII, pages 199, 241, 242, 253, 263, 292.
258 - Mémoires de Luynes, t. VII,
p. 310. - S'il en faut croire Soulavie (Mémoires historiques et
politiques du règne de Louis XVI), Mme de Pompadour finit par ôter
de la bibliothèque du roi les sermons de Bourdaloue et de Massillon.
Mais elle ne triompha pas des scrupules de Louis XV, qui lui disait sans
cesse : Je me fais une fausse conscience
(t. I, p. 177).
259 - Mémoires de Luynes, t. VII,
p. 341, 367.377.
260 - Idem, t. VIII, p. 257.
261 - Idem, ibid., p. 297. —
La France revenait à ses jours de gloire,
dit un historien peu suspect (M. Th. Lavallée, Histoire des Français,
11° édition, t, III, p. 484).
262 - M. Théophile Lavallée, Les
frontières de la France, p. 106. — Quant au
partage, dit d'Argenson dans les Mémoires de son ministère,
il était ménagé avec une générosité et une prévoyance admirable. Je le
vanterai avec d'autant plus de plaisir que c'est l'ouvrage entier du
roi, et c'est peut-être le seul ouvrage de son règne qui soit bien à
lui. Le roi est bon géographe ; il a présent à l'esprit toutes les
positions topographiques : il trouve plutôt sur une carte le point
demandé qu'aucun de ceux avec qui il travaille ; il a l'esprit
naturellement juste, il ne s'agit que de le faire sortir de
l'assoupissement, de l'indécision et de la timidité (t. IV,
p. 285).
263 -
Correspondance secrète inédite de Louis XV, publiée par M. Boutaric,
t. II, p. 355, 104.
264 - Journal et mémoires du marquis
d'Argenson, t. IV, p 254.
265 - Id., ibid., p. 253. —
Je ne l'ai jamais vu si grand que quand il
écouta le rapport que M. Champeaux lui fit à Choisy, dit
encore dArgenson (p. 255) il ordonnait en maître, il discutait en
ministre. Et en note : Audience de
Champeaux à Choisy. Son étonnement, sa stupéfaction de tout ce que le
roi dit, avec intelligence, éloquence et dignité.
266 -
Mémoire envoyé par le comte de Broglie à Louis XVI le 9 juin 1774.
Correspondance secrète inédite de Louis XV sur la politique étrangère,
t. II, p. 404-405. Comparer avec le mémoire du maréchal de Noailles, en
date du 10 février 1744, Correspondance de Louis XV et du maréchal,
t. II, p. 77, 95 et 102.
267 - M. Henri Martin, t. XV, p. 292,
301. Cf. - Luynes (t. VIII, p. 80) : Tout le
monde convient qu'il a de très bonnes intentions et qu'il veut le bien ;
mais malheureusement il manque des talents nécessaires pour y parvenir
; et Barbier (t. IV, p. 214) : On dit
généralement que les affaires dont était chargé M. le marquis d'Argenson
lui étaient véritablement étrangères, et qu'il n'y entendait rien.
268 - Expressions du maréchal de Noailles
dans un mémoire au roi, en date du 15 décembre 1746. Correspondance,
etc., t. II, p. 271.
269 - Voir ce que dit Luynes en novembre
1745, t. VII, p. 124
270 - Voyages de Choisy, ms. fr.
14436. Cf. Luynes, t. VII, p. 290.
271 - Mém. de Luynes, t. VII, p.
389, 391-392, 402 ; ms. fr. 14436.
272 - Voir t. IV, p. 408-4O9, et t. V, p.
48-52.
273 - T. V, p. 57.
274 - T.
VIII, p 13.
275 - Flassan, Histoire de la
diplomatie française, t. V, p. 168.
276 - Expressions dont se servit le comte
de Saint-Séverin à Aix-la-Chapelle. Voltaire, Précis du siècle de
Louis XV, ch. XXX.
277 - Voir le mémoire du comte de Broglie
déjà cité, Correspondance secrète inédite, t. II, p 405.
278 - Voltaire, Précis du siècle de
Louis XV, chap. XXX. — Le roi écrivait après la victoire de Lawfeld
(2 juillet 1747) : Quelques suites favorables
que je doive me promettre d'une journée si glorieuse pour nos armes, le
fruit le plus agréable que je puisse en recueillir sera de disposer mes
ennemis à écouter enfin la voix de la justice et de la paix, et
d'assurer par ce moyen la tranquillité de mes sujets. Lettre
à l'archevêque de Paris, donnée par les éditeurs du duc de Luynes, t.
VIII, p. 408-409. |